Deux faux journalistes et vrais imposteurs s’invitent à la Sorbonne

Maâti Monjib entouré de ses deux protégés, Hicham Mansouri et Samad Iyach.

Maâti Monjib entouré de ses deux protégés, Hicham Mansouri et Samad Iyach. . PhotoMontage Le360

Hicham Mansouri et Abdesamad Aït Aicha animeront le mercredi une rencontre à l’adresse d’étudiants d’un master à la Sorbonne, en vue de témoigner de leur expérience en tant que «journalistes d’investigation». Mais qui sont-ils? Quels sont leurs faits d’armes? Qui les parraine? Eléments de réponse.

Le 24/10/2016 à 16h59

Ceux qui connaissent le fonctionnement des universités pourront vous le confirmer: il arrive souvent que l’on survend des personnalités invitées dans le cadre d’un master. Et puis, on communique sur leur intervention, à l’adresse essentiellement des étudiants de ce cours, comme si l’université de la Sorbonne entière battait au rythme de cette intervention qui concerne au mieux 20 personnes.

Mais là, cela dépasse l’entendement avec deux individus, Hicham Mansouri et Abdesamad Aït Aicha (alias Iyach), qui, au lieu d’assister à leur procès, ce mercredi à Rabat, ont choisi de partager leur science infuse avec des étudiants en Master. Présentés comme deux éminents du journalisme d’investigation au Maroc, ils sont invités à ce cours pour exprimer leurs «inquiétudes sur la liberté de l’information dans leur pays», comme c'est écrit sur le petit argumentaire qui accompagne leur invitation.

Pour ceux qui ne les connaissent pas ou pour ceux qui ont besoin qu’on leur rafraîchisse la mémoire, voici le glorieux parcours de ces deux protégés de Maâti Mounjib, un autre spécialiste de l’imposture qui au lieu de répondre sur les détournements des aides perçues des organismes étrangers se mure dans le silence et crie au complot, tout en gardant dans ses comptes et ceux de sa famille les subventions volées.

Hicham Mansouri qui se présente comme un journaliste, n’en est pas un. Il est plutôt un simple fonctionnaire à la délégation de l’Education nationale à Bouarfa, faisant office en 2013 de chef de service de l’information. En réalité, il n’a jamais assuré cette fonction, préférant plutôt passer tout son temps à Rabat. «Fonctionnaire fantôme» comme on appelle communément ceux qui vivent des deniers publics sans rien donner en retour, il passait son temps à bombarder sa hiérarchie de certificats médicaux, des faux évidemment.

Il a été recruté par l’Association marocaine du journalisme d’investigation (AMJI), comme chef de projets, chargé du suivi de l’organisation des activités sur le plan logistique et matériel en contrepartie d’un salaire mensuel de 6000 DH (seuls 3.000 DH étaient déclarés au fisc et à la sécurité sociale!). 

C’est dans ce cadre qu’il a commencé à fricoter avec les ONG hollandaise Free press unlimited et danoise Internatinal media support qui étaient liés par un partenariat avec l’AMJI pour l’organisation de sessions de formation au profit de journalistes amateurs.

L’essentiel est qu’il n’a jamais collaboré avec ces ONG en qualité de journaliste, mais plutôt comme coordinateur devant assurer le suivi de l’organisation de sessions de formation, notamment les réservations d’hôtels et la réception des participants.

En 2014, avec la caution de son idole Maâti Mounjib, il est embauché par Free press unlimited au Maroc en tant que coordinateur. Sa mission là aussi consistait à faire les réservations d’hôtels, la coordination avec les participants et l’élaboration d’un rapport final de l’activité, axée a cette époque sur le programme StoryMaker.

Ainsi, d’un fonctionnaire-fantôme, ayant fui ses responsabilités au sein du ministère de l’Education nationale pour se consacrer à sa mission de coordinateur des sessions de formation au profit de l’AMJI et de Free press unlimited, Hicham Mansouri s’est proclamé brusquement journaliste, sur fond d’une mise en avant de quelques articles ne dépassant pas, en nombre, les doigts d’une seule main et ne répondant à aucune logique, publiés après le déclenchement de l’affaire Maâti Mounjib. Soit encore à partir de la prison où il était incarcéré pour complicité d’adultère, et après la fin de sa détention, sur des sites internet, notamment Lakome2.

Technicien en informatique et journaliste d’investigation!Abdesamad Aït Aicha, quant à lui, ne dispose ni d’un diplôme, ni d’une formation en journalisme. Il a plutôt un diplôme de technicien en informatique obtenu en 2010, date à laquelle il a intégré le Centre Ibn Rochd que son fondateur, Maâti Mounjib, a sabordé après avoir détourné 3 millions DH. Il y était embauché comme employé et ce avec un salaire de 6000 DH jusqu'en 2014.

Il a assuré par la suite la fonction de coordinateur au profit de Free press unlimited, chargé de la logistique, tout en travaillant à partir de 2015 comme employé à l’AMJI. Il percevait de l’ONG néerlandaise pour son travail de coordination logistique une indemnité de 6000 DH par mois.

Il ne dispose, par ailleurs, sur le site Lakome2 ou encore Machahid d’aucune contribution journalistique pouvant être répertoriée dans la case du journalisme d’investigation.

Enfin, faudrait-il constater que depuis le déclenchement de l’affaire Maâti Mounjib, dans laquelle les deux faux journalistes sont impliqués, ceux-ci ne ratent aucune occasion pour se faire présenter comme étant des journalistes et maintenant bien plus, comme étant des journalistes d’investigation, espérant à ce propos donner à leur dossier judiciaire une dimension politique.

Ni Hicham Mansouri, ni Samad Iyach ne pourraient se targuer d’être des journalistes professionnels, encore moins des journalistes d’investigation.

Et de là à les voir se pavaner à la Sorbonne, on est en droit de se demander si on ne cherche à tromper des étudiants en leur présentant des imposteurs comme des journalistes d’investigation.

Par Mohamed Chakir Alaoui
Le 24/10/2016 à 16h59