Quand il s’agit du Maroc, la moindre décision est scrutée, analysée et est, quasi par défaut, matière à critique dans les médias occidentaux. Mais en Algérie, le régime a beau sévir, ces mêmes canaux préfèrent détourner le regard. Quand ils ne se démènent pas pour défendre l’indéfendable. Le journaliste espagnol Ignacio Cembrero, pour ne citer que lui, en sait quelque chose, lui qui n’hésite pas à faire feu de tout bois s’agissant du Maroc, pour lequel il a une obsession qui tient de la pathologie, et qui déploie une intelligence folle pour légitimer, ou du moins excuser, ce que la junte au pouvoir chez le voisin de l’est commet contre son propre peuple.
L’humiliante arrestation, vendredi 23 décembre 2022, du journaliste algérien Ihsane El Kadi, directeur et fondateur de Radio M et du magazine en ligne Maghreb Emergent, et la mise sous scellé de ses bureaux en dit long sur un double jeu pour le moins suspect et d’une optique droit-de-l’hommiste à géométrie variable. Les faits sont pourtant têtus: Ihsane El Kadi est placé sous mandat de dépôt depuis le 29 décembre 2022, et ce, après près d’une semaine de garde à vue. Son seul tort: s’être interrogé sur la ventilation exacte des 20 milliards de dollars détournés sous Bouteflika et que le régime, représenté par le président de circonstance qu’est Abdelmadjid Tebboune, dit avoir récupéré. C’était assez pour susciter l’ire d’un «Système» décidément allergique à tout questionnement. Et pour faire porter au journaliste des chefs d’accusation dignes de l’ère soviétique: réception de fonds et d’avantages d’organismes et de personnes de l’intérieur du pays et de l’étranger dans l’intention de commettre des actes susceptibles d’attenter à la sécurité et à la stabilité de l’Etat, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale, ainsi qu’à la sécurité et à l’ordre publics.
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Le plus étonnant, c’est l’indifférence quasi absolue de «l’opinion publique internationale» face à une telle logique, ouvertement répressive et pleinement assumée, de la junte. Un des rares quotidiens français à avoir pris la mesure de la vague d’oppression qui sévit en Algérie, Le Monde, n’y va pas de main morte pour décrire, dès le titre, une «calamiteuse surenchère autoritaire du régime» en Algérie et, plus loin, une «fuite en avant répressive d’un régime en pleine revanche après avoir craint pour sa survie». Dans un éditorial au vitriol publié lundi 2 janvier 2023, le quotidien précise que l’heure est à la sidération. «L’attaque en règle contre le pôle de média de M. El Kadi n’est que le dernier épisode d’une campagne de démantèlement méthodique ciblant depuis deux ans les foyers résiduels du Hirak. Nombre de leurs figures sont acculées à l’exil pour échapper à la prison, toute critique du système dirigeant relevant dorénavant d’incriminations de "terrorisme" et de "sabotage"», lit-on. L’atmosphère est devenue étouffante à tel point que les Algériens en viennent à regretter l’ère Bouteflika, même avec les travers de corruption et de népotisme dont elle a été marquée.
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Mais en dehors de cette pique, peu d’écho est donné d’un régime qui, faute de légitimité, entend se maintenir par la force. Sans aucunement se soucier du destin d’un pays à l’avenir plus incertain que jamais ni des effets désastreux de son immaturité sur l’image d’un pays sans tête. La répression frappe toute voix dissonante au discours officiel. Tout est de savoir où se terrent les plumes de Cembrero & Co pendant que le régime algérien enterre les derniers restes d’un semblant de liberté de la presse chez le voisin. Ces mêmes plumes qui dégainent plus vite que leur ombre pour s’indigner quand il est question d’un journaliste au Maroc, arrêté pour viol, ou d’un autre, accusé de traite d’êtres humains. S’il est des logiques qui dépassent tout entendement, il est permis de douter qu’un tel silence ait ses raisons.
Producteur de gaz courtisé par les Européens en quête de cette énergie à même de pallier le sevrage en cours vis-à-vis des ressources russes, l’Algérie pense, à l’évidence, jouer la carte des hydrocarbures pour faire taire jusqu’à des gouvernements au nord de la Méditerranée. Et la France n’échappe pas à ce diktat. L’odeur des hydrocarbures est décidément plus forte que les odeurs nauséabondes de la répression, banalisée à tous les secteurs de la société, par une junte anachronique, abonnée à la gérontocratie, et vecteur d’instabilité autant dans le Sahel qu'en Méditerranée occidentale.