Habib El Malki, le président de la première Chambre, réussira-t-il à mobiliser les voix de la majorité, à défaut de celles de l’ensemble des députés, pour voter une proposition de loi controversée?
Cette interrogation a été soulevée par le quotidien Al Ahdath Al Maghribia, qui consacre une longue analyse à l’épineuse question de la réforme du régime de retraite des députés dans son édition du week-end des 23 et 24 juin. La proposition de loi censée redonner vie à ce régime, actuellement en faillite, consiste, explique le journal, en un relèvement de l’âge de la retraite à 65 ans, au maintien des cotisations des députés et de l’Etat à 2.900 dirhams et à la réduction de la pension à 3.500 dirhams par mandat entier, au lieu de 5.000 dirhams actuellement.
Cette proposition de loi fait l’objet, certes, d’un consensus entre les groupes de la majorité, en plus de l’Istiqlal. Mais elle ne semble pas pour autant constituer la solution définitive de cette crise qui a failli, rappelle le journal, faire éclater la majorité à plusieurs reprises. Selon Al Ahdath Al Maghribia, le premier texte, dont l’actuelle proposition est une version améliorée, a été présenté pour la première fois par les groupes du RNI/UC, du MP et de l’USFP et a reçu l’adhésion de l’Istiqlal, qui est dans l’opposition, mais n’a pas été cautionné par le chef de file de la majorité, le PJD. Les députés de ce dernier ont été contraints par la suite par la direction du parti d’apposer leur signature sur ce texte. Sauf que l’Istiqlal s’est ensuite rétracté. Et pour motif, ses élus ont estimé que les parlementaires n’avaient pas à payer les erreurs de gestion de ce régime et que c’est à l’Etat de mettre la main à la poche pour le sauver.
Le texte avait, en effet, prévu, en plus de retarder l’âge de la retraite à 65 ans, de porter les cotisations à 3.400 dirhams au lieu de 2.900. La formule a, par la suite, été rejetée par des membres de la majorité. C’est là que de nouveaux acteurs sont entrés en jeu, les anciens parlementaires en l’occurrence, dont les pensions ont été suspendues depuis octobre 2017, qui se sont regroupés en une association, le conseil marocain des anciens parlementaires. Ces derniers se sont tout simplement opposés à ce scénario, tout en se disant ouverts à une réforme «plus équitable». Ils sont toutefois allés plus loin en exigeant que dans la nouvelle réforme, l’Etat cotise pour 80% et les parlementaires pour 20%, au lieu des 50% chacun actuellement.
En même temps, les anciens parlementaires refusent de se voir appliquer la nouvelle réforme. Autrement, soutiennent-ils, ce serait enfreindre la Constitution, notamment le principe de non-rétroactivité de la loi. De même, estiment-ils, il n’y a aucune raison pour qu’ils ne continuent pas à percevoir leur pension, alors même qu’ils se sont scrupuleusement acquittés, tout au long de leur mandat, de leurs cotisations tel que prévu par la loi. Eux non plus ne sont pas prêts à payer les frais des erreurs de gestion des autres. Ils rejettent la responsabilité de la faillite du régime sur l’Etat. C’est donc à ce dernier de renflouer les caisses du régime géré par la CNRA, qui relève de la CDG, en y injectant une enveloppe de 80 millions de dirhams.
La situation en est restée là pendant plusieurs semaines, ce qui n’a pas manqué de donner lieu à de nouvelles frictions entre les membres de la majorité. C’est donc ainsi que la direction de la Chambre s’est activée, et a pesé de tout son poids, pour tenter de trouver un terrain d’entente. D’où la dernière version de la réforme, présentée sous forme d’une proposition de loi déposée il y a quelques jours devant la commission des finances à la première Chambre. Seul hic, ce scénario implique, lui aussi, une contribution de l’Etat à hauteur de 45 millions de dirhams.
Or le gouvernement se montre intransigeant sur cette question. «La réforme de la retraite est une question qui concerne le Parlement. Le dossier doit être géré par les groupes parlementaires», vient de marteler encore une fois le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, lors de son point de presse du jeudi 21 juin. Donc pas de rallonge budgétaire exceptionnelle.Pendant ce temps, la position du PJD, qui avait déjà déposé une proposition de liquidation de ce régime, n’est pas encore tranchée. Quant aux anciens parlementaires, un peu plus de 700 anciens députés, ils viennent de saisir le Cabinet royal, sollicitant une intervention du Souverain dans le cadre de l’article 42 de la Constitution pour sauver leur retraite. C’est dire que ce problème n’est pas près d’être résolu.