Le 15 novembre 2024, Adil Ziady, président du groupe Akwa Africa, s’est rendu au port minéralier de Bargny-Sendou, à une trentaine de kilomètres de Dakar. «Officiellement, la visite visait à souligner l’engagement des opérateurs marocains dans l’économie sénégalaise. Officieusement, elle venait célébrer l’octroi d’une licence d’importation de produits pétroliers à Akwa Africa», indique le magazine Jeune Afrique. Pour ce dernier, il s’agit «d’une étape qui, loin d’être anodine, a été précédée d’un processus administratif pour le moins laborieux».
Car si la filiale sénégalaise de l’opérateur, Sedes SAU, a bien fini par obtenir l’aval de la Commission de régulation du secteur de l’énergie (CRSE), ce feu vert n’était pas gagné d’avance. «Déposée le 6 mai 2024 auprès du ministre de l’Énergie, Birame Soulèye Diop, la demande initiale de licence a rapidement été jugée incomplète par le régulateur, dix jours plus tard», lit-on. En cause, «l’absence de plusieurs pièces jugées indispensables pour attester de la capacité technique, financière et assurantielle de l’entreprise».
Selon le magazine, la CRSE a alors dû envoyer, le 13 juin, une demande formelle de compléments, exigeant entre autres une attestation bancaire, une couverture d’assurance, un justificatif de paiement des frais d’instruction et une preuve de renforcement des capacités techniques, écrit Jeune Afrique. Des exigences classiques, mais dont l’absence initiale interroge sur la qualité et le sérieux du premier dépôt. Selon Jeune Afrique, le groupe a mis près de trois mois à réunir les documents manquants, délai relativement long pour un opérateur expérimenté et disposant déjà d’un dépôt de 80.000 m³ sur le site de Bargny-Sendou.
«Ce n’est que le 10 septembre que la Sedes SAU a transmis un dossier consolidé», précise le magazine. Elle y promet notamment d’importer un volume annuel minimum de 20.000 m³ de carburant et produit une attestation de la Banque Atlantique garantissant un potentiel financement. Le business plan présenté, projeté sur cinq ans, convainc finalement la CRSE, qui accorde son aval le 14 novembre, à la veille de la visite diplomatique.
Cette implantation au Sénégal intervient dans le cadre d’une stratégie plus large d’Akwa Africa, bras énergétique du holding Akwa Group, propriété d’Aziz Akhannouch, chef du gouvernement marocain. Le groupe, déjà actif en Mauritanie après avoir repris les actifs de TotalEnergies, lorgnait un temps le Burkina Faso, avant de se retirer prudemment, évoquant des risques non spécifiés.
Le choix du Sénégal comme nouveau relais de croissance n’est pas anodin. Le pays, stable politiquement et doté d’un marché en expansion, constitue un hub régional stratégique. «Mais l’obtention de la licence, bien qu’ultimement justifiée par un dossier complet, soulève néanmoins des questions sur la rigueur initiale du processus, les ajustements tardifs apportés sous pression et la convergence entre intérêts publics et ambitions privées», souligne le magazine.