Agriculture: une réforme qui ne profite qu’aux grands

Un champ agricole.

Revue de presseFace à l’accélération du changement climatique et aux limites du modèle agricole traditionnel, le Maroc est confronté à un choix décisif: transformer en profondeur son agriculture ou risquer une marginalisation durable des petits exploitants. Entre réforme foncière, soutien ciblé et résilience climatique, une nouvelle vision inclusive devient urgente. Cet article est une revue de presse tirée de Finances News.

Le 25/05/2025 à 20h53

Pilier historique de l’économie nationale, l’agriculture marocaine demeure un secteur vital mais profondément vulnérable. Les sécheresses successives en sont un signal d’alerte criant. Elles fragilisent non seulement la production, mais aggravent aussi le chômage dans les zones rurales, révélant les failles structurelles du modèle agricole actuel, indique le magazine Finances News Hebdo.

Avec près de 90% des exploitations agricoles classées comme petites ou moyennes, la majorité détenant moins de trois hectares, le tissu agricole reste dominé par une agriculture familiale, peu mécanisée et encore largement attachée à des pratiques traditionnelles. Ces exploitants, véritables piliers du monde rural, peinent à suivre le rythme des mutations technologiques et économiques.

Pour moderniser le secteur, le Maroc a lancé deux stratégies ambitieuses: le Plan Maroc Vert (PMV) en 2008, puis Génération Green. Si ces programmes ont dynamisé certaines filières exportatrices, les résultats restent inégaux, notamment pour les petits fellahs, souvent laissés en marge des dispositifs d’appui, lit-on.

«Le PMV s’est focalisé sur la chaîne de valeur agricole, de la production à l’export, sans intégrer suffisamment les besoins fondamentaux du monde rural: infrastructures de base, accès au financement, soutien administratif», déplore Abdelmoumen Guennouni, ingénieur agronome, cité par Finances News. Routes, barrages, stations de conditionnement, mais aussi lois adaptées au terrain et financement inclusif sont encore insuffisants.

Beaucoup de petits agriculteurs vivent dans la précarité, parfois au seuil de pauvreté, enfermés dans l’informalité et privés d’accès aux aides publiques ou à l’encadrement technique. Pour les sortir de l’impasse, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) appelle à un plan d’action dédié aux petites et moyennes exploitations, avec une approche territoriale fine et adaptée aux réalités locales.

L’un des freins majeurs reste le morcellement foncier, souvent en indivision, qui bloque les projets d’investissement. «Sans titre clair ni accord entre copropriétaires, impossible d’obtenir un crédit ou une autorisation», souligne Guennouni. Le CESE recommande ainsi de favoriser le regroupement des exploitants en coopératives, afin d’optimiser la mécanisation, la gestion des intrants et l’accompagnement technique.

Autre levier stratégique: le choix des cultures et des élevages. Le CESE plaide pour des variétés agricoles et des races animales plus résilientes, mieux adaptées aux aléas climatiques, moins coûteuses à entretenir et plus rentables sur le long terme.

Enfin, la fracture numérique et administrative reste un obstacle majeur. Beaucoup d’agriculteurs sont peu ou pas alphabétisés, ce qui limite leur accès à l’information et aux outils numériques. Il devient urgent de simplifier les procédures et d’assurer un accompagnement de proximité pour garantir une véritable inclusion des petits producteurs dans la stratégie agricole nationale.

Par Walid Ayadi
Le 25/05/2025 à 20h53