Le président algérien fait campagne pour un deuxième mandat et se livre à un nouveau bavardage

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune lors de son entrevue avec la presse locale, le jeudi 22 décembre 2022.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune lors de son entrevue avec la presse locale, le jeudi 22 décembre 2022. . DR

Jeudi 22 décembre, la télévision publique algérienne a diffusé, en différé, une interview du président algérien avec deux journalistes des médias publics locaux. Abdelmadjid Tebboune a une nouvelle fois fait étalage de propos incohérents. Le nom du Maroc n’a pas été cité une seule fois, mais était très présent dans cet entretien.

Le 23/12/2022 à 12h36

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune reste égal à lui-même, c’est-à-dire en deçà du niveau que requiert la fonction présidentielle qu’il assume depuis maintenant trois années révolues. Lors d’une nouvelle apparition médiatique dans ce qu’il est communément appelé l’«entrevue périodique avec les représentants des médias» étatiques locaux, il s’est exprimé, jeudi soir, mais sans rien dire de consistant, sur de nombreux sujets internes et régionaux. 

La première impression qui se dégage de cette sortie médiatique, c’est que le nom du Maroc semble désormais érigé en tabou par les journalistes du pôle médiatique public en Algérie. Ainsi, et probablement de crainte d’être renvoyé, comme ce fut le cas de l'ancien directeur général de la télévisions publique algérienne (EPTV), congédié pour avoir évoqué la victoire du Maroc face au Portugal en quart de finale du Mondial qatari, le journaliste de la télévision AL24 Algérie qui le questionnait a demandé à Tebboune ce qu’il en est des échos sur une médiation entre l’Algérie et «un autre pays». Il s’agit bien évidemment de la présumée médiation attribuée au souverain hachémite Abdallah II entre l’Algérie et le Maroc, et qui aurait été l’objectif principal de sa récente visite à Alger, sachant que le roi de Jordanie, au même titre que plusieurs autres chefs d’Etat arabes de poids, avait boudé le sommet arabe tenu en Algérie en novembre dernier en soutien au Maroc.

Le président algérien a nié toute médiation entre Alger et Rabat en des termes pour le moins trop démagogiques. «Il faut savoir une chose, qu’en Algérie, la primauté de l’information va au peuple algérien. S’il y avait une médiation, je l’aurais dit au peuple algérien. Je ne vais pas le cacher», a-t-il déclaré. Or, cette prétendue médiation, de même que toutes celles qui l’ont précédée, a été créée de toute pièce par la junte algérienne elle-même. Ce sont en effet des sources algériennes qui ont «filé» au journal espagnol La Vanguardia des informations selon lesquelles la médiation initiée par la Jordanie a pour but de rouvrir le Gazoduc Maghreb-Europe (GME) fermé unilatéralement depuis plus d’une année par les autorités algériennes. Il y est même affirmé que cette remise en activité du GME sera suivie par la reprise progressive des relations diplomatiques entre Rabat et Alger, rompues elles aussi unilatéralement par Alger en août 2021.

Une source diplomatique autorisée a affirmé à Le360 qu’aucune médiation entre le Maroc et l’Algérie n’est à l’ordre du jour, qu’elle soit attribuée au souverain hachémite ou à tout autre acteur. «Dans sa définition politique, une médiation ne s’exerce pas sans l’accord préalable des deux parties concernées», a précisé la source de Le360, ajoutant que «non seulement aucune initiative de ce genre n’a été adressée au Maroc, mais tous les pays partenaires du Royaume savent très bien que Rabat considère qu’il n’y a pas besoin d’un médiateur entre le Maroc et l’Algérie», et que le roi Mohammed VI a toujours préconisé un dialogue direct entre les deux pays voisins.

Donc, emboitant le pas à son ministre des Affaires étrangères, le président algérien dément une médiation qui a été inventée par son régime. On se demande jusqu’à quand cette interminable série de médiations fictives va se poursuivre au pays de la junte.

