Pour l’ancien ministre Lahcen Daoudi, la légalisation du cannabis est inéluctable, malgré la position du parti, et le débat sur la question ne date pas d’aujourd’hui. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Al Ayyam, publié dans l’édition actuellement en kiosque, le dirigeant islamiste affirme avoir abordé ce sujet déjà en ... 2005. «J’ai parlé de la légalisation du cannabis dans une interview avec l’hebdomadaire français Jeune Afrique en 2005», a-t-il affirmé.
En 2013, l’ancien ministre chargé de l’enseignement supérieur, puis des affaires générales du gouvernement, aurait à nouveau parlé du sujet affirmant que le cannabis ne devrait pas être exclusivement destiné au «calumet» et au «chocolat» (le chira) et que ses cultivateurs ne devraient pas être contraints de vendre leur récolte aux barons de la drogue, comme unique alternative.
Les paysans qui vivent de cette plante doivent avoir d’autres alternatives, estime le dirigeant islamiste. Et cela ne sera possible que si cette activité est légalisée. Il y aura certainement des gens qui diront qu’il est impossible de contrôler cette culture et que la légalisation entraînera immanquablement la prolifération du trafic de drogue. C’est archifaux, assure Lahcen Daoudi. Nous disposons de technologies modernes assez avancées qui nous permettront de contrôler le processus depuis la culture jusqu’à l’industrialisation de la plante, en passant par la commercialisation.
Le cannabis, rappelle l’ancien ministre, a plusieurs utilisations licites. C’est par exemple sur une feuille de papier produite à partir de cette plante que le Sultan du Maroc a rédigé la déclaration de reconnaissance de l’indépendance des Etats-Unis. C’est avec le cannabis que l’on fabrique la meilleure qualité de papier, affirme-t-il. L’usage industriel du cannabis évolue d’année en année et le Maroc sera bien amené, si ce n’est déjà le cas, à importer des produits fabriqués à partir de cette plante. Ce serait dommage qu’il importe un produit dont il est producteur.
Cependant, malgré cette position très avancée du dirigeant du PJD sur la question, son parti a continué à s’opposer à l’éventualité de la légalisation du cannabis. Si le PJD a toujours été contre cette légalisation, c’est parce que Abdelilah Benkirane, qui dirigeait jusque-là le parti, était contre. La donne a changé aujourd’hui, et même au niveau international, la question a beaucoup évolué.
Cela dit, note Lahcen Daoudi, il ne faut pas oublier qu’à l’époque où l’on a commencé à construire la voie ferrée, certains oulémas s’y sont opposés, affirmant que c’était «haram». Il ne faut pas non plus oublier, ajoute-t-il, que c’est à parti du blé et de l’orge que l’on fabrique de la bière et personne ne viendra nous dire que leur culture est «haram». On pourrait en dire autant pour les raisins, dit-il.
N’empêche que, partant de considérations religieuses et morales, le PJD a toujours refusé de parler de légalisation du cannabis. Cela aurait pourtant pu être bénéfique pour les personnes qui s’adonnent à ce type de culture. Elles ne seraient plus dans la gêne, d’autant plus que leur situation sociale et matérielle pourrait certainement s’améliorer si cette activité était reconnue par la loi.
En tout cas, souligne Lahcen Daoudi, avec la légalisation, ces personnes ne seront plus à la merci des barons de drogue. De même, la légalisation de cette culture mettra sans doute fin à certaines contradictions. Imaginez, remarque l’ancien ministre, dans les régions où le kif est cultivé, les imams des mosquées sont payés avec le produit de la vente de cette plante! Cela pose un sérieux problème qui relève de la religion et de la morale.