«La FNPI a depuis un bon moment mis en garde les autorités contre le groupe Bab Darna», a affirmé Anis Benjelloun, vice-président de la Fédération nationale de la promotion immobilière (FNPI). Ce dernier nous confirme que le déclenchement de cette crise était prévisible au vu des pratiques utilisées par le promoteur des projets fictifs de Bab Darna, Mohamed El Ouardi, aujourd’hui derrière les barreaux.
En juin dernier, le président de la FNPI, Kamil Taoufik, par ailleurs président du groupe parlementaire de l’alliance RNI-UC à la chambre des représentants, avait interrogé au parlement l’ex-ministre de la Communication, Mohamed Laaraj, sur la publicité frauduleuse accompagnant la commercialisation des projets de Bab Darna.
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En plus des réservataires lésés qui se comptent par centaines, Benjelloun met le doigt sur les conséquences systémiques entraînés par ce scandale, notamment sur la confiance de la population à l’égard des promoteurs immobiliers. C’est la raison pour laquelle la FNPI a décidé de se constituer partie civile dans le procès qui s’ouvre au tribunal correctionnel de Aïn Sebaâ. «Le président de la fédération a décidé de consulter les instances juridiques de la fédération pour étudier le dossier. Il s’agit de défendre l’image du promoteur, la réhabiliter et lui redonner la légitimité et la place qu’elle doit avoir au niveau de la société. Nous réprouvons ce genre de dysfonctionnements et sommes tout à fait solidaires avec les victimes», souligne Benjelloun.
Selon le représentant de la FNPI, Bab Darna s’est servi de la casquette de promotion immobilière pour s’adonner à des pratiques délictueuses, profitant d’un vide juridique dans le domaine des amicales d’habitation. «Il est inadmissible de vendre un bien sur la base de document qui ne sont pas autorisés. Les malversations évoluent. Il existe encore quelques brebis galeuses qui sèment le trouble dans ces dispositifs…Le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Il faudrait définir les rôles à jouer par chacun des départements ministériels concernés», reconnaît-il.
La loi sur la Vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) a été modifiée en 2016 pour mieux protéger les acquéreurs, mais rares sont les promoteurs qui l’appliquent. «La Vefa a été calquée sur le modèle français, malheureusement inadapté au Maroc», estime Benjelloun.
La FNPI appelle à une nouvelle révision de cette loi de manière à ce que la garantie à donner par le promoteur ne soit pas une garantie bancaire. «Ailleurs, la garantie est donnée par le bien lui-même qui est en cours de construction. J’invite le gouvernement à se concerter avec les professionnels du secteur pour établir une nouvelle loi réellement applicable et qui permettrait de stopper ce type de dérives», explique Benjelloun. Il y a lieu, poursuit-il, de réglementer la profession par la création d’un statut de promoteur, appuyé d’un agrément délivré par les autorités de tutelle.
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Par ailleurs, l’invité de Studio Le360 n’hésite pas à pointer du doigt la responsabilité des banques auprès desquelles le promoteur du projet Bab Darna a accumulé des centaines d’incidents de paiement, s’ajoutant aux 80 millions de dirhams de créances douteuses détenues par trois banques de la place. Ce montant a été communiqué par le wali de Bank Al-Maghrib lors de son dernier point de presse trimestriel.
«Actuellement, les banques accordent difficilement des crédits aux promoteurs et aux acquéreurs. Le secteur immobilier est en difficulté. Nous sommes à la fin des logements sociaux qui constituent le tiers de la production immobilière sur le territoire. Comment un tel personnage [le PDG du groupe Bab Darna, ndlr] a-t-il pu agir au vu et au su de tout le monde pendant toutes ces années sans attirer la curiosité des autorités de la place? Il y a de quoi se poser des questions», renchérit le vice-président de la FNPI.
Pour rappel, six personnes ont été arrêtées et sont poursuivies dans le cadre de l’affaire Bab Darna: Mohamed El Ouardi, le PDG du groupe, mais aussi son directeur commercial, sa directrice financière, un commercial et un comptable, en plus du notaire, sont sous les verrous.
Plus de 1.000 victimes réclament la restitution de leurs avances, déjà encaissées par les sociétés filiales du groupe Bab Darna.
Au total, ce sont plus de 400 millions de dirhams qui ont disparu. Plusieurs réservataires y ont même perdu toutes leurs économies, celles de toute une vie.