Karim Serraj

La chronique de Karim Serraj

Grand reporter et Rédacteur en chef dans le journalisme depuis plus de vingt ans, Karim est aussi auteur et il enseigne à l'Université marocaine la littérature française contemporaine et les méthodologies doctorales depuis 1998. Sa plume titille et interroge le réel, avec une pointe de sarcasme qui fait mouche. Retrouvez sa chronique tous les dimanches à midi sur Le360.

L’intangibilité des frontières léguées par le colonialisme: un héritage explosif qui a provoqué 61% des guerres en Afrique
Adopté en 1964 au Sommet du Caire, le principe d’intangibilité des frontières héritées du colonialisme devait stabiliser une Afrique fraîchement décolonisée. Six décennies plus tard, le bilan est sans appel: loin d’apaiser les tensions, la «sacralisation» des tracés coloniaux a souvent figé des lignes arbitraires, attisé les ressentiments et alimenté plus de 61% des guerres africaines depuis 1963. Entre sécessions, guerres de voisinage et arbitrages judiciaires, le continent continue de payer le prix d’un principe qui n’a cessé de révéler ses limites.
Iyad Ag Ghali: le terroriste que l’Algérie a fabriqué, protégé et lâché contre le Mali
De Kidal à Tamanrasset, des night-clubs ouest-africains aux salons feutrés de Djeddah, la trajectoire d’Iyad Ag Ghali n’a jamais été celle d’un simple chef rebelle. Derrière l’«émir» salafiste se cache un homme aux mille vies, tour à tour soldat de Kadhafi, chanteur de cabaret, négociateur d’otages et marionnette stratégique du régime algérien. Depuis trente ans, Alger le couve, l’utilise et le recycle, tandis que Bamako subit les retombées de ce parrainage complaisant.
Billet littéraire KS. Ep. 70. «Le coiffeur aux mains rouges», de Kebir Mustapha Ammi, ou par-delà le Mal
Dans son dernier roman, Kebir Mustapha Ammi transforme un simple face-à-face en tragédie mémorielle où la guerre d’Algérie continue de tuer, soixante ans plus tard, par-delà les frontières et les générations. À Arcueil, sur la Nationale 20, un fils de bourreau retrouve enfin le fils de la victime: deux hommes que tout sépare, sauf le sang versé en 1962 et la plaie béante d’un crime fondateur. Entre vengeance et pardon, justice et remords, Ammi signe un polar politique hanté par la transmission du trauma.
L’Algérie, une fabrication coloniale: ce que révèlent les archives militaires françaises
Quand la France débarque à Alger en 1830, elle ne prend ni un État ni un territoire, même pas une entité politique identifiable. Elle saisit une ville corsaire, un beylik côtier sans frontières et sans arrière-pays. L’essentiel du territoire – 80% de l’Algérie actuelle– sera inventé, mesuré, annexé, puis présenté comme une continuité naturelle. Des territoires sahariens marocains du Touat, du Gourara, du Tidikelt et de Tindouf aux zones prises à la Tunisie, à la Libye, au Niger et au Mali, voici ce qu’en disent les archives militaires françaises.
Billet littéraire KS. Ep. 69. «Ils se sont tant aimés», de Tahar Ben Jelloun, ou l’amour à l’épreuve du temps
Roman des secondes chances et des vies abîmées, «Ils se sont tant aimés» explore la possibilité d’aimer encore quand la jeunesse s’est enfuie et que le passé pèse davantage que les élans. En suivant Lamia et Nabile, qui se retrouvent des années après leur divorce dans une Casablanca moderne mais guindée, Tahar Ben Jelloun signe un récit tendre, grave et lucide, où l’intime devient miroir d’un Maroc urbain traversé par les contradictions sociales, morales et politiques de son époque.
Territoires marocains spoliés par l’Algérie: Tindouf, Béchar, Touat, Gourara (Hommage à Boualem Sansal)
Le Sud oranais, la Saoura incluant Béchar, Tindouf et la vaste région de Touat avec les oasis de Gourara, Tidikelt et In-Salah ont appartenu historiquement à l’Empire chérifien. Depuis des siècles, les sultans du Maroc y nommaient des représentants et les tribus locales leur prêtaient allégeance, assurant ainsi la continuité du territoire marocain jusqu’aux confins du Sahara.
Pablo Iglesias: le chevalier noir du Polisario, entre corruption, fanfaronnade et appels à la guerre
Ancien vice-président d’Espagne, cofondateur fulgurant puis fossoyeur de Podemos, Pablo Iglesias Turrión s’est mué en porte-étendard frénétique du Polisario, multipliant les appels à la lutte armée comme d’autres lancent des slogans. Derrière la pose héroïque et les envolées idéologiques, son parcours raconte surtout une chute spectaculaire. Celui qui aime parader en «caballero» de la cause sahraouie traîne désormais un cortège d’affaires judiciaires et une obsession va-t-en-guerre qui relève davantage de la bravade que de la conviction éclairée.
Parution. Le livre «Les espions du président» révèle la vulnérabilité cachée de l’armée algérienne
Dans leur enquête «Les espions du président», les journalistes Antoine Izambard et Pierre Gastineau percent la bulle narrative dans laquelle l’Algérie aime s’envelopper: armée toute-puissante, diplomatie influente, renseignement omniscient, posture régionale décisive. Un mirage. Dans un chapitre dédié à Alger, c’est un pays fragile, brouillon et d’une inefficacité chronique qui apparaît. Le livre, nourri de sources internes aux services secrets français, révèle un acteur marginal, souvent nuisible, rarement utile, loin d’être un pivot stratégique.
Territoires marocains spoliés par l’Algérie: Oran, Tlemcen, Mascara (Hommage à Boualem Sansal)
Boualem Sansal a passé un an dans les geôles algériennes pour avoir osé exhumer une vérité trop lourde pour le pouvoir: la carte réelle du Maghreb avant la colonisation. En rappelant que l’Ouest algérien fut marocain – impôts levés par les sultans, monnaie en circulation, gouverneurs nommés depuis Fès – l’écrivain a provoqué une panique d’État. Cette chronique retrace, archives à l’appui, le fil historique qu’il a simplement refusé de sacrifier au silence.
Tesh Sidi, parlementaire espagnole: une diablesse du Polisario au Paradis
Arrachée aux camps de Tindouf par la solidarité espagnole, propulsée ingénieure puis députée, Tesh Sidi se présente aujourd’hui comme la voix offensante du Polisario au cœur même du Congrès espagnol. Devenue l’arme politique d’Alger en pleine capitale madrilène, elle transforme son passé victimisé en capital militant et son siège au Parlement en caisse de résonance. Portrait d’une élue ingrate, façonnée par les réseaux sahraouis et devenue agitatrice professionnelle.