D’ailleurs, concernant les relations maroco-algériennes, le régime algérien a toujours ramé à contre-courant de la volonté du peuple algérien. Récemment, ce dernier a encore montré son attachement à la fraternité avec son voisin marocain, et ce en exprimant massivement sa liesse à chacune des réalisations des Lions de l’Atlas lors du récent Mondial de football organisé au Qatar. Cet événement n’est toujours pas digéré par les caciques au pouvoir. Les journalistes ont interpellé Tebboune sur le Mondial, mais sous l’angle de la non-participation de l’Algérie à ce rendez-vous planétaire.

Dans sa réponse, le président algérien, très traumatisé, a botté en touche. Il s’est dit très «déçu» que l’Algérie soit absente d’une Coupe du monde organisée pour la première fois dans un pays arabe «qui est très proche de nous», mais sans se féliciter un seul instant du parcours de son voisin marocain, qui a permis au Maghreb, à l’Afrique et au monde arabe de faire une percée historique au sein du gotha du football mondial. Tebboune a eu ensuite des mots qui dépassent le jeu, le football et même le Mondial. Il a attribué la non-participation de l’équipe algérienne à «la volonté de Dieu», affirmant que seul Dieu sait pourquoi les Fennecs n’ont pas été qualifiés au Mondial du Qatar. Voilà pour le moment de métaphysique footballistique à la sauce Abdelmadjid Tebboune.

Le président algérien a aussi fait étalage de la schizophrénie des chibanis qui dirigent l’Algérie en s’érigeant en faux chantre de l’unité du monde arabe, usant d’envolées lyriques pour louer tous les gains à récolter de l’unification des rangs entre les pays arabes. Tebboune semble oublier qu’il œuvre avec la junte qui l’a placé au pouvoir pour empêcher le rapprochement entre les peuples des pays arabes, comme l’atteste la fermeture des frontières terrestres et aériennes avec son voisin de l’ouest.

Certes, Tebboune n’a pas même pas effleuré le dossier du Sahara marocain dans son entrevue de jeudi, cependant il a évoqué un «parasitage» au sujet du gazoduc Nigéria-Algérie, concurrent irréaliste du gazoduc Maroc-Nigéria, dans la mesure où il ne peut traverser de vastes territoires où les terroristes font la loi.

Fidèle à son habitude, le président algérien n’a pas manqué de se livrer à son numéro de jonglage avec les chiffres astronomiques. Il a annoncé, en plus de la récupération de 20 milliards de dollars d’argent volé à l’Etat, que dans le cadre de ses tentatives de se mettre à niveau pour devenir membre des BRICS, son pays envisage de booster ses exportations annuelles, afin de les hisser à… 200 milliards de dollars!

Jetant la responsabilités des ratages dans l’exécution de son «programme» sur les membres de son gouvernement, Tebboune s’est vanté d’avoir un tempérament «naturel» qui lui permet «d’aller à une vitesse supérieure comparée à celle des autres». Tout ce baratin s’explique par la campagne prématurée de Tebboune en vue de briguer un second mandat présidentiel. Certains clans au sein des généraux ont déjà activé leur porte-voix pour ternir le bilan de Tebboune en tant que président. Les généraux considèrent-ils Tebboune comme une erreur de casting? Compte tenu des critiques qui commencent à fuser de certains youtubeurs, connus pour porter la voix des militaires, et de la campagne prématurée de Tebboune, tout porte à croire qu’un bras de fer se profile entre certains clans parmi les généraux et l’actuel président qui n’a pas l’étoffe d’un chef d’Etat.

Revenant sur terre, Tebboune a aussi versé des larmes de crocodile sur la situation sociale peu reluisante des Algériens. «Quand un citoyen se lève à 5h du matin dans l’espoir de se procurer un sachet de lait, est-ce digne d’un pays pétrolier?», s’est-il demandé. C’est là d’ailleurs l’unique phrase sensée qu’il a prononcée tout au long de son bavardage. 

Par Mohammed Ould Boah
Le 23/12/2022 à 12h36