La récente visite au Maroc du chancelier fédéral d’Autriche, Karl Nehammer, pendant laquelle il a affirmé que son pays considère le plan d’autonomie, présenté par le Maroc en 2007, comme «une base de solution» au différend autour du Sahara marocain en a apporté une nouvelle preuve. L’Europe sort, un pays après l’autre, de sa zone de confort s’agissant de l’intégrité territoriale du Maroc et les soutiens au plan d’autonomie se suivent et se ressemblent. Les projets de partenariats se multiplient également. Le 2 mars 2023, le Maroc et l’Union européenne (UE) ont, notamment, signé 5 programmes de coopération d’un montant total de 5,5 milliards de dirhams (près de 500 millions d’euros) pour appuyer les grands chantiers de réforme du Royaume. Ceci, à la faveur du déplacement à Rabat du commissaire européen chargé du voisinage et de l’élargissement, Olivér Várhelyi.
Les relations entre le Royaume et l’UE n’auront jamais été aussi denses. Et ils sont aujourd’hui plus de 10 pays de l’Union à soutenir le Maroc dans le dossier du Sahara. Notons, parmi eux, l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la Hongrie, la Slovaquie, Chypre et, dernièrement, l’Autriche. D’autres pays suivront dans l’avenir. En face, le Parlement européen (PE) multiplie les attaques frontales contre le Maroc. On retiendra l’adoption le 19 janvier dernier, pour la première fois, d’une résolution défavorable au Maroc, l’appelant au respect de la liberté d’expression et dénonçant le sort de journalistes emprisonnés. Le 16 février, la même institution a adopté un nouveau texte où les eurodéputés «expriment leur profonde inquiétude face aux allégations de corruption de la part des autorités marocaines».
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Le tout est orchestré par un certain Stéphane Séjourné, président du groupe Renew Europe, conseiller officiel puis officieux du président français Emmanuel Macron, dont il est l’homme à tout faire dans le parti présidentiel (Renaissance) au niveau européen. Sans parler de la véritable guerre médiatique menée par la presse et les chaînes télévisées françaises, qui font feu de tout bois s’agissant du Maroc. L’acharnement d’un quotidien comme Le Monde, trop engagé dans ses accusations formulées contre le Maroc dans l’affaire Pegasus, et celui du magazine Marianne avec son dossier «Comment le Maroc nous tient», un concentré d’affabulations contre le Royaume et ses institutions, échafaudé essentiellement sur des rumeurs, des sources anonymes et des extrapolations tirées par les cheveux, renseignent sur cette logorrhée d’un autre temps distillée contre le Maroc depuis quelque temps dans les médias français. S’y ajoutent bien d’autres titres, en plus des chaînes du service public français et de l’Agence France Presse, devenue une véritable arme diplomatique pour faire du Maroc bashing.
Une année de bonne récolte, mais…
«L’année la plus généreuse en termes de changements de position en faveur du Maroc sur le Sahara au sein des pays de l’Union européenne est paradoxalement l’année où le Maroc a subi le plus d’attaques. L’Europe bouge en direction du Maroc, mais en même temps, et bizarrement, les attaques contre le Royaume se multiplient. Nous sommes dans une logique de guerre globale du Parlement européen et des médias français contre le pays. Est-ce une façon de réagir à l’appui ferme des autres institutions européennes au Maroc?», s’interroge une source informée contactée par Le360. Celle-ci note que ce bras de fer est imposé au Maroc non pas parce qu’il est faible, mais tout le contraire. «Le pays avance, développe de nouveaux partenariats, dispose d’une stratégie de développement et de réforme claire, gagne des points. Et c’est cela qui gêne certains. Nous ne sommes pas attaqués par rapport à une vulnérabilité mais plutôt une force».
