Viandes rouges: l’échec d’une politique d’importation coûteuse et inutile

Le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, a reconnu devant le Parlement l’échec de la politique d’importation de bétail, lancée pour contrer la flambée des prix . «Le gouvernement a lancé cette initiative en 2023 et 2024 pour renforcer l’offre en ovins, mais elle s’est avérée inefficace pour atteindre les objectifs visés», a-t-il concédé.

Revue de presseLa politique d’importation de bétail, lancée pour contrer la flambée des prix à l’approche de l’Aïd, s’est révélée inefficace, suscitant de vives critiques quant à sa gestion opaque et à son impact limité. Plusieurs ministres et partis dénoncent des irrégularités, un manque de transparence et un favoritisme accordé à certains opérateurs. Des voix s’élèvent pour réclamer une restructuration de la filière et un soutien ciblé aux petits éleveurs, dans l’optique de préserver la souveraineté alimentaire. Cet article est une revue de presse tirée de Finances News.

Le 14/04/2025 à 21h24

Face aux effets prolongés de la sécheresse ayant décimé le cheptel national, notamment ovin, le gouvernement marocain a tenté d’enrayer la hausse des prix en recourant à l’importation de bétail, soutenue par des exonérations fiscales et des subventions. Cette initiative, censée soulager le marché à l’approche de l’Aïd Al-Adha, fait aujourd’hui l’objet de vives critiques, tant en raison de son inefficacité que de son opacité, comme le résume le magazine Finances News Hebdo.

Le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, a reconnu devant le Parlement l’échec de cette mesure. «Le gouvernement a lancé cette initiative en 2023 et 2024 pour renforcer l’offre en ovins, mais elle s’est avérée inefficace pour atteindre les objectifs visés», a-t-il concédé.

Malgré un soutien public important, les prix ne se sont pas infléchis. Selon Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau, «seuls 18 importateurs ont bénéficié d’une enveloppe de soutien conséquente, sans que cela ne se traduise par une baisse des prix». Une critique également relayée par Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, qui fustige un manque d’éthique. «Des marges excessives ont été réalisées sur un produit sensible pour les ménages. Des sanctions pourraient être envisagées», a-t-il déclaré.

Pour tenter de rétablir la confiance, le ministère de l’Agriculture a publié des données détaillées: 875 000 têtes importées en deux ans, pour un coût total de 437 millions de dirhams, répartis entre 156 importateurs. Les droits de douane et la TVA ont été suspendus afin de faciliter l’opération. Néanmoins, ces explications n’ont pas suffi à convaincre.

Le Parti du progrès et du socialisme (PPS) considère que cette politique «favorise les lobbies au détriment de la majorité» et critique le Plan Maroc Vert, qu’il accuse de privilégier les grands exportateurs au lieu de garantir la souveraineté alimentaire. De son côté, le Parti de la justice et du développement (PJD) exige l’ouverture d’une enquête parlementaire sur la gestion de cette opération et les éventuels conflits d’intérêts impliquant des proches du gouvernement.

Les professionnels du secteur dénoncent, eux aussi, des dysfonctionnements structurels. Cité par Finances News, Mohamed Dahbi, secrétaire général de l’Union générale des entreprises et des professions (UGEP), pointe des incohérences dans les déclarations ministérielles et appelle à une réforme en profondeur. «Il faut recentrer les aides sur les petits éleveurs, renforcer la transparence et revoir l’ensemble du circuit de distribution», affirme-t-il.

Il critique également l’échec du Plan Maroc Vert, évoquant une balance commerciale agricole déficitaire depuis 1974, ainsi qu’un manque criant de souveraineté sur des produits stratégiques tels que les viandes rouges, les céréales ou encore le sucre.

Pour Ali Ghanbouri, président du Centre de la prospection économique et sociale, «la problématique des importations est secondaire face à la vulnérabilité structurelle de l’agriculture marocaine aux chocs climatiques». Il plaide en faveur d’un plan stratégique à long terme visant à stabiliser les prix de l’aliment de bétail, soutenir les petits éleveurs, améliorer les infrastructures d’abreuvement et encadrer plus fermement le rôle des intermédiaires. «Il est aberrant que ces derniers captent jusqu’à 50 % du prix de vente pour un rôle minime, alors que les producteurs peinent à survivre. Il faut fixer des règles claires pour réguler le marché», martèle-t-il.

Par Lamia Elouali
Le 14/04/2025 à 21h24