Les adversaires de l’intégrité territoriale du Maroc et les détracteurs de sa stratégie diplomatique n’y voient, en forçant le trait, qu’une parade dont le seul but est de créer un effet médiatique. Mais rien n’est plus faux. Entamées en 2019, les ouvertures de consulats de pays amis et frères du Maroc obéissent à une logique bien plus profonde, et à de multiples enjeux. Avec l’annonce faite mercredi 7 septembre 2022 par la République du Tchad de sa décision d’ouvrir prochainement un consulat général à Dakhla, il y a désormais 28 pays qui disposent de représentations diplomatiques dans nos provinces sahariennes. Parmi ceux-ci, comptons 22 pays africains, soit 40% des 54 pays que compte le continent. Les 6 autres pays sont des Etats arabes (Jordanie, Emirats arabes unis et Bahreïn) et d’autres pays amis du Maroc (Haïti, Suriname et l’Organisation des Etats de la Caraïbe orientale). S’y ajoutent les Etats-Unis d’Amérique, qui disposent d’un consulat virtuel à Dakhla, en attendant l’inauguration du siège physique de cette représentation.
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Le Tchad, le poids lourd du SahelL’annonce du Tchad est une sorte de consécration d’une grande étape franchie dans ce processus. Grande puissance militaire à l’échelle du Sahel, l’influence du Tchad dans cette zone exposée à tous les périls, notamment terroristes, est réelle. Le pays pèse également, et lourdement, au sein de l’Union africaine (UA). Son ancien ministre des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat, n’est autre que le président de la Commission de l'UA, véritable exécutif de l’organisation continentale. A titre indicatif, il peut, seul, décider qui peut être membre observateur de l’Union. Ce qu’il avait d’ailleurs fait avec Israël le 22 juillet 2021, s’attirant ce faisant les foudres de la junte algérienne. La position tchadienne est d’autant plus à saluer que le pays, tout en étant neutre, est réputé plus proche d’Alger que de Rabat. Mais ça, c’était avant.
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Peu avant le Tchad, c’était au tour du Cap-Vert d’inaugurer effectivement son consulat à Dakhla, le 31 août 2022. Il a été précédé par le Togo, le 21 juillet, dans la même ville du sud marocain. Ce dernier soutien à la souveraineté du Maroc sur son Sahara revêt une importance de premier ordre. Le Togo, alors sous la férule de feu le général Gnassingbé Eyadema, avait cédé aux sirènes de la propagande algérienne et reconnu la fantomatique Rasd le 15 mars 1976. C’est d’ailleurs l’ancien secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (ancêtre de l’UA), le Togolais Edem Kodjo, qui a introduit par effraction l’entité fantoche dans l’organisation panafricaine. C’était avant que Lomé ne lui retire cette reconnaissance près de deux décennies plus tard, le 18 juin 1997.
Changement de donneDepuis, la bascule a changé de côté et c’est le Maroc qui prépare désormais ses alliances en vue de faire éjecter une entité qui n’existe que dans la tête de ceux qui l’ont conçue. En plus des relations bilatérales privilégiées qu’il entretient avec la majeur partie des pays du continent, le retour du Royaume au sein de l’organisation panafricaine en janvier 2017 a radicalement changé la donne et, aujourd’hui, la «Rasd» est reniée par l’écrasante majorité des pays qui avaient soutenu son entrée à l’OUA. L’intérêt majeur des ouvertures de consulats dans les provinces du Sud en est la démonstration.
22 pays ayant des représentations consulaires à Laâyoune et Dakhla, ce sont autant de voix qui, le jour venu, ne vont pas hésiter à s’exprimer pour l’éjection de la pseudo-république sahraouie, la considérant comme une anomalie héritée de la défunte OUA et qui doit être réparée à travers une expulsion pure et simple. Le Maroc n’en est pas loin. Les gesticulations du tandem Algérie-Polisario, qui tente soit de minimiser la portée de ces actions soit de les dénoncer, n’y feront rien. On s’en souvient, saisi sur la question par la junte et ses affidés, le Conseil de sécurité de l’ONU a estimé, en réponse à des protestations de la diplomatie algérienne, que les ouvertures de consulats dans les villes de Laâyoune et Dakhla relevaient de la seule souveraineté des Etats.
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Alger a auparavant tenté de jouer au chantage à l’encontre des Etats qui ouvrent des consulats dans les villes du Sahara marocain, allant même jusqu’à rappeler, en février 2020, son ambassadeur à Abidjan au lendemain de l’ouverture du consulat de la Côte d’Ivoire à Laâyoune. Depuis, la junte a revu ses ambitions à la baisse et assiste, impuissante, à des percées diplomatiques aussi incessantes que décisives.
Le train est en marche et le renforcement de cette dynamique est enclenché. A ce titre, le ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, a annoncé, le 31 août à Dakhla, la tenue imminente d’une réunion ministérielle des pays qui ont ouvert des consulats dans les Provinces du Sud. «Nous allons œuvrer durant les prochains mois pour la tenue d’une réunion, que ce soit à Laâyoune ou à Dakhla, en présence de tous les pays ayant ouvert des consulats dans les provinces du Sud, pour confirmer cette dynamique et créer une plus grande coordination entre ces Etats», a indiqué le chef de la diplomatie marocaine au cours d’un point de presse conjoint avec son homologue capverdien, Rui Alberto De Figueiredo Soares, tenu à l’issue de l’inauguration à Dakhla du consulat général de la République de Cabo Verde. D’après nos sources, une autre réunion sur ce sujet, en la présence de Bourita, est prévue à New York. La donne qui est en train de changer dans le continent aura, certainement, des répercussions partout ailleurs au monde.