Mhammed Boucetta, l’ancien secrétaire général du parti de l’Istiqlal, est d’abord un compagnon de route du fondateur de ce parti : Allal El Fassi, avec lequel il a milité pour l’indépendance du Maroc et la défense de ses institutions. C’est en ces termes que le quotidien Al Massae du vendredi 24 juillet entame un long portrait consacré à celui qu’il qualifie de «sage ministre».
A la mort de Allal El Fassi, Boucetta, qui a pris sa place à la tête de l’un des plus vieux partis du royaume, est davantage projeté sur le devant de la scène politqiue. Sous son éternel fez de soie, ses lunettes qui laissent transparaitre un regard perçant, mais aussi derrière un sourire dont il ne se départit jamais, même en face de ses adversaires les plus irréductibles, se cache un homme à la personnalité de fer. Un homme qui, selon Al Massae, sait dire «non» quand il le faut.
D’ailleurs, c’est ce non, opposé au roi Hassan II, qui l’empêcha de prendre les rênes du premier gouvernement d’alternance en 1994, déblayant la voie, après moult tractations, au leader socialiste, feu Abderrahmane El Youssoufi, qui le dirigera en 1998.
Bien avant d’être SG du PI, Boucetta a occupé de hautes fonctions gouvernementales, comme celle de ministre d’Etat aux Affaires étrangères à partir du 10 octobre 1977, dans le gouvernement Ahmed Osman, poste où il a été reconduit en 1981. Auparavant, Mhammed Boucetta a été ministre de la Fonction publique et de la réforme administrative au sein du gouvernement dirigé par Hassan II, alors prince héritier, puis ministre de la Justice dans le gouvernement suivant.
Al Massae rappelle que feu Hassan II avait un très grand respect pour Boucetta, malgré son «non» de 1994 et sa démission du gouvernement lors de l’instauration de l’état d’exception en 1965. Un respect qui va se matérialiser après la mort de Allal El Fassi, quand le souverain défunt est intervenu pour que Boucetta devienne le nouveau SG du parti de l’Istiqlal, alors que c’était Mohamed Diouri qui avait plutôt les faveurs des pronostics.
Mhammed Boucetta a connu une traversée du désert volontaire après les événements de 1965, avant d’accepter de s’impliquer à nouveau dans la vie politique après la restauration du parlement dans le cadre du retour à la dynamique démocratique initiée par Hassan II au milieu des années 70 du siècle dernier. Mais dans le nouveau «jeu démocratique», Boucetta n’est pas convaincu de la manière par laquelle son parti est traité au niveau des résultats électoraux et sa place au sein des différents gouvernements. C’est pourquoi, en 1992, aux côtés de l’USFP et du PPS, il signe la Charte de la Koutla démocratique qui demande à Hassan II d’initier de profondes réformes politiques et constitutionnelles, en prélude à une alternance gouvernementale.
Même s’il refusa d’être le chef de file du premier gouvernement d’alternance en 1994, cela ne l’empêcha pas de jouer aux bons offices entre le palais et les partis de gauche en vue de la constitution du gouvernement d’alternance en 1998. Cette mission accomplie, Boucetta s’éclipsa de toute activité politique, en remettant même son tablier de SG du PI.
Mais les sages étant toujours utiles, Boucetta sera remis sous les projecteurs, rappelle Al Massae, par le roi Mohammed VI qui lui confie un dossier aussi sensible et important que celui de la réforme de la Moudawana, dossier qui se trouvait alors dans l’impasse malgré les efforts de la commission ad hoc dirigée par Driss Eddahak.
A la fois homme de gauche, conservateur et musulman pieux, trainant derrière lui une riche expérience politique, cet avocat du barreau de Rabat, lauréat de Paris-Sorbonne, mènera les tractations d'une main de maître et réussira à mettre tout le monde d’accord sur un nouveau texte révolutionnaire du statut personnel, où les droits de la femme sont les premiers gagnants.