La révision des perspectives de l’économie marocaine reflète le coup durement porté par la pandémie de coronavirus. Dans son dernier rapport sur le Maroc, l'agence de notation Fitch estime que le Covid-19 provoquera la plus forte baisse du PIB en 25 ans, outre une dégradation des déficits et des ratios d'endettement. L'ampleur du choc se traduira par une augmentation du risque lié au crédit souverain, ce qui devrait entraîner un renchérissement du coût d’une éventuelle nouvelle sortie du Trésor sur le marché international.
La baisse des exportations, des recettes du tourisme et des transferts des MRE générera un doublement du déficit du compte courant à 8,3% du PIB en 2020, contre un niveau déjà élevé de 4,1% en 2019, poursuit la même source. Le Maroc sera directement impacté par la récession de l’économie de la zone euro (-7%) qui représente 60% des exportations, les deux tiers des transferts MRE, la moitié des investissements directs étrangers (IDE) et les trois quarts des arrivées de touristes.
L'effondrement des voyages internationaux affectera le secteur du tourisme au Maroc, lequel contribue directement à hauteur de 10% au PIB. Les perturbations des chaînes de valeur mondiales et la crise du transport aérien porteront également préjudice aux secteurs émergents de l'automobile et de l'aéronautique qui représentent la plus grande part des exportations (40% en 2019).
La forte baisse des prix du pétrole, la suspension des investissements à forte intensité d'importations et l'augmentation des subventions étrangères devraient limiter la détérioration du solde du compte courant, estime Fitch.
Le déficit du compte courant sera financé principalement par des emprunts extérieurs, ce qui portera la dette extérieure nette à 27% du PIB en 2021, contre 16,8% en 2019. Les emprunts auprès des créanciers internationaux couvriront environ les deux tiers des déficits accumulés en 2020-2021. Fitch s'attend à ce que le gouvernement signe un nouvel accord avec le FMI pour une nouvelle Ligne de précaution et de liquidité (LPL). Une reconduction de l’eurobond à cinq ans, d’un montant d’un milliard d’euros, n’est pas exclue.
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Le choc lié au coronavirus pourrait augmenter les besoins de soutien gouvernemental aux entreprises publiques dans les secteurs de l'eau, de l'énergie et des transports, bien que certaines grandes entreprises publiques aient des bilans solides. En mars, le ministère des Finances a signé une lettre pour rassurer les créanciers de Royal Air Maroc, poursuit l'agence Fitch. La dette des entreprises publiques est relativement élevée, environ 25% du PIB, dont 14% du PIB sont garantis par le Trésor.
Le PIB du Maroc devrait se contracter de 4,5% en 2020, mettant ainsi fin à 22 années de croissance continue, prévoit Fitch.
La détérioration du contexte extérieur sera aggravée par les perturbations de l'activité dans les secteurs non marchands suite à un blocage de deux mois pour endiguer la propagation de la pandémie. Pendant ce temps, une pénurie de précipitations pendant la majeure partie de la saison agricole actuelle aura un impact sur la récolte de céréales, entraînant une contraction du PIB agricole.
L'activité économique rebondira à mesure que l'économie mondiale sortira du choc pandémique, aidée par l'économie diversifiée du Maroc et les plans de développement et d'industrialisation en cours. Le PIB devrait croître de 6% en 2021, grâce à une normalisation des récoltes céréalières, à la reprise des projets d'infrastructure, à l'expansion continue de l'offre manufacturière et à la lente reprise du tourisme et du commerce mondiaux.
Le choc économique devrait entraîner une détérioration de la qualité des actifs bancaires. Fitch considère que les coussins de fonds propres étaient serrés avant le choc, compte tenu des risques liés à la concentration relativement élevée du portefeuille de prêts et à l'expansion à l'étranger des banques dans les pays où l'environnement opérationnel est plus faible. Le risque de tout besoin d'aide gouvernementale aux banques est quelque peu atténué par les initiatives réglementaires de Bank al-Maghrib (BAM) pour améliorer la couverture du capital et le suivi des risques liés aux actifs. L'amélioration de l'offre de liquidité et l’assouplissement réglementaire de BAM devraient atténuer le risque de resserrement du crédit, conclut Fitch.