Distribution automobile: une reprise tirée par la demande et la diversification

Un marché automobile marocain en pleine croissance.

Avec plus de 208.000 véhicules vendus à fin novembre 2025, en hausse de 35,3% sur un an, le marché automobile marocain retrouve une dynamique de premier plan en Afrique. Soutenue par la reprise mondiale, la vigueur de la demande intérieure et une distribution structurée, cette accélération confirme le rôle du secteur comme baromètre avancé de l’économie nationale.

Le 16/12/2025 à 14h27

Après plusieurs années marquées par les ruptures d’approvisionnement et les tensions inflationnistes, le secteur automobile mondial a renoué avec une trajectoire de croissance en 2024. Selon les données compilées par l’OICA et relayées par BMCE Capital Global Research, les ventes mondiales ont atteint 95,3 millions de véhicules, en progression annuelle de 2,7%, dans un contexte de croissance mondiale modérée estimée à 3,1% par la Banque mondiale. Cette reprise est principalement tirée par la Chine, l’Europe et l’Amérique du Nord, tandis que plusieurs marchés émergents retrouvent progressivement leurs niveaux d’avant-crise.

Le Maroc s’inscrit pleinement dans cette dynamique globale. Portée par une croissance économique nationale estimée à 3,8% en 2024 selon le Haut-commissariat au Plan, l’économie marocaine bénéficie d’une demande intérieure plus résiliente, soutenue par la reprise du BTP, la progression des crédits à la consommation et l’assouplissement progressif des conditions monétaires par Bank Al-Maghrib, avec un taux directeur ramené à 2,25% en 2025.

Avec 176.401 véhicules neufs vendus en 2024, en hausse de 9,2% sur un an, le marché automobile marocain a quasiment retrouvé son pic historique de 2018. Cette performance permet au Royaume de consolider sa position de deuxième marché automobile africain, derrière l’Afrique du Sud, et loin devant l’Égypte, pénalisée par les déséquilibres macroéconomiques et la dépréciation de sa monnaie.

La croissance a été particulièrement marquée sur le segment des véhicules utilitaires légers, dont les ventes ont progressé de 18,8% à 19.262 unités, traduisant le redémarrage du transport touristique, de la logistique et des services. Les véhicules particuliers, cœur du marché, ont également progressé de 8,2%, à 157.139 unités, confirmant le retour de la consommation automobile des ménages.

Cette dynamique commerciale repose sur une architecture de distribution relativement mature. Le marché marocain est structuré autour d’une vingtaine d’opérateurs majeurs, membres de l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM), représentant plus de trente marques couvrant l’ensemble des segments, du véhicule économique au très haut de gamme.

Les groupes historiques, à l’image d’Auto Hall, Auto Nejma, la Centrale Automobile Chérifienne, SMEIA ou encore Tractafric Motors, cohabitent désormais avec de nouveaux acteurs et de nouvelles marques, notamment asiatiques. La recomposition récente du secteur, marquée par l’acquisition de Sopriam par Stellantis ou la reprise de Renault Group Maroc par M-Automotiv, a renforcé la capacité d’investissement, la couverture territoriale et la diversité de l’offre.

Dacia consolide son leadership, le VUL accélère

Dans ce paysage concurrentiel, Dacia a confirmé en 2024 son statut de leader incontesté sur le segment des véhicules particuliers, avec 39.331 unités vendues et une part de marché de 25%. Produite partiellement au Maroc, la marque bénéficie d’un positionnement prix adapté au pouvoir d’achat local et d’une image de fiabilité désormais bien installée.

Le marché reste néanmoins concentré, les dix premières marques représentant plus de 80% des ventes totales. Certaines enseignes ont enregistré des progressions à deux chiffres, tandis que d’autres, comme Hyundai ou Peugeot, ont connu un repli conjoncturel. Sur le segment des utilitaires légers, la croissance de près de 19% reflète un effet de rattrapage, mais aussi la structuration progressive des flottes professionnelles, notamment dans le tourisme et la logistique.

Autre mutation structurante, l’électrification du parc automobile marocain progresse à un rythme soutenu, bien que le marché reste encore émergent. En 2024, les ventes de véhicules hybrides, hybrides rechargeables et 100% électriques ont atteint 11.134 unités, soit 6,3% du marché total.

Les hybrides dominent largement ce segment, portés par Toyota, tandis que les hybrides rechargeables et les véhicules électriques connaissent une montée en puissance rapide, emmenée par des marques comme BYD et Dacia. Cette évolution traduit à la fois une diversification de l’offre, une sensibilité croissante aux coûts d’usage et une meilleure acceptation des motorisations alternatives par les consommateurs urbains.

Au-delà des véhicules particuliers, les marchés professionnels présentent des trajectoires différenciées. Les ventes de camions et d’engins BTP restent soutenues par l’intensité des chantiers d’infrastructures et de construction, comme en témoigne la forte progression des ventes de ciment en 2024. À l’inverse, le marché des tracteurs agricoles a reculé de 18% à 718 unités, pénalisé par la sécheresse persistante et la contraction des revenus agricoles.

Ces évolutions soulignent la forte corrélation entre la distribution automobile et les cycles sectoriels de l’économie nationale, renforçant la dimension macroéconomique du marché automobile marocain.

La rupture la plus significative intervient en 2025. À fin novembre, le marché a dépassé le seuil historique des 200.000 ventes, atteignant plus de 208.000 unités, soit une croissance annuelle de 35,3%. Les véhicules particuliers progressent de 34,9% et les utilitaires légers de 38,7%, confirmant une accélération généralisée de la demande.

Cette performance dépasse largement les projections initiales de l’AIVAM, qui anticipait une croissance supérieure à 5% pour l’ensemble de l’année. Elle devrait conduire à une révision à la hausse des perspectives annuelles, portée par la reprise du crédit, la dynamique touristique et l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché.

La percée des marques chinoises redessine la concurrence

Parmi les évolutions les plus marquantes figure la montée en puissance rapide des constructeurs chinois. En moins de deux ans, leur part de marché est passée de 1,4% au premier semestre 2024 à 4,8% au premier semestre 2025. Des marques comme BYD, Changan ou GWM affichent des croissances spectaculaires, parfois multipliées par dix en volume.

Cette percée repose sur un repositionnement technologique clair, axé sur l’électrification, la connectivité et un rapport prix-équipements compétitif. Elle modifie en profondeur les équilibres concurrentiels et pousse les distributeurs historiques à adapter leurs stratégies commerciales et industrielles .

Cette évolution est également visible chez les groupes cotés, comme Auto Hall, qui misent à la fois sur la reprise des volumes, l’amélioration progressive des marges et la valorisation de leur patrimoine foncier, devenu stratégique dans un contexte d’urbanisation accélérée.

Au-delà des chiffres, la distribution automobile redevient un indicateur avancé de la conjoncture nationale. La vigueur des ventes traduit le retour de la confiance des ménages et des entreprises, l’amélioration de l’accès au financement et la montée en puissance de nouveaux usages de mobilité.

À moyen terme, la trajectoire du marché dépendra de la poursuite de la croissance économique, de la stabilité des conditions financières et de la capacité des opérateurs à accompagner la transition énergétique. À ce stade, le marché marocain semble avoir tourné la page de la crise et s’inscrire dans un nouveau cycle de croissance, plus diversifié, plus concurrentiel et plus technologique, selon l’analyse de BMCE Capital Global Research.

Par Mouhamet Ndiongue
Le 16/12/2025 à 14h27