La capitale algérienne était, pour le 2e vendredi consécutif, tout habillée en «tenue bleue», en référence à la présence massive de forces de l’ordre au niveau de tous ses points stratégiques et quartiers populaires. Le contrôle et la fouille des usagers de la voie publique et de leurs smartphones étaient systématiquement opérés, en pleine rue, par des policiers en civil. Même en l’absence de manifestation, des interpellations ont ainsi été recensées.
Dans plusieurs quartiers de la capitale algérienne, à l’instar d’autres grandes villes, les mosquées ont été encerclées par la police à l’heure de la prière du vendredi, en vue de filtrer les sorties, et empêcher ainsi tout attroupement post-prière.
Cela n’a pas empêché quelques regroupements épars de centaines de manifestants dans la capitale algérienne, signalés notamment dans les quartiers d’El Harrach et Aïn Banian, et qui ont scandé tous les slogans-phares du Hirak.
En Kabylie, malgré la répression implacable qui a visé les manifestants dans la petite ville de Bouira, des milliers de manifestants ont défilé dans les autres grandes villes de la région, à savoir Tizi-Ouzou et Béjaïa. Lors de ces imposantes marches, les slogans ont particulièrement visé le pouvoir militaire et le refus des élections législatives qu’il tient à organiser le 12 juin prochain.
Des manifestations ont également eu lieu dans la wilaya de Boumerdès, particulièrement à Borj Menaïel, après les heurts violents qui ont opposé, dans la nuit de jeudi à vendredi, de jeunes manifestants aux forces de l’ordre dans cette wilaya (commune de Naciria).
Il est maintenant devenu clair qu’avec sa nouvelle stratégie sécuritaire, et après l’échec de la carte du «terrorisme» et celle de la «main de l’étranger», le pouvoir vert-kaki algérien tente de jouer sur la division «régionaliste et identitaire» pour casser momentanément la contestation populaire et ce, en laissant les manifestants marcher dans la seule région de Kabylie, tout en imposant un état de siège implacable à Alger, épicentre des manifestations du Hirak.
Plus grave, cette nouvelle stratégie intervient à un moment où le président Abdelmadjid Tebboune a disparu des radars ces derniers temps, laissant le terrain au seul chef d’état-major de l’armée, le général Said Chengriha, qui n’a cessé cette semaine de multiplier les sorties médiatiques, entouré de sa meute de généraux, pour mettre indirectement en garde les manifestants du Hirak.
Mais ces derniers ont également compris que le régime cherche, coûte que coûte, la confrontation violente, et ont probablement choisi de faire le dos rond, en attendant de reprendre la main après les hypothétiques élections qui auront lieu dans une quinzaine de jours, et dont le boycott massif va servir de nouvelle dynamo à la contestation populaire.
D’ailleurs, les actuelles élections ont déjà mis à nu la grande contradiction du régime qui, d’un côté, empêche le mouvement populaire pacifique du Hirak de manifester chaque semaine et, de l’autre, permet, et soutient même, des rassemblements quotidiens dans le cadre des campagnes électorales relatives aux législatives rejetées par la majorité des Algériens.