Après plusieurs entrevues médiatiques avec la presse algérienne dans lesquelles il s’était interdit (ou s’est vu interdire) de citer le nom du Maroc, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a finalement enfreint cette règle dans les colonnes du quotidien français Le Figaro, auquel il a accordé un entretien publié jeudi 29 décembre dans la soirée.
Nombre de réponses ont en effet directement concerné le Maroc. C’est d’abord par le biais d’une question relative à ses relations avec le président russe, Vladimir Poutine, et à la guerre en Ukraine que Tebboune a bifurqué sur le Maroc. Il affirme ainsi qu’il «n'approuve ni ne condamne l'opération russe en Ukraine. L'Algérie est un pays non aligné, et je tiens au respect de cette philosophie», avant d’ajouter qu’«il serait bon que l'ONU ne condamne pas uniquement les annexions qui ont lieu en Europe. Qu'en est-il de l'annexion du Golan par Israël ou du Sahara occidental par le Maroc?»
En lui demandant alors «est-ce pour cette raison que vous avez rompu tout contact avec le Maroc?», le journaliste s’entend débiter ce qui semble être un concentré de réponses à plusieurs questions à la fois, où l'on retrouve pêle-mêle des contrevérités sur la Guerre des sables, la prétendue médiation entre Alger et Rabat, la fermeture des frontières, le nombre de Marocains vivant en Algérie, et, plus insolite, sur le fait que l’Algérie a rompu de façon unilatérale ses relations diplomatiques avec le Maroc à la seule fin d’éviter la guerre!Tebboune déclare: «Nous avons rompu [les relations diplomatiques avec le Maroc] pour ne pas faire la guerre et aucun pays ne peut se poser en médiateur entre nous.»
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Sur ce point précis, il tord le cou à la définition même de la diplomatie, qui permet de maintenir des canaux de discussions et d’échanges afin de résoudre les différends de façon pacifique. Jamais à court de «tebbouneries», le président algérien nous sort une fois encore une phrase culte qui fera sans doute date chez les diplomates. «Pour éviter une guerre, il faut rompre les relations diplomatiques», tel est le principal enseignement de l’homme-lige des généraux qui marchent sur la tête.
Le niveau de cet entretien, bien en deçà de la parole d’un chef d’Etat, remet une fois de plus sur le tapis la question de la légitimité de Tebboune, à servir de façade civile aux militaires qui sont les maîtres du pouvoir en Algérie. A deux années de la prochaine élection présidentielle, il apparaît comme une erreur de casting et tout porte à croire que les généraux vont tout faire pour l’évincer. Ce qui promet deux années tumultueuses en Algérie.
En plus du dossier du Sahara, le président algérien affirme que «c'est une accumulation de problèmes depuis 1963 et l'agression des forces spéciales marocaines pour prendre une partie de notre territoire dans l'extrême sud qui expliquent cette rupture. (...) En 60 ans d'indépendance, la frontière algéro-marocaine est restée fermée pendant 40 ans en réaction à de perpétuels actes hostiles du voisin. Mais, attention, c'est le régime marocain qui cause des problèmes, pas le peuple marocain. 80.000 de ses ressortissants vivent d'ailleurs chez nous en très bonne intelligence.»
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La Guerre des sables, qui date aujourd’hui de quelque 60 ans, et qui résulte d’une agression de l’Algérie contre le Maroc, selon des historiens de renom, s’est achevée suite à une médiation de dirigeants africains et une rencontre à Bamako, au Mali, entre feus le roi Hassan II et le président algérien de l’époque, Ahmed Ben Bella. Cette guerre, limitée dans le temps et l’espace, reste l’alibi de prédilection à travers lequel le régime algérien justifie le complexe qui est derrière sa rupture hystérique et insensée, unique en son genre dans le monde, avec le Maroc, son voisin.
A contrario, ce régime n’hésite pas à dérouler le tapis rouge devant l’ancien colonisateur qui a asservi l’Algérie pendant quelque 132 ans. Dans cette interview, les propos de Tebboune sur la France et son président risquent de mécontenter fortement l’appareil militaro-politique qui tire sa légitimité de la rentre mémorielle. A ce sujet, il affirme: «La France doit se libérer de son complexe de colonisateur et l'Algérie, de son complexe de colonisé. La France est une puissance mondiale et indépendante. L'Algérie est une puissance africaine qui ne ressemble plus du tout à ce qu'elle était en 1962. (…) Il est urgent d'ouvrir une nouvelle ère des relations franco-algériennes. Plus de soixante ans après la guerre, il faut passer à autre chose.» Passer à autre chose, c’est en finir avec le Système, qui ne survivrait pas une seule année sans le roman de la mémoire lié à la colonisation qui légitime sa présence au pouvoir.
Pour ce qui est des prétendues médiations entre l’Algérie et le Maroc, basées sur des rumeurs créées de toutes pièces par le régime algérien, médiations que Tebboune dit refuser une nouvelle fois, le Maroc n’a jamais demandé à qui que ce soit de servir d’intermédiaire entre lui et son voisin de l’est, auquel il peut s’adresser directement.
Connu pour être un hurluberlu dans toutes ses sorties médiatiques, le président algérien n’a pas hésité non plus à concéder un autre mensonge de taille en affirmant que «bien sûr» qu’il a applaudi le parcours des Lions de l’Atlas au Mondial du Qatar. A la question «avez-vous applaudi la belle performance des Marocains à la Coupe du monde de football?», il a répondu: «Bien sûr! Les Marocains ont honoré le football arabe et surtout le football maghrébin. Ils nous avaient aussi applaudis quand nous avions gagné la Coupe d'Afrique des nations.» On remarquera, au passage, que le président algérien circonscrit l’exploit des Lions de l’Atlas au monde arabe et au Maghreb, omettant de citer l’Afrique, un continent exalté par la performance de l’équipe marocaine pour aller décrocher une place en finale lors des prochaines éditions. Visiblement, Tebboune n’apprécie guère le leadership du Royaume en Afrique.
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La réponse du président algérien au sujet de l’épopée de l’équipe du Maroc au Qatar est aussi surréaliste que le reste de ses propos. Lors de sa dernière entrevue avec la presse publique algérienne, la semaine dernière, il s’est dit traumatisé par la non-participation de l’équipe nationale algérienne au Mondial du Qatar, ce qui exprime une jalousie vis-à-vis de l’épopée des Lions de l’Atlas, qu’il a évité de mentionner et que les médias publics algériens étaient interdits d’évoquer. Une interdiction tellement radicale que le président de la télévision nationale algérienne a été brutalement limogé juste parce qu’il a autorisé l’annonce du résultat du match entre le Portugal et les Lions, à l'issue duquel le Maroc s'est qualifié en demi-finale de la Coupe du monde de football.