Ce qui n’était jusqu’ici qu’hypothèses est désormais une réalité. Lors de la récente réunion tenue le mercredi 5 janvier dernier, du Haut conseil de sécurité algérien, dont les convocations très rapprochées ces derniers mois montrent que le régime algérien ne dort jamais à poings fermés de crainte d’une résurgence d’un hirak radicalisé, des généraux intrus ont participé à ce conclave restreint. Et ce, pour la première fois.
Il s’agit des généraux Hassan et M’henna Djebbar. Si le retour aux affaires de Djebbar avait plus ou moins été fuité dans la presse, au mois d’octobre dernier, en tant que patron de la «Direction chargée de la lutte contre le terrorisme», la réapparition du général Hassan s’est faite sans commentaire et sans aucune communication officielle.
La junte ne s’embarrasse même plus des apparences et du respect de la Constitution algérienne. De même que le général Nezzar, condamné à 20 ans de prison, est rentré en Algérie dans un avion présidentiel, sans même pas prendre le soin de faire le détour par un tribunal, et de même que le général Toufiq, qui purgeait une peine de 15 ans de prison, a quitté sa cellule en taule sans que la justice ne le lave des chefs d’accusation qui pesaient sur lui, le général Hassan, qui a purgé quant à lui la totalité de sa peine en prison (5 ans), a réapparu comme par magie dans la plus haute instance décisionnelle du régime algérien. La junte algérienne agit à la manière d’un gang qui excommunie et réadmet des membres, sans avoir à fournir d’explications.
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Le fait que le général Hassan et M’henna Djebbar participent à la réunion du Haut conseil de sécurité est à la fois une insulte pour l’armée algérienne et son chef d’état-major, le général Saïd Chengriha, une humiliation pour le président algérien, ministre de la Défense et chef suprême des armées, Abdelmadjid Tebboune, et un requiem de la Constitution algérienne qui ne s’applique pas aux maîtres du pouvoir en Algérie.
Comment en effet, ledit général Hassan, qui a purgé une peine de 5 ans de prison ferme entre août 2015 et août 2020, peut-il encore remettre la tenue militaire de l’armée algérienne, arborer ses épaulettes de général, et aller siéger dans un Haut conseil de sécurité? Idem pour le général M’henna Dejjebar, dont la condamnation en 2019 pour corruption et enrichissement illicite (un trafic de devises, en fait) a été annoncée par le ministère de la Défense nationale à la télévision publique algérienne.
Le bras droit et homme de confiance du général ToufiqLe général Hassan, dont le plus haut fait de guerre est le fiasco monumental et le carnage qu’il a commis lors de son intervention aveugle dans la prise d’otages sur le site gazier d’In Amenas en 2013, est l’artisan de la révélation de la faillite de l'Etat algérien à l'occasion de cet épisode, qui a vu périr des dizaines de coopérants étrangers. La gestion catastrophique de la prise d’otages d’In Amenas a ruiné le faux crédit qu’accordaient de nombreux pays à l’Algérie, révélant aux yeux du monde l’impéritie et l’incompétence d’un régime, incapable à la fois de sécuriser ses frontières et de faire face à une bande de terroristes.
L’homme qui a dirigé les opérations lors de la prise d’otages d’In Amenas est le général Hassan, bras droit et homme de confiance du général Toufiq. D’ailleurs, quand le général Hassan a été arrêté, le puissant Toufiq est sorti pour la première fois de son mutisme. En effet, l’ancien patron des services secrets algériens, qui ne s'était jamais exprimé auparavant, ni même affiché en public, est sorti de sa réserve pour défendre son ex-bras droit opérationnel au sein Département du renseignement et de la sécurité (DRS).
Dans un communiqué, rendu public en décembre 2015, dans lequel il se fait l’avocat du général Hassan, Toufiq exige la réparation immédiate de ce qu’il appelle l’erreur de la condamnation de son protégé.
Il finira lui-même par le rejoindre en 2019 à la prison militaire de Blida, un sort qui a failli être également réservé à son mentor, le général Khaled Nezzar, qui ne dut son salut qu’à une fuite précipitée vers l’Espagne. Malgré la condamnation de ces généraux à 15 ans de prison pour Toufiq, et 20 ans pour Nezzar, ce duo va finir, à la faveur de la mort du général Gaïd Salah, par annuler tous les jugements et reprendre quasiment les mêmes pouvoirs qu’il détenait durant la décennie noire en Algérie (années 90).
La junte agit à la manière d’un gangEn quelle qualité le général Hassan a siégé, mercredi dernier, au Haut conseil de sécurité? A l’instar d’une mafia qui privilégie l’omerta, la junte ne s’est pas exprimée sur le retour en grâce de l’homme de confiance du général Toufiq. C’est dans les médias, proches des militaires, qu’il faut chercher des éléments pour reconstituer le puzzle. Ainsi, on apprend que dans le Haut conseil de sécurité, du 5 janvier, était présent «le directeur général de la lutte contre la subversion». Est-ce là une nouvelle fonction pour le général Hassan?
Aujourd’hui, malgré les fanfaronnades de Tebboune et Chengriha sur une prétendue «Algérie nouvelle», le pays est désormais gouverné par une poignée de repris de justice, qui tenaient les rênes du pouvoir pendant les années 90 du siècle dernier. Avec le retour aux affaires du général Hassan, Toufik et Nezzar achèvent le maillage de leur réseau et resserrent l’étau autour de Tebboune, un président fantoche et affaibli. M’henna Djebbar, le général Hassan et Nacer El Djenn sont des hommes d’abord loyaux envers Toufiq. Même le chef d’état-major, le général Chengriha, ne semble pas en position de force dans cette configuration.