Acte de mariage contre une chambre d’hôtel pour un couple: la fin d’un vrai (faux) verrou au Maroc

Un couple s'enregistrant à la réception d'un hôtel. (Photo d'illustration)

Contactée par Le360, une source autorisée confirme que la présentation d’un acte de mariage n’est désormais plus exigée aux couples souhaitant disposer d’une chambre d’hôtel. La règle tacite voulant qu’une femme ne peut réserver une chambre d’hôtel dans sa ville de résidence est également abolie. Voici pourquoi.

Le 27/05/2024 à 12h11

À peine lancé, le débat sur certaines libertés jusque-là verrouillées pour accéder aux services hôteliers porte déjà ses fruits. Contactée par Le360, une source autorisée confirme les informations récemment relayées par des professionnels du secteur sur la levée de restrictions tacites exigeant, notamment, la présentation d’un acte de mariage pour tout couple souhaitant disposer d’une chambre d’hôtel. Idem pour l’interdiction, là encore non écrite, pour une femme de prendre une chambre d’hôtel dans sa ville de résidence. Ces deux premiers verrous ont bel et bien sauté, comme le confirme notre source.

À la nature restrictive de ces mesures, s’agissant de certaines libertés, s’ajoute leur caractère obsolète. «Si ces interdictions étaient scrupuleusement respectées dans les établissements hôteliers, absolument rien n’empêchait des couples, mariés ou pas, de recourir à des Airbnb, des appart’hôtels ou des studios loués à la journée dans les principales villes. À la concurrence déloyale que ces offres constituent pour notre activité s’ajoute un risque autrement plus grave, celui de la sécurité des clients. La chronique judiciaire est d’ailleurs de plus en plus nourrie par des faits divers sur des violences et autres crimes, parfois crapuleux, qui se déroulent dans ces espaces», explique un hôtelier de la place.

À noter qu’aucune loi et aucun texte législatif n’interdit à un couple de louer une seule et même chambre d’hôtel, encore moins à une femme seule de prendre une chambre d’hôtel dans sa ville de résidence. «Jusque-là, l’instruction était strictement orale. Cela n’empêchait pas des désagréments certains, y compris pour des couples mariés ayant oublié ou égaré leur acte de mariage», explique notre interlocuteur.

L’écrivain Tahar Ben Jelloun en a récemment été témoin dans la ville de Rabat. La scène se passe dans un palace de la capitale. «Je viens chercher un couple d’amis pour aller dîner. Je trouve l’épouse assise sur une banquette dans le hall, sa valise à côté. Je suis étonné. Elle m’apprend que son mari, installé à l’hôtel la veille, est allé faire une course et elle l’attend parce que la réception a refusé de lui donner la clé de la chambre tant qu’elle ne montre pas son acte de mariage. La dame a plus de cinquante ans. Elle a beau leur expliquer qu’elle ne se promène pas avec ce document dans son sac, d’autant plus que le mariage date d’une trentaine d’années. Arrive le mari. Il proteste, cause un petit scandale. Rien n’y fait», écrivait-il dans l’une de ses chroniques sur Le360.

Quant à la disposition sur les femmes seules, elle est tout simplement absurde et n’obéit à aucune loi, et encore moins à une quelconque logique. «C’est même un acte discriminatoire pure et simple, alors que la Constitution est claire sur l’égalité homme-femme au Maroc», explique-t-il.

Une correction dans le sens de la légalité

Mardi 21 mai, devant la Chambre des conseillers, le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi ne disait pas autre chose. Pour lui, aucun fondement juridique ne justifie de telles pratiques. «Je cherche depuis 20 ans un fondement pour cette pratique, mais je n’en ai trouvé aucun… Or, si la loi ne l’exige pas explicitement, demander aux couples de produire ce document est tout simplement illégal», a-t-il souligné, indiquant qu’il s’agit d’une violation de leur vie privée et, donc, d’une infraction à la loi. Quant à l’exigence d’un certificat prouvant que la femme ne réside pas dans la ville où elle souhaite réserver une chambre d’hôtel, elle est proprement «discriminatoire» et «injustifiable».

La levée de ces interdictions n’est, finalement, qu’un juste retour des choses, une correction tant attendue dans le sens de la cohérence et la pleine légalité. En attendant qu’elle soit suivie d’autres…

Par Tarik Qattab
Le 27/05/2024 à 12h11