Dans son émission quotidienne «Le Monde est à nous», la radio française France Info a estimé que l’Algérie, en fermant le GME, veut emboîter le pas à la Russie de Poutine, en utilisant le gaz comme moyen de pression.
«L'Algérie ne sait plus quoi faire pour enquiquiner son meilleur ennemi. Cet été, le gouvernement a même accusé le Maroc d'être responsable des incendies qui ont fait une centaine de morts en Kabylie. C'était plus pratique que de parler réchauffement climatique ou de reconnaître ses propres carences en matière de pouvoirs publics», note la journaliste Isabelle Labeyrie.
Evoquant le communiqué conjoint de l’ONHYM et de l’ONEE, publié hier dimanche 31 octobre, France Info souligne que «même si les deux centrales qui fonctionnent grâce au gaz algérien s'arrêtent, le consommateur ne s'en rendra pas compte. Le Maroc dispose d'une capacité de production électrique qui couvre largement ses besoins. Le nouveau gouvernement d'Aziz Akhannouch discute également avec Madrid pour que l'Espagne renvoie du gaz au Maroc par le même gazoduc».
De son côté, le journal espagnol La Razon met en avant les solutions alternatives dont dispose le Maroc pour faire face aux retombées de la décision unilatérale du régime d'Alger. Parmi les pistes plausibles figure le scénario d’inversement des flux (reverse flow), pour lequel des négociations sont en cours, de sorte à pouvoir importer le gaz à partir de l’Espagne via le même gazoduc.
Le quotidien espagnol rappelle au passage le lancement par le Maroc d’un appel d’offres pour la construction d’une unité flottante de stockage et de regazéification du gaz naturel liquéfié (FSRU).
Pour La Razon, la décision de l'Algérie pourrait être interprétée comme «une forme de pression sur l'ONU suite à la résolution récente sur le Sahara occidental qui, finalement, a favorisé la position de Rabat favorable à une solution de dialogue, à travers des tables rondes, et non un référendum d’auto-détermination, comme le souhaitaient Alger et le front du Polisario».
Lire aussi : Le président Tebboune officialise l'arrêt du Gazoduc Maghreb-Europe
Pour l’agence de presse française AFP, il ne fait aucun doute que des raisons politiques sont derrière la non reconduction du contrat du gazoduc.
«Fin août, l'Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, invoquant des actions hostiles du Royaume, une décision complètement injustifiée, selon Rabat. La crise a éclaté peu après la reprise des des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël», rapporte AFP.
«Les conséquences pour la consommation locale sont marginales dans la mesure où le Maroc a une capacité de production électrique qui couvre largement ses besoins. Même si les deux centrales de Tahaddart et Aïn Beni Mathar se mettent à l’arrêt, cela n’aura pas d'impact», a ajouté la même source, citant expert du secteur de l'énergie.
El Pais s’interroge sur l’impact de cette décision sur l’Espagne qui doute encore de la fiabilité des garanties algériennes concernant la compensation des quantités livrées jusqu’ici via le GME.
«Ce n'est que lorsque l'hiver sera passé qu'il sera possible de savoir si l'Algérie est en mesure d’honorer ses promesses…Nous ferions une erreur si nous pensons que la fermeture du gazoduc viserait ou concernerait uniquement le Maroc. Car c'est aussi un message pour l'Espagne. Cette mesure nous rend plus vulnérables par rapport à l'Algérie», relève le journal espagnol, citant une source qui a suivi de près les négociations tripartites sur le gazoduc.
Energy Voice abonde dans le même sens: «On ne sait pas si l'Algérie sera en mesure d'étendre ses livraisons de gaz directement à l'Espagne pour compenser l'arrêt du GME. Cette décision intervient alors que l'Europe est confrontée à une crise croissante de l'approvisionnement en gaz», écrit le site britannique spécialisé dans les secteurs énergétiques.
Les mêmes craintes ont été exprimées par la rédaction de Politico qui s’attend à une hausse inéluctable des prix. «Bien qu'Alger ait assuré à Madrid qu'elle continuerait à lui fournir du gaz via le gazoduc Medgaz, qui traverse la Méditerranée, et avec des navires de GNL, les analystes ont exprimé des doutes sur le fait que l'infrastructure restante suffise à répondre à la demande. Même si c'est le cas, les prix du gaz naturel devraient augmenter encore plus, ce qui n'est pas souhaitable compte tenu de l'impact des combustibles fossiles sur les prix de gros de l'électricité», explique Politico.
Lire aussi : Réaction marocaine à la non-reconduction de l'accord sur le GME par le régime algérien: "Un impact insignifiant"
Invité de la chaîne d'information française, France 24, Kamil Sari, économiste et président de l'Institut euro-maghrébin d'études et de prospectives ne mâche pas ses mots. Selon lui, l’Algérie a choisi d’opter pour une stratégie perdant-perdant. «Tous les experts mettent en doute les promesses algériennes et la capacité du gazoduc Medgaz à satisfaire la demande espagnole», poursuit Sari, en citant le quotidien économique spécialisé Les Echos qui n’exclut pas une hausse sensible des prix d’électricité.
L’Algérie manque de pragmatisme, a ajouté Sari, en donnant l’exemple de l’Allemagne qui, malgré le conflit et les sanctions européennes imposées à la Russie, n’a pas hésité à se lier à Moscou via le nouveau gazoduc Nord Stream 2.
D'autres experts affirment que la décision irrationnelle du régime algérien va immanquablement porter préjudice à court et à long terme à la Sonatrah, en ouvrant le marché espagnol et portugais à d'autres fournisseurs.