Révision de l’ALE Maroc-Turquie: quel impact pour les opérateurs du textile et de l'habillement?

La marque de prêt-à-porter turque LC Waikiki dispose de 34 magasins au Maroc.

La marque de prêt-à-porter turque LC Waikiki dispose de 34 magasins au Maroc. . DR

Selon l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH), la révision de l’Accord de libre-échange permettra de rétablir des règles de concurrence plus loyales entre les produits turcs et les produits marocains sur le marché local.

Le 12/10/2020 à 11h32

L’industrie textile marocaine est l’un des secteurs qui a le plus souffert de la concurrence turque depuis l’entrée en vigueur, en 2006, de l’Accord de libre-échange (ALE) entre le Maroc et la Turquie.

L’ALE a permis aux produits textiles turcs, plus compétitifs, d’inonder le marché marocain. Les exportations de produits textiles d’origine turque vers le Maroc (tissus et fil de coton, étoffes de bonneterie, vêtements confectionnés, et articles de bonneterie) n’ont cessé de progresser, pour atteindre 9,5 milliards de dirhams en 2018 (contre 7,8 milliards de dirhams en 2015), selon les données disponibles auprès de l’Office des changes.

Les professionnels locaux du textile, réunis au sein de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH), ont été parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme et à alerter les pouvoirs publics sur le dumping turc exercé à l’encontre de la production nationale par les exportateurs turcs. Ils accueillent donc avec satisfaction le projet de loi voté en Conseil de gouvernement la semaine dernière, portant révision de l’ALE Maroc-Turquie.

L’une des principales nouveautés de ce texte de loi, défendu par le ministre du Commerce et de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, est l’adoption d’une liste négative de plus de 1.200 produits, correspondant à 630 positions tarifaires, relevant de plusieurs secteurs, dont celui du textile-habillement.

«C'est un combat que l'AMITH, avec le soutien du ministère de l'Industrie, mène depuis plusieurs années», affirme, soulagée, Fatima-Zahra Alaoui , directrice générale de l'Association, jointe par Le360.

«Notre industrie se réjouit donc de cette révision qui permettra de rétablir des règles de concurrence plus loyale entre produits turcs et produits marocains dans notre marché», ajoute-t-elle.

Selon Fatima-Zahra Alaoui, «les mesures annoncées visent à réduire l'écart de compétitivité entre produits turcs et marocains», car à son avis, cet écart préjudiciable pour les industriels locaux est lié «aux importantes subventions dont bénéficient les produits turcs tout au long de la chaine de valeur, incluant la distribution». Une pratique, apparentée à du dumping, et assumée par Ankara qui a fait du développement des exportations et des implantations des marques turques à l’étranger un des piliers de sa stratégie économique.

«Vous rajoutez à ces subventions la dévaluation continue de la monnaie turque depuis 2 ans et cela vous donne un produit qui arrive sur le marché marocain à un prix défiant toute concurrence», souligne cette interlocutrice.

«C'est pourquoi, estime-t-elle, l'adoption d'une liste négative excluant les produits finis textiles du champ de l'accord permettra de rétablir des conditions de concurrence plus loyale sur le marché domestique», estime-t-elle.

Du côté des exportations marocaines vers la Turquie, l’ALE a été tout aussi dommageable que pour les importations. La directrice générale de l’AMITH rappelle en effet qu’«outre l’accroissement massif des importations turques au Maroc ayant considérablement affaibli l’industrie marocaine du textile, le potentiel à l’export de l’industrie marocain a également été remis en cause par la mise en place de barrières non-tarifaires empêchant les produits textiles marocains de pénétrer le marché turc».

L’ALE amendé entre le Maroc et la Turquie, qui entrera en vigueur une fois que le projet de loi achèvera son parcours législatif, permettra donc de rétablir un tant soit peu l’équilibre de la balance des paiements entre les deux pays, et de mettre fin à l’hémorragie de faillites et de pertes d’emplois dans le secteur textile, depuis une dizaine d’années.

«Un très grand nombre de PME et de TPME ont cessé leurs activités au cours des dernières années, entraînant une forte destruction d’emplois avec des conséquences directes au niveau local», déplore Fatima-Zahra Alaoui.

Selon le ministère de l’Industrie, le nombre d’emplois perdus par le Maroc dans le textile s’élève à 19.000 en 2014, 24.000 en 2015, 35.000 en 2016 et 44.000 en 2017.

Entre 2013 et 2014, une étude du Haut-Commissariat au Plan a noté une perte de 32.000 postes dans le secteur, soit une réduction de 7% en variation annuelle. Selon cette même étude, sur la période 2008-2014, la branche du textile a perdu environ 119.000 emplois.

Par Amine El Kadiri
Le 12/10/2020 à 11h32