Après le Maroc, l’Espagne, le Sahel, les Émirats et bien d’autres, l’Algérie s’attire les foudres de la RDC

Le chef de l'armée algérienne, Saïd Chengriha, lors de sa visite au Rwanda, en février 2024.

Le chef de l'armée algérienne, Saïd Chengriha, lors de sa visite au Rwanda, en février 2024.

En effectuant une visite au Rwanda, pays aux prises avec la République démocratique du Congo, dans un contexte de hautes tensions dans la région des Grands Lacs, le chef de l’armée algérienne a réussi la prouesse de s’attirer la colère de Kinshasa et d’allonger la liste bien fournie des ennemis de l’Algérie dans le monde.

Le 28/02/2024 à 18h08

S’il est un exercice dans lequel l’Algérie du duo Tebboune-Chengriha excelle, et presque naturellement, c’est l’art de se faire détester par tout le monde. Les tensions que le pays a créées avec son voisin immédiat, le Maroc et, dans une large mesure, la Libye, ne suffisent plus. L’hostilité franche de pays du Sahel comme le Mali et le Niger ne semblent guère la satisfaire. Les claques infligées par l’Espagne, les Émirats arabes unis ou encore l’Arabie saoudite ne sont pas dissuasives. Et les ennemis imaginaires, comme Israël ou, dans une moindre mesure, la France, ont du mal à achever le tableau. Alors, des ennemis, le régime algérien va les chercher plus loin. Et avec réussite. Cette fois, c’est en Afrique centrale, plus précisément en République démocratique du Congo (RDC), que Saïd Chengriha, puisque c’est à lui que revient le dernier sacre, a trouvé son nouvel adversaire.

Mardi 27 février, la RDC, par la voix de Christophe Lutundula, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, a ainsi convoqué d’urgence l’ambassadeur d’Algérie à Kinshasa, Mohamed Yazid Bouzid. Motif: demander des explications quant à la visite effectuée une semaine auparavant, soit le lundi 19 février, par le chef de l’armée algérienne à Kigali, capitale du Rwanda, ennemi juré de la RDC.

Des confrontations armées ont eu lieu aux frontières entre les deux pays de mai à juin 2022 et ont failli tourner à la guerre ouverte. Et si le pire a été évité, la tension est restée palpable.

Cette visite vise à «renforcer la coopération militaire bilatérale» et à «relever les défis sécuritaires qui prévalent dans le continent africain», affirmait le ministère algérien de la Défense. Et c’est fièrement que la même source a annoncé, photos de Saïd Chengriha à l’appui, le torse bombé, que ce déplacement répondait à l’invitation du chef d’état-major de l’armée rwandaise, le général de corps d’armée Mubarak Muganga.

Ceci, dans un contexte de rivalité entre Kinshasa et Kigali, la RCD accusant son voisin rwandais de «déstabiliser sa partie orientale en soutenant la rébellion du groupe armé M23 (Mouvement du 23 mars, NDLR)».

Dans les faits, le déplacement vaut appui au Rwanda, dans un contexte de hautes tensions dans la région des Grands Lacs, et ingérence dans un conflit qui ne concerne l’Algérie ni de près ni de loin. Au final, une nouvelle crise diplomatique dont Alger se serait bien passée, ayant déjà fort à faire avec ses ennemis réels ou imaginaires, du Maroc aux Émirats arabes unis, en passant par le Sahel, l’Arabie saoudite, la France, l’Espagne ou encore Israël, à titre indicatif. Difficile d’être aussi provocateur, bête et méchant à la fois. Et le tout gratuitement. Surtout à un moment où le chef du gouvernement de transition malien, Choguel Kokalla Maïga, a prononcé, lundi 26 février, un nouveau discours virulent contre l’Algérie, dont il a décrété la fin de son rôle de médiateur dans la crise que traverse le pays ouest-africain.

Si personne dans le landerneau politique algérien n’avait compris l’utilité et la pertinence du déplacement de Saïd Chengriha à Kigali, l’évidence a fini par éclater au grand jour: les ennemis, Alger s’est juré de les collectionner. C’est à croire que c’est un jeu. Un des plus grands pays d’Afrique avec 100 millions d’habitants et recelant les minerais les plus précieux du continent, la RDC est d’autant plus un acteur africain incontournable. Et il ne risque pas de tourner la page de cette offense aussi facilement. Tout est de savoir où s’arrêtera la folie des dirigeants algériens, qui isolent le pays chaque jour un peu plus. Au point d’en faire un État maudit qui évolue à rebours non seulement du sens de l’Histoire, mais aussi de celui de la géographie.

Par Tarik Qattab
Le 28/02/2024 à 18h08