Sahara: importance et poids de l’inscription de la «souveraineté marocaine» dans la résolution 2797 de l’ONU

Vue générale de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, le 18 septembre 2025.

La 2797 opère un tri décisif: le préambule ancre la souveraineté marocaine comme boussole, le reste suit. Mandats, rapports, éléments de langage convergent, tandis qu’Alger s’efforce d’en réduire la portée. Le centre de gravité des futures discussions se déplace durablement vers un cadre reconnu au Conseil. Politiquement, le récit algérien s’effrite: l’argument du «ce n’est qu’un préambule» ne résiste ni au droit onusien ni aux usages diplomatiques. Décryptage.

Le 04/11/2025 à 16h07

Quelle importance revêt, et quel «poids» accorder, dans la résolution 2797 du Conseil de sécurité de l’ONU, à la mention «autonomie sous souveraineté marocaine»? À Alger, Ahmed Attaf parade en «damage control» et prétend sur la chaine AL24 news que cette mention n’aurait «pas beaucoup d’impact». Pourtant, son inscription dans le préambule en fait une clé de voûte qui oriente tout le sens du texte. Le régime algérien le sait; il choisit le déni, comme remède palliatif à une déroute diplomatique devenue cauchemar.

Rédigée dans le préambule, la mention «autonomie sous souveraineté marocaine» n’est point un ornement, mais une ligne de crête, un axe de fondation de la résolution 2797. Sa place dans le préambule est éminemment stratégique. Le préambule engage tel un socle tout l’édifice de la résolution. C’est une borne qualitativement décisive, et désormais indétrônable, d’où partent et reviennent, tous les points des observations qui constituent le dispositif de la résolution.

«Ce n’est que le préambule»: la mauvaise foi d’Alger comme doctrine

L’argument d’Alger, par la voix de son très mauvais ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, est grossier: minimiser l’emplacement de la mention et faire croire à une victoire de procédure; disserter 80% du temps de l’interview sur les drafts (brouillons ou versions antérieures) de la résolution, pour ne pas commenter le texte final qui a été adopté. Ce qu’il feint d’ignorer, c’est que lorsqu’une résolution place une idée directrice dans le préambule, elle enferme l’interprétation du dispositif dans ce cadre-là. C’est le rôle classique du «préambule», et c’est l’ONU qui le dit dans sa définition du concept de «Résolution»:

«Les résolutions des Nations unies expriment formellement l’avis ou la volonté des organes de l’ONU. Elles se composent généralement de deux parties clairement définies: un préambule et un dispositif. Le préambule expose généralement les considérations qui motivent la décision, l’avis exprimé ou la directive donnée. Le dispositif énonce l’avis de l’organe ou la mesure à prendre.» (cf. ONU)

On le voit, le préambule expose «les considérations qui motivent la décision» ainsi que «la directive donnée». Il présente les considérations sur la base desquelles une action est entreprise; l’opératif exécute dans ce périmètre. Autrement dit, le préambule dit la boussole; l’opératif, l’itinéraire.

Dire que «ce n’est que le préambule» revient à prétendre que le ton d’une partition musicale n’influe pas sur l’interprétation de l’œuvre. Attaf le sait. Il lui reste donc la méthode Coué: expliquer que la formulation aurait été «plus forte avant dans les brouillons», que «l’autonomie n’est pas imposée», que «rien n’est clos». La diplomatie onusienne ne parle jamais par rodomontades: elle agence. Et l’agencement, ici, est limpide. Le Conseil a voté ce cadrage. Les brouillons ne gouvernent pas le droit onusien; les textes adoptés, si.

Pourquoi le préambule est le socle – et non un décor

Ainsi le préambule d’une résolution est un socle normatif. Dans les guides officiels du Conseil lui-même, la structure est claire: préambule (les considérants qui cadrent le sens) puis dispositif (l’action dans ce cadre). C’est par lui que l’organe délibérant fixe les concepts, les références, la grammaire du consensus. Inscrire noir sur blanc «l’autonomie sous souveraineté marocaine» dans cette partie revient à en faire la clé d’interprétation de tout l’édifice. Quand il y aura des négociations, des ajustements du dispositif, des comptes rendus, ils se feront exclusivement dans ce cadre-là.

Si la mention n’y figurait pas et apparaissait seulement dans un opératif, Alger pourrait plaider la circonstance, l’exception, l’amendement futur. Mais la boussole «souveraineté marocaine» est désormais plantée au fronton: toute lecture ultérieure devra la saluer en entrant. Voilà pourquoi la minimisation algérienne sonne creux: on n’efface pas un cap en pinaillant sur l’épaisseur de la flèche.

