Algérie-Mauritanie: le passage frontalier fermé, une hypothétique ligne maritime pour le remplacer

Le bateau algérien Imedghassen. . DR

Le président algérien a fait adopter, dimanche 13 février en Conseil des ministres, le mémorandum d'entente entre l'Algérie et la Mauritanie pour la réalisation de la route Tindouf-Zouerate. En attendant cet hypothétique projet, Alger a été obligée de se rabattre sur une ligne maritime vers Nouakchott, suite à la fermeture du passage terrestre.

Le 15/02/2022 à 16h11

La route Tindouf-Zouerate reliant le sud algérien au nord de la Mauritanie est à l’image d’une arlésienne. Ce projet, promis par l’ancien président algérien Houari Boumediene dès le début des années 70 du siècle dernier, peine toujours à voir le jour. Pourtant, à chaque rencontre entre officiels mauritaniens et algériens, on ressort cette «route» des tiroirs pour l’oublier immédiatement après.

A nouveau, suite à la récente visite effectuée à Alger, du 27 au 29 décembre 2021, par le président mauritanien, Mohamed Oud Cheikh El Ghazouani, son homologue algérien n’a pas dérogé à la coutume et a promis de réaliser à son tour ce fameux axe routier de 775 km. 

Mais la nouveauté dans ce dossier, c’est que le président mauritanien, et en connaissance de cause puisqu’il fut successivement, entre 2007 et 2019, directeur général de la sûreté nationale, chef d’état-major des armées et ministre de la Défense, a clairement expliqué à ses interlocuteurs algériens que la frontière commune pose de grands défis sécuritaires à la Mauritanie. De ce fait, il a mis les points sur les «i» en affirmant à la face des autorités algériennes que le passage frontalier commun, dans son état actuel, crée davantage de problèmes à la Mauritanie qu’il n’en résout.

De ce fait, pour exporter ses produits par voie terrestre vers la Mauritanie et utiliser ce pays comme passerelle vers l’Afrique de l’Ouest, l’Algérie a été invitée à s'orientée vers la voie maritime, plus facile à sécuriser, en attendant la réalisation de la route Tindouf-Zouerate.

C’est dans ce cadre que le ministre algérien des Transports, Aissa Bekkai, a annoncé le 8 février dernier, selon l’agence de presse algérienne, «le lancement d'une ligne commerciale maritime reliant l'Algérie et la Mauritanie avant la fin février (entre le 20 et le 23)… En parallèle, une nouvelle ligne aérienne sera ouverte entre l'Algérie et la Mauritanie dans les jours à venir en plus d'une autre ligne aérienne avec le Sénégal». Reconnaissant indirectement que le passage frontalier, qui constituait également un calvaire pour les camionneurs algériens, est tombé à l’eau, Aissa Bekkai a ajouté que ces lignes maritime et aériennes viendront renforcer le «projet de construction d'une route reliant Tindouf à Zouerate (Mauritanie), qui faciliterait la circulation des camions chargés de marchandises algériennes».

Pour rappel, le dernier convoi de 28 camions algériens qui se dirigeait en novembre dernier vers la Mauritanie n’est pas arrivé à bon ports. Il été d’abord bloqué pendant plusieurs jours par une grève des camionneurs algériens qui exigeaient de meilleures dotations financières et davantage de carburant. Finalement, dès qu’il a pris la route, ce convoi a été emporté par de fortes inondations ayant frappé la région de Tindouf.

L’échec du passage terrestre mauritano-algérien était d’ailleurs prévisible, car il avait été ouvert dans la précipitation et l’improvisation, et mû par des raisons essentiellement «politiques» plutôt que socio-économiques, en vue de contrer les intérêts stratégiques du Maroc en Afrique. Ce fut même un «passage forcé», puisque son ouverture a été précédée de très fortes pressions de l’Algérie sur la Mauritanie qui venait, une année plus tôt, de fermer et déclarer «zone militaire interdite à la circulation des personnes» les quelque 460 km de frontières qu'elle partage avec ce pays.

Qu’en sera-t-il alors pour cette nouvelle ligne maritime Alger-Nouakchott? Ce qui est certain, c’est qu’une première tentative par voie maritime a été amorcée en avril dernier, après que les autorités mauritaniennes ont à nouveau verrouillé leurs frontières du Nord, suite aux menaces du Polisario qui venait d’être chassé d’El Guerguerat.

En avril 2021, les autorités algériennes avaient promis une rotation tous les 20 jours entre les ports d’Alger et de Nouakchott. Finalement, il n’y a eu qu’une seule rotation effectuée par le bateau algérien, Imedghassen. Or, quand on sait que ce même bateau a été bloqué le 9 novembre dernier au port français de Sète suite à une saisie conservatoire, saisie qui a simultanément frappé une demi-douzaine de bateaux et cargos algériens dans les ports belges, espagnols, italiens…, l’on se demande comment l’Algérie pourrait assurer une ligne maritime régulière avec la Mauritanie. D'autant que l’itinéraire, tel que rapporté par un média mauritanien, serait excessivement long, car après une longue navigation en Méditerranée, les bateaux algériens passent à l’ouest de l’archipel des Canaries… pour éviter la longue côte atlantique du Maroc!

Certes le ministre algérien des Transports a précisé que cette fois-ci, «toutes les mesures préalables ont été prises, afin d'assurer l'efficacité et la pérennité de cette ligne, qui servira à promouvoir les exportations algériennes vers la Mauritanie et le reste des pays africains dans le cadre de la Zone de libre-échange africaine (ZLECAF)», mais rien n’est moins sûr, car cette ligne risque à son tour de tomber rapidement à l’eau. Le régime algérien nous a trop habitués à des annonces qui restent lettres mortes.

Par Mohammed Ould Boah
Le 15/02/2022 à 16h11