Le traitement médiatique accordé par une certaine presse française au séisme qui a frappé le Maroc a choqué les Marocains, à raison. Car plutôt que de se concentrer sur le terrible drame humain que vit le pays, saluer le travail titanesque accompli sur le terrain, jour et nuit, par les équipes de sauvetage dans un relief extrêmement difficile, ou encore mettre en lumière l’incroyable élan de solidarité nationale qui anime chaque Marocain, de nombreuses publications et plateaux de télévision préfèrent depuis la nuit du drame politiser cette catastrophe naturelle.
La titraille de ces journaux en dit long, «Aidez-nous, nous mourrons en silence», titrait sans vergogne Libération, dans son édition du 11 septembre, tandis que le JT de TF1 s’interrogeait le même jour: «Le Maroc peut-il s’en sortir sans la France?». De leurs côtés, les chaînes d’information en continu multiplient les sujets polémiques et politiques visant le Maroc. Du Sahara atlantique, à l’affaire «Pegasus», en passant par l’immigration et le conflit avec l’Algérie… on fait feu de tout bois pour mieux nourrir ce qui constitue, selon cette presse, le vrai problème: les tensions franco-marocaines.
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Le seul sujet de préoccupation de cette presse indécente repose donc sur une question qui revient comme une pénible litanie: «Pourquoi le Maroc n’accepte-t-il pas l’aide de la France?». Une question, qui en plus d’être déplacée en ces circonstances, ne repose sur aucun fondement, mais plutôt sur des susceptibilités incongrues, le Maroc ayant reçu des propositions d’aides d’une soixantaine de pays et en ayant accepté jusqu’à présent quatre, celles de l’Espagne, du Qatar, du Royaume-Uni et des Émirats arabes unis, sans pour autant que les autres pays alliés et amis (pour la plupart) ne s’en offusquent.
Quand les tensions politiques ne sont pas mises en exergue, les médias français donnent la parole de façon bien sélective à une population hébétée, choquée, qui a tout perdu, sans tenir compte de la détresse de ces personnes, de l’épreuve qu’elles viennent de traverser, des pertes de leurs proches. Ces médias se réfugient à bon compte derrière la fragilité de ces survivants soigneusement sélectionnés pour dire qu’ils sont abandonnés, livrés à eux-mêmes…
Pour mesurer la dérive d’un journalisme qui «fait son beurre» en instrumentalisant des drames humains, pour mieux faire souffler un vent de discorde, que ce soit entre la France et le Maroc, mais aussi au sein même du Maroc, entre les Marocains et les institutions de leur pays, il convient de comparer le traitement médiatique fait par les médias d’autres pays, notamment les États-Unis.
D’un côté, la majorité de la presse hexagonale qui parle uniquement des trains qui n’arrivent pas à l’heure, allant même jusqu’à souffler des retards, en se focalisant sur le désarroi de populations qui n’avaient pas encore vu de secours à date, tout en faisant abstraction du sujet fondamental que constitue l’effondrement des routes qui retarde l’avancement des secours, l’éboulement de flancs entiers de la montagne. Ne mentionnant à aucun moment l’aide aéroportée ni les personnes évacuées par hélicoptère.
De l’autre côté de l’Atlantique, un autre son de cloche, relayé en l’occurrence par un reportage réalisé sur le terrain par la chaîne américaine de référence CNN, qui témoigne de cet écart sidéral dans la pratique journalistique dans le traitement du séisme qui a frappé le Maroc.
Envoyé spécial à Asni, village durement frappé par le séisme, le journaliste américain Sam Kiley a ainsi choisi de baser son reportage au sein d’un hôpital militaire de campagne déployé par les Forces armées royales (FAR) pour y accueillir les victimes du séisme. C’est ici, explique-t-il, «à Asni, qui se situe en contrebas des montagnes de l’Atlas, que les gens descendent des hauteurs à la recherche d’assistance médicale», explique le journaliste.
Déambulant au sein de l’hôpital de campagne, l’envoyé spécial poursuit sa description de l’endroit pour mieux témoigner des services qui y ont été déployés, lesquels attestent du savoir-faire et de l’expertise des FAR, sur le terrain, dans ce genre de situations. «C’est un hôpital très sophistiqué qui a été déjà été déployé à travers le monde, en République démocratique du Congo, en Jordanie et dans d’autres pays pour faire face aux urgences internationales. Mais ici, ce sont des urgences locales qui sont traitées», explique-t-il ainsi.
«Ils ont un service de radiologie, des laboratoires, des salles d’opération, des pharmacies ainsi que des cellules de soutien psychologique», énumère-t-il, dévoilant ainsi un envers du décor, à l’opposé de la vision tendancieusement misérabiliste de la presse française.
Un reportage, informatif, équilibré et non biaisé
Le journaliste américain s’attache ensuite à expliquer clairement la situation sur le terrain, faisant la lumière sur la difficulté des opérations de sauvetage dans des zones enclavées. «Le réel problème rencontré par les services de secours, là-haut dans les montagnes, où les besoins sont autrement graves, est que les routes ont été coupées. Les hélicoptères y sont envoyés pour apporter des aides et essayer de secourir des blessés, tenter d’évaluer la situation et se rendre compte de l’ampleur de cette catastrophe», constate le reporter.
Puis, comme dans tout reportage équilibré et non biaisé, le reporter n’omet pas de souligner aussi les avancées. «Il y a eu d’incroyables succès, car nous sommes toujours dans la période cruciale des trois jours durant laquelle les gens enterrés sous terre ont encore une petite chance d’être sauvés. Des gens ont été extraits des décombres dans le cadre de sauvetages miraculeux, à travers le pays, et spécialement dans ces zones très isolées», explique l’envoyé spécial de CNN.
Et de conclure sur l’impact psychologique de ce séisme: «Les médecins ont dit que l’une des choses les plus importantes à leurs yeux est l’aide psychologique, car tout le monde sait ici qu’après la réponse à l’urgence causée par cet énorme séisme, les onces de chocs psychologiques vont être ressenties par le pays pendant encore des années».