L’Accord d’association UE-Algérie, entré en vigueur en septembre 2005, définit un cadre pour la coopération UE-Algérie dans tous les domaines, y compris le commerce. Il avait pour objectif d’établir une zone de libre-échange, comprenant le démantèlement complet des droits de douane, d’ici septembre 2020… À la demande de l’Algérie, qui estimait le texte déséquilibré, les deux parties ont procédé à une évaluation conjointe de l’accord en 2016 et produit une série de recommandations pour améliorer sa mise en œuvre. Puis elles ont agréé les éléments constitutifs de «Priorités de Partenariat», adoptées par le Conseil d’association UE-Algérie en mars 2017, l’Algérie devenant le premier partenaire de l’UE dans la région à conclure un tel document.
Pour quel bilan? L’Algérie est le 19ème partenaire commercial des 27, tandis que l’UE est le principal partenaire commercial de l’Algérie, représentant la majorité de son commerce international. Surtout, depuis 2015, Alger n’a cessé d’introduire des mesures protectionnistes, en violation de l’Accord d’association, engendrant, selon les mots de la Commission européenne et du Service européen pour l’action extérieure, «un impact sans précédent dans la région sur les opérateurs européens» (Rapport sur l’état des relations UE-Algérie dans le cadre de la PEV renouvelée avril 2018-août 2020).
Au cours de la période 2015-2019, l’exportation par les Européens des produits affectés par ces mesures restrictives a chuté de plus de 50%. Le 24 juin 2020, Bruxelles a initié une première procédure de règlement des différends; le 9 août, le président Tebboune donnait instruction au ministre du Commerce d’évaluer l’Accord d’association. Et Alger a, depuis, multiplié les entraves au commerce… Au point que la valeur totale des exportations de l’UE a régulièrement diminué, passant de 22,3 milliards d’euros en 2015 à 14,9 milliards d’euros en 2023.
Ce sont huit nouveaux griefs qu’invoque aujourd’hui la Direction générale du Commerce de l’UE à l’encontre de son partenaire algérien pour justifier que soit saisi le Conseil d’association. Parmi ceux-ci, l’ordonnance portant loi de finances complémentaire pour 2021, qui fixe à 51% le niveau obligatoire de participation de l’actionnariat résident pour les entreprises exerçant l’activité d’importation de matières premières, produits et marchandises destinés à la revente en l’état et celles revêtant un caractère stratégique… rendant les conditions d’établissement en Algérie des sociétés européennes plus restrictives qu’elles ne l’étaient avant la signature de l’Accord d’association! Mais aussi, depuis 2022, un «certificat ALGEX» exigé pour les entreprises importatrices -«délivré après une procédure peu transparente, qui résulte souvent dans le refus arbitraire et immotivé de la certification» pour plusieurs opérateurs européens qui ne peuvent donc importer en Algérie. Également, l’obligation depuis 2022, pour les constructeurs automobiles basés en Algérie d’utiliser un pourcentage croissant de produits locaux pour la fabrication de véhicules. Bruxelles reproche aussi la décision, prise cette année, de ne plus accepter les demandes de domiciliation bancaire liées à l’importation de produits en marbre et céramique sous leur forme finale, ce qui revient à interdire d’importer ces produits.
Enfin, Bruxelles mentionne la politique ciblée de sanctions économiques menée contre un de ses États membres, depuis 2022, en représailles au soutien de Madrid à la marocanité du Sahara occidental. Déjà, en février 2023, en visite à Valence, le DG adjoint pour le commerce qualifiait ces sanctions de «coercition économique» que la Commission s’engageait à supprimer. Et le mois suivant, à Alger, le Haut représentant Borrell reprenait: «Il nous faut commencer par trouver une solution aux limites actuelles. Je pense, par exemple, aux entraves introduites depuis juin 2022 aux échanges commerciaux avec l’Espagne». Pour la DG Trade, le gel des domiciliations bancaires pour les opérations de commerce de produits de et vers l’Espagne à compter du 9 juin 2022 semble incompatible avec l’Accord d’association, vu qu’une domiciliation bancaire est nécessaire pour tous les échanges commerciaux. En outre, cette mesure visant l’Espagne semble également être en violation avec la règle de l’Accord d’association qui interdit la discrimination entre les États membres, leurs ressortissants ou leurs sociétés.
Et après? Au mois de janvier 2024, des représentants de la Commission européenne et de l’Algérie se sont rencontrés à Alger au sujet de ces restrictions commerciales, en vain. L’UE inclut, dans tous ses accords commerciaux, un mécanisme de règlement des différends, inspiré du système de règlement des différends de l’OMC. Il laisse ici aux Algériens le soin de répondre, point par point, dans le cadre du Conseil d’association. Il dit surtout que Bruxelles n’a plus, envers Alger, la patience de patienter.