Député istiqlalien et co-président de la Commission parlementaire mixte Maroc-UE, Lahcen Haddad explique que le PE cherche à se donner une nouvelle légitimité en intensifiant ses attaques, qui ne sont pas nouvelles. «Téléguidés, des parlementaires européens ont profité de la crise actuelle pour faire passer des décisions hostiles au Maroc. La différence avec le passé est qu’ils ont réussi à faire adopter des textes qui correspondent à leur volonté de nuire. Le soutien au Maroc sur la question du Sahara est, lui, exprimé par des pays européens à travers leurs exécutifs respectifs et c’est le fruit d’une longue évolution et d’un travail constant de la diplomatie marocaine», souligne-t-il.
Pour le politologue et président du Centre Atlas d’analyse des indicateurs politiques et institutionnels, Mohamed Bouden, le Maroc jouit d’une place importante au sein de tous les organes exécutifs européens, de la Délégation européenne au Conseil de l’Europe, en passant par le haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, ou encore la Banque européenne d’investissement. Selon lui, «le partenariat avec ses institutions a long cours et il est aussi constant qu’évolutif. Que ce soit sur les affaires de sécurité ou en lien avec la migration, ou encore les projets d’avenir comme la transition numérique ou l’économie verte, ce partenariat est également large et concerne de très nombreux secteurs. La stabilité du Maroc en fait une force d’attraction de nouveaux projets et d’importants investissements. Idem pour les institutions judiciaires européennes, qui, globalement, prennent des décisions en harmonie avec ce partenariat.»
Pourquoi le PE fait-il donc exception? L’universitaire y voit d’abord une question de localisation. «Alors que la plupart des instances exécutives de l’Union européenne sont installées à Bruxelles, le Parlement européen est, lui, à Strasbourg. Il est ainsi proche de certains milieux en France, très actifs dans leur hostilité au Maroc et qui sont derrière les récentes et véhémentes attaques», ajoute-t-il.
Contourner la confrontation directe
Pour Bouden, plus globalement, le PE est constitué de blocs dont certains ciblent le Maroc soit ponctuellement, en fonction d’un intérêt précis, soit dans le cadre d’une action de longue durée, visant à influer sur les relations entre les institutions européennes et le Royaume, suivant un agenda élaboré par d’autres pays en dehors de l’espace européen, l’Algérie en premier s’agissant du Maroc. «Ce paradoxe peut également correspondre à un jeu de rôles pour faire pression sur le Maroc», suppose notre interlocuteur.
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Expert en relations internationales et professeur à l’Université Mohammed V de Rabat, Mohamed Chiker y voit une manière d’opérer pour l’UE, dont les pays membres ont des intérêts bien souvent divergents. «La problématique pour le Maroc réside principalement dans le Parlement européen, qui a une approche politicienne envers le Maroc et dont les prises de position sont fonction des idéologies régnantes et des lobbies qui s’y activent. Les autres instances européennes, elles, ont une approche technique, avec des actions concrètes qui s’inscrivent dans le long terme. A ce propos, il faut souligner le caractère non contraignant des annonces faites par le Parlement européen. Et le Maroc sait faire la part des choses et différencier ces deux approches», remarque-t-il.
D’autres acteurs entendent, eux, brouiller les pistes. «Après des mesures directes, comme la baisse des quotas de visas accordés au Maroc, qui se sont révélées inefficaces, et les campagnes menées à travers la presse, des pays comme la France cherchent désormais à contourner toute confrontation de pays à pays en donnant un cachet européen à ces manœuvres contre le Royaume. C’est d’ailleurs le même modus operandi qu’avait activé l’Espagne au plus fort des tensions entre nos deux pays.»
Se défendre contre de futures attaques passe par le renforcement des relations entre les institutions législatives marocaine et européenne. «Un des leviers pour prémunir la relation à l’avenir est le Parlement marocain, qui se doit d’agir pour approfondir ses relations avec le Parlement européen et se préparer aux nouvelles élites qui vont y prendre place en 2024, date des prochaines élections européennes», préconise Mohamed Bouden. La Commission parlementaire mixte Maroc-UE a, en cela, un grand rôle à jouer.