Le Maroc reste l’un des pays les plus attractifs d’Afrique en matière d’investissements directs étrangers (IDE). Pourtant, derrière cette façade de stabilité et de potentiel, les chiffres récents publiés le 19 juin par ONU Commerce & Développement (ex-CNUCED) révèlent une tendance préoccupante, alerte le quotidien Les Inspirations Eco. Les flux nets d’IDE vers le Royaume poursuivent leur déclin, atteignant à peine 1,64 milliard de dollars en 2024, contre 3,6 milliards en 2018. Soit une chute de plus de 54% en six ans.
Cette baisse, qui s’inscrit dans la durée, interpelle à plusieurs niveaux. Elle contraste fortement avec les ambitions du pays en matière d’industrialisation, d’exportations et d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Elle remet aussi en question l’efficacité des politiques d’attractivité mises en place depuis une décennie, notamment à travers les stratégies sectorielles (Plan d’accélération industrielle, Green Morocco Plan, Maroc Digital...).
À première vue, les données de l’Office des changes peuvent prêter à confusion. Celui-ci fait état de 4,34 milliards de dollars d’IDE bruts en 2024, un montant en hausse par rapport à l’année précédente. Mais ce chiffre englobe plusieurs composantes (prises de participation de plus de 10%, réinvestissements de bénéfices, prêts intra-groupes), ce qui dilue la lecture réelle des flux entrants.
En revanche, l’indicateur retenu par les Nations unies (les flux nets d’entrées de capitaux étrangers productifs) donne une image plus précise de la capacité du Maroc à attirer des capitaux frais, mobilisés pour de nouveaux projets. Or, ces flux ne cessent de s’éroder depuis la fin de la décennie 2010.
À cela il y a des raisons, dont la montée des incertitudes mondiales. Guerre en Ukraine, inflation persistante, tensions commerciales... Les entreprises internationales investissent moins à l’étranger, et de manière plus sélective. Les pays émergents perçus comme risqués ou peu lisibles sur le plan réglementaire en font souvent les frais. Autre facteur, une concurrence régionale exacerbée. L’Égypte, par exemple, capte à elle seule près de 50% des IDE vers l’Afrique grâce à des méga-accords de financement et des zones économiques spéciales. Le Maroc, bien que stable, peine à rivaliser sur l’agressivité fiscale ou les incitations directes.
S’y ajoutent les rigidités administratives internes. Plusieurs investisseurs déplorent la lenteur des procédures, le manque de coordination entre administrations et l’insuffisance de certaines infrastructures de soutien (zones industrielles mal connectées, retards dans les ports secondaires...), sans oublier le fléchissement dans l’exécution des grands projets. Certains chantiers structurants (centrales solaires, infrastructures ferroviaires, parcs industriels) connaissent des retards ou des incertitudes de financement, ce qui pèse sur la perception des investisseurs.
Malgré cette dynamique baissière, le Maroc conserve des fondamentaux solides: un cadre macroéconomique maîtrisé, une ouverture commerciale assumée, une stabilité politique rare dans la région et un réseau d’accords de libre-échange qui couvre plus d’un milliard de consommateurs.
Le stock d’IDE s’élève à 61,5 milliards de dollars, un signe de confiance structurelle, et les flux restent soutenus dans les secteurs de l’automobile, des énergies renouvelables, de l’aéronautique, des services numériques et de la finance. Surtout, plusieurs relais de croissance peuvent être activés. Le quotidien cite le Mondial 2030, qui implique des investissements massifs en infrastructures, hôtellerie, transport et télécommunications. Dans le même esprit, la stratégie hydrogène vert, qui positionne le Maroc comme futur hub énergétique régional. Sans oublier le développement du rail et du fret logistique, clés pour attirer des industries à fort ancrage territorial.