Cet ancrage reconfigure les routines onusiennes: termes de référence des émissaires, canevas des rapports du Secrétaire général, éléments de langage des États contributeurs et, demain, du cadre des discussions entre les quatre parties (Maroc, Algérie, Polisario, Mauritanie). Il réoriente aussi l’anticipation des acteurs indirects: chancelleries, investisseurs, ONG, médias dans une nouvelle matrice d’analyse. Quant à la reconduction du mandat de la MINURSO, celui-ci impose une nouvelle cohérence, marquée désormais au fer rouge dans la mémoire préambulaire. Son horizon est programmé, ce qui confère à l’issue une dynamique structurelle qui conduira irréversiblement soit à la dissolution de cette mission, soit à transformation de son mandat.

Ce que la résolution a réussi, c’est installer le seul cadre de négociation reconnu au Conseil, celui de l’autonomie sous souveraineté marocaine. Les États qui comptent l’assument désormais sans périphrases, de Washington à plusieurs capitales européennes, et le texte du Conseil s’y aligne. La hiérarchie des possibles est fixée: tout se fera dans le cadre de la souveraineté marocaine.

Dans la propagande médiatique d’Alger, la manœuvre est mal huilée: on parle de «texte équilibré», de «victoire algérienne», on prétend que «l’autodétermination» et «l’indépendance» ne sont pas enterrées. Or la phrase-charnière demeure, et elle reformate à tout jamais la scène, parce que justement, elle se trouve dans le préambule et non dans l’un des points du dispositif.

Le cauchemar algérien: un déni en stade terminal

Aujourd’hui, l’Algérie est cet homme malade qui vit dans un fantasme pour ne pas s’effondrer. Pendant un demi-siècle, Alger a prospéré diplomatiquement sur une fiction: une indépendance, un séparatisme toujours proclamés «imminents». La résolution 2797 lui coupe l’herbe sous le pied, et la scène internationale n’offre plus de refuge rhétorique. Même la Russie et la Chine, par leurs abstentions, participent à sa défaite actée.

Il faut, de surcroît, comprendre la temporalité onusienne: le préambule ne se rature pas à chaque renouvellement; il surplombe. Les opératifs pourront s’ajuster, la MINURSO être reconduite, révisée, dissoute: l’esprit demeure. Et l’esprit dit: négocier l’autonomie dans la souveraineté marocaine. Tout le reste– colères télévisées, éditoriaux martiaux, communiqués vengeurs, méconnaissance abyssale de la sémiotique juridique– relève de la dramaturgie intérieure algérienne.

Quand un régime a investi un capital symbolique, financier et sécuritaire colossal dans une promesse d’indépendance, la reconnaissance internationale d’un autre horizon provoque des symptômes: agit-prop, fact-checking à rebours, euphémisations. C’est ce que produit le régime d’Alger aujourd’hui: un déni fonctionnel, une «réparation psychosomatique» orchestrée par les communicants du Système pour éviter l’écroulement narratif. On ne gouverne pas une défaite en la niant; on la dépasse en changeant d’objectif. Or, l’Algérie s’enfonce dans la négation– donc dans l’immobilité.

Le mandat confié à Staffan de Mistura a partie liée avec le préambule de la résolution

La résolution 2797 du Conseil de sécurité confie un mandat clair à Staffan de Mistura, l’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental: organiser des négociations avec les parties, nommément citées – une seule fois dans le texte de la résolution –, précisément dans le préambule (le Maroc, l’Algérie, le Polisario, la Mauritanie) dans le cadre de l’autonomie sous souveraineté marocaine.

On se souvient que l’Algérie a rejeté les résolutions de 2021, 2022, 2023 et 2024 qui l’appelaient à participer aux tables rondes. L’expression table ronde est même devenue un irritant pour la diplomatie algérienne qui l’a vilipendée au nom de tant de motifs.

Que va faire cette fois-ci l’Algérie et de quoi son déni est-il le nom? Alger pourra-t-elle ne pas prendre part aux négociations alors qu’elle est sommée, cette fois-ci, de le faire? C’est là les limites de son déni et l’épreuve du réel à laquelle elle sera dans les prochaines semaines rudement confrontée.

Par Karim Serraj
Le 04/11/2025 à 16h07