Les adversaires du Maroc y voient une pression supplémentaire, et malvenue dans le contexte actuel, exercée par les États-Unis d’Amérique sur le Maroc pour que le Royaume se plie aux impératifs israéliens en matière de défense et de renseignement. Rien n’est cependant moins vrai. Et tant les positions de principe du Royaume, notamment son soutien à la cause palestinienne, que la sauvegarde de ses intérêts vitaux ne changeront pas d’un iota.
Tout est parti de l’aval accordé par le président américain Joe Biden, le 22 décembre, à la loi de politique de défense américaine (National defense authorization act – NDAA) pour l’année 2024. Le texte, véritable loi de finances liée à la défense, résume tant la stratégie de défense des États-Unis que leurs relations avec leurs partenaires et alliés dans le monde pour l’année à venir. S’agissant du Maroc, pays avec lequel ils sont notamment liés par un accord de défense courant de 2020 à 2023, les États-Unis y lèvent, pour la deuxième année consécutive, toute forme de condition à leur soutien militaire. Exit donc toute allusion au préalable de négociations avec les séparatistes du Polisario sur l’avenir du Sahara.
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Le temps où James Inhofe, ancien sénateur républicain et ex-président de la Commission des armées, désormais à la retraite, faisait la loi est bel et bien révolu. Fervent défenseur du Polisario et des thèses algériennes, il a sévi à de nombreuses reprises contre les intérêts du Royaume aux États-Unis. Il a même réussi à retarder d’un an la proclamation historique de Donald Trump sur la marocanité du Sahara. L’histoire retiendra (ou pas) qu’il avait également tenté, en octobre 2021, de limiter le soutien aux manœuvres militaires conjointes des États-Unis avec le Maroc, «African Lion», dans une résolution amendant le projet de loi budgétaire au Pentagone pour 2022. Sans succès.
Tel qu’on peut le lire dans le texte, la loi consacre également «la Déclaration conjointe entre le Maroc, les États-Unis et Israël, signée à Rabat le 22 décembre 2020». La NDAA 2024 souligne également que l’accord entre Israël et le Maroc a fourni des informations précieuses à la communauté du renseignement concernant les priorités nationales en matière d’intelligence. «L’accord entre Israël et le Maroc a abouti à des informations nouvelles et précieuses pour la communauté de renseignement concernant les priorités nationales en la matière», peut-on lire. De toute évidence, la NDAA ne fait que souligner un fait établi et qui sert les intérêts communs des trois parties tel qu’initialement convenu. Mais il n’en aura pas fallu plus pour que le voisin de l’Est y voie une volonté de Washington de forcer la main au Maroc pour qu’il «en fasse» plus vis-à-vis de l’État hébreu, alors que ce dernier mène toujours son offensive sur la bande de Gaza. La vérité est tout autre et c’est mal connaître la diplomatie marocaine.
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«Pragmatique et au long cours, la diplomatie marocaine ne sacrifie jamais ses fondements et principes à la faveur de donnes conjoncturelles. Tout en restant ferme sur son appui aux causes justes, à commencer par la question palestinienne, elle ne s’interdit pas toute coopération, y compris avec Israël, qui va dans le sens des intérêts suprêmes du pays, en l’objet en matière de défense et de renseignement. De là à y voir une implication du Maroc dans le conflit armé opposant Tsahal au Hamas, cela relève de la vue de l’esprit», résume Mohamed Bouden, politologue et spécialiste marocain du Moyen-Orient.
Pour lui, les priorités de cette coopération sont ailleurs. Pour les États-Unis, le Maroc est un allié axial dans la région de l’Afrique de l’Ouest et, par extension, toute la rive sud de l’Atlantique, ainsi que du Sahel. C’est d’ailleurs à ce titre que l’exercice militaire annuel African Lion– le plus grand de tout le continent– se tient au Maroc. Et c’est cette influence marocaine grandissante qui inquiète le voisin, dont les relais ont désormais du mal à cacher la perte totale de vitesse du régime d’Alger– la crise avec le Mali en est la dernière illustration et une des plus parfaites– et se réfugient derrière des thèses farfelues voulant qu’un axe Rabat-Tel Aviv-Washington n’ait d’yeux que pour la destruction de l’Algérie. Et accessoirement des civils palestiniens.
«Avec Israël, l’intérêt commun est dans l’accès aux meilleures technologies en matière d’armement et de renseignement. Et le Maroc y a fort à gagner», explique pour sa part Abdelfettah Naoum, politologue, expert en relations internationales et spécialiste du dossier du Sahara, ajoutant que les deux pays font face à une menace commune, l’Iran, désormais notoirement connu pour ses agitations dans le Sahara marocain par le biais de son proxy le Hezbollah et, de plus en plus directement, le Polisario. L’Iran et ses affiliés, contre lesquels les États-Unis comptent, en 2024 encore, redoubler de vigilance. Il s’agit «des groupes soutenus par l’Iran et désignés par les États-Unis comme des organisations terroristes étrangères et des groupes militaires régionaux, dont le Hezbollah, le Hamas, les Houthis et les groupes spéciaux en Irak et, en général, toutes les forces ayant été évaluées comme étant prêtes à commettre des actes terroristes pour le compte de l’Iran», spécifie encore la NDAA.
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Concrètement, en quoi est-ce que cette stratégie 2024 engage le Maroc? «Dans ses relations tant avec les États-Unis qu’avec Israël, le Maroc ne signe pas de chèque en blanc. Plus globalement, ses relations extérieures sont basées sur la graduation dans le cadre de processus de construction autour d’objectifs communs et de confiance mutuelle qui n’empêchent pas le Royaume de faire valoir ses points de vue et de marquer ses désaccords. Et cela s’est déjà produit de nombreuses fois s’agissant d’Israël. Le tout est, le cas échéant, objet d’évaluation et d’ajustements», commente une source bien informée. Autrement dit, pour la junte comme pour ses oiseaux de mauvais augure, circulez, il n’y a rien à voir.