Vidéo. Exclusif. Affaire Bab Darna: les révélations de l’organisateur du salon de l’immobilier SMAP

Le360

Plusieurs victimes du groupe Bab Darna pointent du doigt la responsabilité du salon de l'immobilier Smap dans cette affaire d’escroquerie, qui a secoué le microcosme politico-économique du pays. Entrevue avec Samir El Chammah, PDG du Smap Events and Exhbitions.

Le 04/01/2020 à 16h12

Le Smap est le plus grand salon en Europe dédié exclusivement à l’immobilier marocain. Pour sa 16e édition, organisée en juin 2019 à Paris, l’événement a connu la participation de 35.000 visiteurs. 80 exposants représentant plus de 60 villes marocaines et 5 institutions bancaires y ont présenté leurs produits et services.

La réputation du Smap Immo est mise à rude épreuve depuis l’avènement de l’affaire Bab Darna. Et pour cause, la plupart des victimes comptant parmi les Marocains résidant à l’étranger (MRE) sont tombés dans le piège en visitant le stand réservé aux projets fictifs de Bab Darna au sein du Smap.

Le 360 a rencontré le PDG du groupe Smap, Samir El Chammah, alors qu’il était de passage à Casablanca. Selon lui, Bab Darna renvoie à un nouveau type d’affaires qui dépasse toute imagination. «Il s’agit d’un scénario machiavélique, digne d’un film de cinéma. Une escroquerie de haute couture, avec préméditation en bande organisée. Le promoteur a berné les collectivités locales, le grand public, les fournisseurs, les banquiers, des magistrats, des avocats».

Bab Darna, insiste El Chammah, a participé à une seule édition du Smap, celle organisée en 2018 à Paris et à Bruxelles. A cette date, se défend l’organisateur du salon, le groupe Bab Darna, présidé par Mohamed El Ouardi, avait pignon sur rue et bénéficiait d’une surexposition médiatique.

Cela dit, El Chammah reconnaît avoir été alerté par certains promoteurs immobiliers qui l’ont incité à se tenir en garde contre les intentions de Mohamed El Ouardi. «Ils étaient mécontents, car Bab Darna a présenté une offre commerciale agressive», se rappelle-t-il.

Suite à cela, El Chammah affirme avoir pris les devants en saisissant le groupe Bab Darna via une lettre, le contraignant à signer un engagement sur l’honneur à respecter un certain nombre de règles.

El Chammah nous montre la lettre-réponse du groupe immobilier, signée par le directeur général Othman El Boukfaoui en date du 19 juin 2018 (ce dernier a été arrêté il y a quelques jours en Côte d’Ivoire). Le groupe Bab Darna s’y engage à respecter les pratiques commerciales exigées aux exposants dans le cadre de la commercialisation des projets immobiliers, confirmant son engagement ferme au respect des deux conditions suivantes:

- Nos projets immobiliers qui seront exposés au stand du Smap Paris du 22 au 24 courant sont bel et bien autorisés.

- Conformément à la loi 107-12, nous nous engageons à fournir aux prospects potentiels l’autorisation de construire, le plan de construction, le plan de béton armé ainsi que le cahier des charges», lit-on dans la lettre.

A la question de savoir si Bab Darna a bel et bien montré ces documents aux visiteurs du salon, El Chammah répond: «celui qui a osé squatter des terrains appartenant à autrui n’aura pas de problème à montrer à tout moment de faux documents». Quant à l’absence de Bab Darna lors de l’édition 2019 du Smap, El Chammah nous explique qu’il n’a pas voulu «l’accueillir une deuxième fois, car il avait une offre agressive qui déplaisait aux autres promoteurs clients du Smap».

El Chammah trouve injuste que l’on stigmatise uniquement le salon organisé par ses soins. «Le Smap fait partie du plan médias de Bab Darna. Les victimes ont dû découvrir les projets dans d’autres supports médiatiques (spots TV, journaux, affiches publicitaires, etc)».

Les acquéreurs sont de plus en plus méfiants. Le Smap, poursuit-il, offre l’occasion de réaliser un premier contact entre les promoteurs et les clients. La formalisation des transactions se fait au Maroc, après que les clients aient pu faire les vérifications nécessaires.

Interrogé sur les manifestations qui ont marqué le Smap ces dernières années, organisées par les victimes d’un certain nombre de projets immobiliers, El Chammah minimise la portée de ces actions: «Le salon est devenu un défouloir pour certains clients qui veulent saisir la présence des officiels et la médiatisation du salon pour solutionner leurs problèmes. Le Smap fait partie de leur circuit, au même titre que l’ambassade, le parlement, etc».

Les campagnes publicitaires du Smap mettent en avant l’atout de la sécurisation des transactions. Ce qui n’a d'ailleurs pas empêché Bab Darna d’escroquer des dizaines de MRE parmi les visiteurs du salon. «Le Smap a une obligation de moyens de sensibilisation. Nous distribuons plus de 40.000 dépliants en plusieurs langues, en rappelant les dix règles d’or de l’acquéreur lors de l’achat d’un bien immobilier. Nous faisons également appel à des notaires bénévoles. Les consultations sont gratuites», se défend le promoteur du Smap.

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Par ailleurs, El Chammah tient à dédouaner de toute responsabilité le ministère de l’Urbanisme et de l'Habitat qui parraine les rendez-vous du Smap. «Smap Immo est considéré comme un événement qui rapproche les MRE de leur pays d’origine. Le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat nous a honoré de sa confiance et n’a pas un droit de regard sur les exposants. En règle générale, on considère que les promoteurs sont de bonne foi», soutient El Chammah.

L’affaire Bab Darna intervient à un moment où l’organisateur du Smap commence à sentir un regain de confiance, suite aux efforts fournis pour assurer la sécurisation des transactions immobilières (renforcement du programme de conférences, présence des notaires, etc). Elle risque de porter un coup dur à l’image de ce salon lancé il y a plus de 20 ans. «L’affaire Bab darna va nous faire reculer des années, alors que la situation était en train de s’apaiser. Nous en sommes nous-mêmes victimes. Nous avons subi un préjudice commercial mais surtout moral. Nous sommes en train d’étudier avec nos avocats la possibilité de porter plainte contre le promoteur de Bab Darna en France et au Maroc», conclut le PDG du groupe Smap.

Par Wadie El Mouden et Said Bouchrit
Le 04/01/2020 à 16h12