Ce mercredi 17 mars 2021, le général algérien Mohamed Kaïdi, chargé, entre autres, des relations extérieures de l’armée algérienne, a présenté une conférence, à distance, devant les étudiants militaires du Collège de défense de l'OTAN à Rome, en Italie.
Intervenant sur «Le rôle de l’Algérie dans le maintien de la stabilité dans la région et sa coopération avec l’OTAN», le responsable militaire algérien se devait d’être rassurant sur les menaces sécuritaires qui pèsent sur les pays des deux rives de la Méditerranée de la part des groupes armés encore très actifs sur le flanc sud de l’Algérie.
Et parmi ces groupes, les séparatistes du Polisario constituent une source de préoccupation pour ladite région, d'autant qu’ils viennent, sous la pression de l’Algérie, de rompre unilatéralement les accords de cessez-le-feu au Sahara, qu’ils ont signés en 1991 avec l’ONU.
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Comme explication à ce bellicisme voulu par l’Algérie, Kaïdi a quitté le champ des militaires, responsables de la défense des frontières et de la sécurité, et a relayé les éléments de langage, repris le président de la République et les diplomates de son pays, en affirmant que «le conflit du Sahara est une affaire de décolonisation qui doit être résolue conformément aux résolutions de l’ONU» et «au droit international».
Bien évidemment, ce général, à l’instar de sa hiérarchie, ne comprend rien au droit international, puisque le Conseil de sécurité reconnaît désormais que si le Sahara occidental a été effectivement une région colonisée par l’Espagne, il n’en demeure pas moins que ce territoire, depuis que les hommes ont commencé à tenir la chronique d’une Histoire, n’a jamais constitué un pays ou même présenté les ingrédients d’une entité souveraine, avant que Houari Boumediène et Mouammar Kadhafi ne créent une œuvre éphémère, à quatre mains, baptisée RASD.
Le Conseil de sécurité est conscient de cette réalité et ses dernières résolutions participent de la restauration de la vérité historique. C’est ce qu’expriment clairement les résolutions 2494 d’octobre 2019 et 2548 d’octobre 2020, à travers lesquelles l’exécutif de l’ONU prône, sans équivoque, une solution politique et réaliste, parfaitement en phase avec le plan d’autonomie mis sur la table par le Maroc. Cette solution réaliste est désormais largement soutenue par la communauté internationale, car elle a le mérite de mettre en œuvre la résolution 1514 dans le respect total de l’intégrité territoriale du Maroc.
Mais, il faut reconnaître qu’en parlant du Sahara marocain devant des étudiants de l’Otan, à travers un langage fossilisé datant de l’ère du Pacte de Varsovie, Kaïdi avait peu de chance de convaincre des interlocuteurs jeunes, portés sur les défis de demain. Mais devant la débâcle de la diplomatie algérienne, l’armée des généraux tombe le masque et montre que c’est davantage dans la politique qu’elle exerce son pouvoir que dans les missions traditionnellement dévolues à une armée. Le peuple algérien ne s’y trompe d’ailleurs pas et il appellera demain, lors du vendredi 109 du Hirak, à instaurer un «Etat civil, pas militaire».
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Mais pour ceux qui connaissent Mohamed Kaïdi, ces déclarations restent dénuées de toute conviction chez leur auteur lui-même, connu pour être un caméléon qui a montré sa capacité d’adaptation en servant tous les clans militaires ennemis qui s’entredéchirent pour mettre le pays à leurs bottes.
En effet, Mohamed Kaïdi, âgé de 60 ans, a intégré l’armée algérienne au milieu des années 80, avant de devenir son plus jeune général en 2012. C’est parallèlement à la montée en puissance du général feu Gaïd Salah qu’il va connaître une ascension fulgurante, en devenant le visage bancable d’une armée de généraux séniles. Promu général-major en 2014, il a été à un doigt de devenir le patron de l’ex-Département de la sécurité et du renseignement reconstitué par Gaïd Salah.
Surnommé «El Manjel» (la faucille) ou «coupeur de têtes», pour avoir travaillé à l’ombre du général Wassini Bouazza, ex-tortionnaire et bras droit de Gaïd Salah, le général Mohamed Kaïdi est l’un des très rares hommes de l’ancien chef d’état-major à avoir échappé, en 2020, à la purge menée par Saïd Chengriha contre le clan de son prédécesseur.
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Alors qu’on le croyait promis à la prison militaire de Ben Aknoun, Mohamed Kaïdi sera promu au très haut poste de chef du Département emploi et préparation au sein de l’état-major de l’armée, un poste stratégique et sensible qui a pour mission la coordination opérationnelle entre les différents corps de l’armée: terre, air, mer.
Kaïdi a échappé très probablement à la prison, parce qu’il fait office de mascotte pour les généraux algériens, dont la moyenne d’âge vacille entre 75 et 88 ans. Montrer un général relativement jeune à des interlocuteurs étrangers est une carte de visite vitale pour l’armée algérienne, commandée par des grabataires. C’est cette façade en trompe-l’œil qui explique la survie de Kaïdi à l’ancien régime de Gaïd Salah.
Le général Mohamed Kaïdi pourra sévir pendant de longues années encore, tant que les plus hauts gradés de l’armée algérienne Benali Benali et Saïd Chengriha affichent respectivement au compteur 87 et 76 ans.