Le jour où le chef de la diplomatie marocaine, Nacer Bourita, avait affirmé qu’il n'existait pas de contact avec l'Espagne, le sort de la ministre des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, a été scellé. C’est en ces termes que le journal espagnol El Pais a commenté le profond remaniement ministériel opéré, samedi 10 juillet, par le chef du gouvernement Pedro Sanchez. Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rapporte, dans son édition du lundi 12 juillet, que certains ont essayé de justifier ce remaniement par la désapprobation qu’a suscitée la grâce accordée aux indépendantistes catalans, ainsi que la crise de la gestion gouvernementale.
Mais la vérité de ce changement de cap, sur laquelle s’accordent les médias et les analystes politiques espagnols, réside dans l’affaire Benbatouche, qui a provoqué la grande colère du Maroc, précipitant ainsi le départ d’Arancha Gonzalez. Une vérité que confirme El Pais quand il souligne que «la crise provoquée par l’accueil du chef du Polisario Brahim Ghali en Espagne a causé plusieurs dégâts collatéraux, dont le plus grave demeure la perte de confiance entre les gouvernements des deux côtés du détroit».
Sans cette confiance, qui a été récurrente dans les communiqués du ministère marocain des Affaires étrangères au pire moment de la crise, tous les autres dossiers qui caractérisent les relations complexes entre les deux pays seront difficiles à résoudre. Qu’il s’agisse de la migration irrégulière ou de la coopération dans le lutte contre le terrorisme, le Maroc a besoin de plus de clarté de la part de l’Espagne, notamment concernant sa position sur le dossier du Sahara marocain.
Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia souligne que la décision de l’accueil de Brahim Ghali pour de prétendues raisons humanitaires était très périlleuse. Mais l’erreur monumentale de l’Espagne a été de n'avoir pas averti le Maroc. L’ex-ministre Arancha Gonzalez Laya l’a reconnu implicitement quand elle a voulu rectifier le tir en informant les autorités marocaines du fait que le chef des séparatistes avait quitté l’Espagne après son rétablissement du Covid-19. Autant dire que le cursus universitaire et le parcours professionnel très étoffés de Laya ne l’ont pas empêchée de sortir par la petite porte.
Le président du gouvernement Pedro Sanchez ne l’aurait pas sacrifiée si elle n’avait pas comploté, aussi inintelligemment, avec la régime militaire algérien en provoquant une crise entre l'Espagne et le Maroc. La presse espagnole estime qu’il est maintenant nécessaire que le Maroc interprète correctement la décision du gouvernement Sanchez: «Pas de punition ni de reddition, mais un pragmatisme sincère». Ce faisant, les médias reconnaissent que Laya a joué un grand rôle dans la détérioration des relations entre les deux pays en s’entêtant à accueillir Ghali et en refusant de reconnaître son erreur.
Le journal El Mundo a tenu à rappeler que le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, qui s’était opposé à l’entrée du polisarien en chef en Espagne, a été reconduit à son poste. Ce faisant, le chef du gouvernement compte sur l’expérience du nouveau ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, pour donner un nouveau souffle à la diplomatie espagnole et, surtout, pour désamorcer la crise avec le Maroc.