Le projet de loi sur les télécoms, hors zone au Parlement

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La nouvelle loi sur les télécoms peine à sortir du circuit législatif. Et à voir les gesticulations des partis de l’opposition, il faut redouter que son adoption ne traîne encore plus longtemps. Coulisses politiques et interrogations légitimes autour des blocages que rencontre un texte crucial…

Le 15/05/2015 à 02h57

À la veille du lancement de l’appel d’offres international pour l’octroi des licences 4G, Azzedine Montassir Billah, directeur général de l’Agence nationale de réglementation des télécoms (ANRT) nous expliquait, dans un entretien, les apports de la nouvelle loi sur les télécoms. Et si on le réécoutait, question de comprendre l’enjeu?

En octobre déjà, il était prévu que le projet de loi sur les télécoms soit discuté au Parlement, mais l’adoption de la Loi de Finances de même que les complications qui vont avec ont désactivé le processus. La loi sur les télécoms n’a finalement été soumise à la première Chambre que le 10 mars 2015. Et maintenant qu’elle s’est officiellement retrouvée dans le circuit législatif, il lui reste à en sortir. Pas évident, étant donné qu’elle est bien partie pour prendre de la poussière dans les tiroirs de cette Chambre. En témoigne, le report sine die de la réunion de la commission des Secteurs productifs qui était prévue pour le 6 mai courant pour examiner ce texte de loi.

Pis encore, dans les couloirs de l’Hémicycle, les manœuvres politico-politiciennes ont déjà démarré pour perturber le circuit d’adoption du projet de loi 121.12 soumis par le gouvernement. Les partis de l’opposition ont introduit une proposition de loi pour amender le même texte sur les télécoms. Et pour brouiller davantage les pistes, la contre-proposition a été adressée à une commission différente de celle qui est censée discuter le projet gouvernemental. «Le coup est tellement évident qu’il pourrait mériter le surnom "A qui va la commission?" dans la cafétéria du Parlement», nous explique un ancien député rodé aux manœuvres législatives. Et d’étayer;«Le projet de loi sur les télécoms se retrouve désormais au cœur d’une guerre de légitimité entre la “commission des Secteurs productifs" devant laquelle il a été soumis par le gouvernement et la “commission des Infrastructures“ à laquelle ont eu recours les groupes de l’opposition pour leur proposition d’amendement. Une manœuvre qui permet de jouer la montre en introduisant des tracas bureaucratiques».

Sur le fond, la proposition de l’opposition sonne comme une tentative de récupération politique. Outre une littérature indigeste en guise de préambule et un changement anodin de nomination de l’Agence, la proposition cherche à revoir le mode de gouvernance de l’ANRT pour lui donner une tonalité plus politique. Il s’agit en l’occurrence d’ouvrir la voie aux présidents des deux Chambres, celle de nommer quatre administrateurs sur les neuf membres du Conseil d’administration… Bref, de leur accorder la latitude de distribuer des postes et, au besoin, de «politiser le débat».

La signification et l’impact d’un tel mode de gouvernance ne sont pas à prendre à la légère. Il s’agit d’un secteur dans lequel le royaume s’est hissé en modèle. Il suffit de rappeler la loi révolutionnaire de 1996 qui a permis justement de créer la première agence de régulation moderne du Maroc, l’ANRT. Cette institution publique, considérée comme stratégique par la nouvelle Constitution, a jusque-là su préserver sa neutralité face aux tendances partisanes qui ont traversé le pouvoir exécutif du royaume ces dernières années. «Que ce soit sous le gouvernement technocrate de Jettou, ou celui dirigé par l’istiqlalien El Fassi ou encore aujourd’hui avec celui piloté par le PJD, l’ANRT a toujours su préserver son indépendance. Ce qui rend possible l'élaboration de stratégies à long terme qui permettent au Maroc, au niveau mondial, de rester à jour en matière de télécoms. Dernière illustration en date : la note d'orientation générake 2018», analyse un expert du secteur.

On peut se demander alors quelles sont les motivations des partis de l’opposition de se livrer à de telles manœuvres pour bloquer une réforme cruciale. Voir ce qui pourrait justifier l’attitude laxiste du ministère de tutelle, pourtant celui du fils prodige des télécoms, Moulay Hafid Elalamy, qui ne semble pas tellement déterminé à défendre sa loi et préfère se mettre en mode silencieux. Dernière question et non des moindres : à qui pourraient profiter une telle perte de temps et des résistances inutiles face à un virage technologique inévitable ?

Par Fahd Iraqi
Le 15/05/2015 à 02h57