A Tissardmine, des patients découvrent la médecine grâce à Cœur de gazelles

Lors de la caravane médicale Cœur de gazelles, Sandrine (à gauche), opticienne bénévole, remet à une patiente une paire de lunettes de vue. (K.Sabbar/Le360)

Le 24/04/2025 à 09h02

VidéoÀ quelques kilomètres de Merzouga, la caravane médicale de l’association Cœur de gazelles a déployé ses tentes à Tissardmine, transformant des lieux déserts en hôpital à ciel ouvert. Médecins, infirmiers, ophtalmologues, pharmaciens, logisticiens… En tout, une quarantaine de bénévoles sillonnent le centre-est marocain pour soigner, écouter et soulager. Une aventure humaine et solidaire que Le360 a suivie au plus près, dès les premières consultations. Reportage.

Sous la lumière blanche et sèche, les 4x4 alignés, les tentes montées à la hâte et les regards concentrés des bénévoles trahissent l’effervescence d’un campement pas comme les autres. À Tissardmine, aux portes de l’erg Chebbi, la caravane médicale de l’association Cœur de gazelles bat son plein. Dans cette étendue ocre et poussiéreuse, un ballet d’enfants, de mères, de personnes âgées et de jeunes pères afflue dès le lever du jour. La veille, 375 personnes ont été reçues pour un total de 909 consultations, et ce n’était que le premier jour.

Ici, loin de tout, Cœur de gazelles crée du lien.

Créée en 2001 par Maïenga, la société organisatrice du Rallye Aïcha des gazelles, Cœur de gazelles est une association qui a fait cette année de Tissardmine son terrain d’action solidaire. Chaque année, en parallèle de la célèbre course féminine, une caravane médicale se déploie. En une matinée sur place, on comprend rapidement qu’on est loin des missions médicales classiques.

«La particularité de notre caravane, c’est qu’elle est multidisciplinaire», explique Christelle Egreteau, déléguée générale et surtout une des chevilles ouvrières de l’organisation. «On peut accueillir toute une famille, quel que soit l’âge et leur proposer un véritable parcours de soin», ajoute-t-elle.

Médecins généralistes, gynécologues, pédiatres, dermatologues, ophtalmologues, opticiens, infirmiers, pharmaciens: ils sont 44 au total, avec les chauffeurs, à œuvrer sur le terrain. Le pôle ophtalmologie, notamment, ne désemplit pas. «Hier, les enfants sortaient de la tente avec des sourires énormes. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’ils voyaient bien», confie Samir, opticien bénévole.

Des gestes simples pour des vies changées

Dans une structure un peu en retrait, Aziz Zaoui, chirurgien pédiatrique, examine un nouveau-né avec douceur. Depuis 2012, il revient chaque année. «Au début, je suis venu pour rendre service à une bénévole qui n’a pas pu se libérer… et je ne suis plus jamais reparti», confie-t-il en souriant.

Ici, les gestes sont souvent simples: retrait de kystes, de lipomes, petites sutures, soins dermatologiques. Mais ils peuvent transformer une vie. Aziz Zaoui raconte l’histoire de Zora, une petite fille gravement brûlée sur le torse, à l’eau chaude, «elle en gardait, depuis ses 4 ans, une cicatrice disgracieuse qui commençait à empêcher la croissance de son épaule». Grâce à une mobilisation de l’équipe médicale de Cœur de gazelles, Zora a été opérée à trois reprises par un plasticien à Rabat pour débloquer son épaule, retirer la bride qui la tirait vers le bas et placer des expandeurs sous la peau pour gagner en élasticité. Il ajoute, plein d’émotions: «C’est ce genre d’histoire qui nous fait revenir chaque année.»

Dans un autre hameau, les opticiens reçoivent par grappes les patients triés à l’entrée. Grâce à la fondation Krys, tout un arsenal de matériel a été acheminé de France: verres préparés à l’avance, meule à verre pour ajuster les corrections, montures de lunettes… «Cette année, on a même pu ajuster les verres directement sur place, c’est un gain énorme», se réjouit Alizée, bénévole sur le pôle optique.

Deux montures, un choix restreint, mais une immense dignité rendue à ceux qui repartent en voyant enfin le monde nettement. Même les cas complexes trouvent leur solution à distance, comme ce jeune atteint de myopie sévère (-18), pour qui des lunettes sur mesure ont été fabriquées en France.

Une logistique millimétrée

La caravane, c’est 11 véhicules 4x4, 3 camions, une chaîne logistique rodée et un travail main dans la main avec les autorités locales. «Nous avons l’accord officiel du ministère de la Santé et des partenariats solides avec les associations locales. Sans elles, rien ne serait possible», souligne Christelle Egreteau. Le «téléphone arabe» et WhatsApp servent de relais pour remonter les besoins des villages environnants, notamment grâce à Moha et Hamid Oufkir, père et fils, qui servent d’ancrage à Merzouga pour Cœur de gazelles.

Le lien ne s’arrête pas à la fin du rallye: fauteuils roulants, couvertures, médicaments, équipements stockés et distribués au fil de l’année, la caravane laisse une empreinte durable.

Car Cœur de gazelles ne s’arrête pas aux soins. L’association est également engagée sur les autres événements de Maïenga, comme le Babel raid ou le Trekking gazelles. Là, elle travaille au développement durable (plantation de palmiers et d’oliviers à Outtara) et à l’autonomisation des femmes, via des ateliers rémunérés de henné, de pâtisserie ou de confection artisanale. «Ce sont de petits revenus, mais qui changent tout, surtout pour des femmes seules avec des enfants à charge. Elles apprennent à gérer un budget, à développer une activité», raconte Christelle Egreteau.

Financée à 100% par des dons privés, issus des participantes du Rallye Aïcha des gazelles et de soutiens fidèles, la caravane fonctionne sans financement extérieur au rallye. Le coût d’une telle mission? 180.000 euros pour 10 jours et environ 6.000 consultations au total.

Ici, la solidarité est concrète. Elle n’a ni vernis ni slogans. Juste des mains qui pansent, des cœurs qui écoutent, des sourires qui renaissent.

Par Camilia Serraj et Khadija Sabbar
Le 24/04/2025 à 09h02