L’agence plante d’emblée le décor: le récent budget rectificatif du Maroc pour l’année 2020 prévoit le plus grand déficit budgétaire et la plus importante contraction du PIB jamais enregistré par le Royaume depuis des décennies.
La loi de finances rectificative prévoit en effet une détérioration du déficit budgétaire pour 2020 à 7,5% du PIB, soit son niveau le plus élevé depuis au moins trois décennies, et près du double de l'objectif budgétaire initial de 3,8% (hors recettes de privatisation) et de 3,9% de déficit enregistré en 2019.
La révision à la baisse du solde budgétaire reflète une combinaison d’une baisse de 18,6% (environ 4% du PIB) des recettes fiscales par rapport aux projections initiales, une augmentation modérée de 5% (2% du PIB) des dépenses budgétaires, ainsi qu’une contraction de 5% du PIB.
Cette prévision prend en compte «d’importantes» subventions extérieures et intérieures couvrant les deux tiers du fonds spécial Covid-19 de 33 milliards de dirhams (3% du PIB), limitant par conséquent le coût budgétaire de la lutte contre la pandémie.
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«Cela est globalement en ligne avec à nos attentes concernant les répercussions du choc lié à la pandémie de coronavirus sur l’économie et les finances publiques du pays», indique Fitch Ratings.
«Nous considérons que les projections budgétaires révisées et les hypothèses économiques sous-jacentes du gouvernement sont globalement réalistes, et nous attendons des autorités qu'elles s'efforcent d'empêcher une nouvelle détérioration du déficit budgétaire, conformément à leur adhésion de longue date à des politiques prudentes», observe par ailleurs l’agence de notation.
Néanmoins, poursuit l’agence, l’apparition récente de nouveaux clusters de contamination dans certaines zones industrielles, met en évidence l'incertitude entourant la durée et l'ampleur de la pandémie.
Par ailleurs, les trois quarts des 33 milliards de dirhams du fonds spécial Covid-19 ont déjà été dépensés ou été promis, ce qui, selon Fitch Ratings, ne manquera pas de provoquer de nouvelles pressions sur les finances publiques au cas où la pandémie provoquerait de nouvelles perturbations.
Et d’ajouter: le budget révisé ne contient aucune mesure fiscale majeure, mais vise essentiellement à soulager l’économie, tout en limitant la hausse des dépenses.
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Selon Fitch Ratings, des dépenses équivalentes à 1,5% du PIB seront destinées à soutenir la reprise économique, tandis que le mécanisme des garanties d'Etat sur les prêts bancaires aux PME a été renforcé.
Le budget révisé augmente également les dépenses d'investissement du gouvernement de 22% indique l’agence. L'augmentation des dépenses de santé et d'autres biens et services est compensée par des économies sur la masse salariale et d'autres dépenses récurrentes, ainsi que par des dépenses plus faibles en subventions au gaz butane, car les prix internationaux devraient désormais être inférieurs de 17% aux hypothèses budgétaires initiales.
Toujours au chapitre des dépenses, le gouvernement a également alloué 16 milliards de dirhams (1,5% du PIB) pour soutenir les entreprises publiques, dont 6 milliards de dirhams consacrés au renforcement de la compagnie aérienne nationale, Royal Air Maroc.
Quant à la dette totale des entreprises publiques, elle est jugée «élevée» par l’agence, puisqu’elle représente environ 25% du PIB, dont une partie importante est garantie par l'Etat.
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«Nous estimons les besoins bruts du Trésor à 146 milliards de dirhams (13,4% du PIB) et prévoyons que le plan de financement du gouvernement sera également réparti entre les sources intérieures et extérieures. L'augmentation des emprunts conduira la dette du Trésor à atteindre 72% du PIB en 2020 contre 65% en 2019», affirment les analystes de l’agence.
En avril dernier, l’agence Fitch Ratings, l’une des trois principales agences de notation au monde, avait abaissé la perspective de la notation souveraine du Maroc (BBB-) de «stable» à «négative», en raison du grave impact de la pandémie sur l'économie et sur les finances publiques.
Une détérioration supplémentaire des indicateurs macroéconomiques du Royaume pourrait conduire l’agence à réviser à la baisse la notation souveraine du Royaume. C’est donc l’«Investment grade» du Maroc, qui lui permet de lever de la dette sur les marchés internationaux dans des conditions de financement intéressantes, qui est actuellement en jeu.