Au moment du partage du Maroc entre la France et l’Espagne en 1912, le Nord et l’extrême-sud saharien sont revenus à cette dernière, qui «n’est plus que l’ombre de la puissance mondiale d’antan», et y trouve une grande cause pour reprendre foi en son destin, souligne François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique, dans un éditorial.
Selon lui, il s’agit d’une exaltation de l’hispanidad liée à cette prise de conscience, car l’avenir de la péninsule se joue au sud d’Algésiras, de l’autre côté du détroit.
Lire aussi : Brahim Ghali, Sahara, Sebta et Melilla… Pourquoi le torchon brûle entre le Maroc et l’Espagne, selon Jeune Afrique
Mais cette colonisation, note-t-il, sera une colonisation «pauvre, sans les outils financiers et militaires pour l’accomplir», rappelant que quand éclate l’interminable guerre du Rif, l’armée espagnole est écrasée et surtout humiliée sur le plateau d’Anoual par les tribus d’Abdelkrim et la reconquête dévastatrice ne sera possible que grâce aux Français.
«L’Espagne est saignée et n’occupe en réalité que les côtes. Au sud, au Rio de Oro, le tableau a des allures d’étouffoir. Jusqu’à leur retrait en 1975, les Espagnols patrouillent, surveillent, répriment, exploitent un peu les phosphates de Boukraa, mais n’administrent presque pas et, surtout, ne créent rien», explique le directeur de Jeune Afrique.
A ses yeux, la «persistance du double lien d’allégeance et d’appartenance, tant religieuse que personnelle, des grandes tribus sahraouies au sultan du Maroc, s’explique aussi par cela: le joug, donc l’aliénation culturelle suscitée par une colonisation somnolente, fut ici beaucoup moins pesant que sous le protectorat français et n’engendra qu’un ersatz de sentiment national».
Vu de Rabat aujourd’hui, l’acte refondateur du pacte entre la monarchie et son peuple que fut la récupération du Sahara occidental est plus que jamais une évidence, souligne-t-il, faisant observer que les notions d’autodétermination et de libération de l’ex-colonie espagnole ne sont pas recevables aux yeux d’une majorité écrasante de Marocains. Qui s’oppose à la cause sacrée se met en dehors de la communauté nationale, les Sahraouis sont marocains et la question est réglée parce qu’elle ne peut pas être posée.
Quant à l’Algérie, elle a «créé» le Polisario dans l’unique but de s’ouvrir un débouché sur l’Atlantique par «petit vassal interposé».
«Le débat s’arrête là», tranche François Soudan, qui souligne que l’Espagne, elle, est dans une position «ambiguë».
Lire aussi : Maroc-Espagne: la crise sera longue
«Si plus personne ne cultive la nostalgie de l’époque où le Tercio montait la garde sur les fortins d’El Aaiún ou de Villa Cisneros, la double culpabilité d’avoir abandonné à leur sort la poignée de militants sahraouis indépendantistes et de ne pas être parvenu à se ménager un État sous influence ibérique à quelques encablures des îles Canaries irrigue encore la classe politique, les ONG, les médias et une partie de l’opinion», écrit-il.
«Entre ces deux vieilles nations où le sentiment national repose sur la terre, sur les morts et sur le sang versé transmis par hérédité, les relations ne peuvent être que passionnelles. Surtout quand revient à chaque crise cette odeur d’istiamar («colonialisme») que les Marocains sont si prompts à détecter», conclut-il.