La 71e édition de la Mostra de Venise a décerné Un Lion d’Or à Frederick Wiseman pour l’ensemble de sa carrière, une carrière d’un demi siècle. Aujourd’hui âgé de 84 ans, ce grand documentariste américain, au regard aiguisé et sans concession, est l’auteur de 40 films où il ne ménage pas la société américaine. Ses documentaires, en effet très critiques, mettent en exergue les dysfonctionnements d’un système dont Frederick Wiseman passe au crible les institutions inefficaces. Plus que cela, il s’est évertué à montrer à quel point, loin de remplir leur mission, certaines institutions censées être au service du citoyen faillissent à tous leurs devoirs jusqu’à en devenir inhumaines ou se heurtent à des drames insurmontables renvoyant abruptement le spectateur à sa condition humaine et à la tragique question de sa finitude. Hôpitaux, services sociaux, tribunaux pour enfants: le regard du maître de l’art du documentaire est d’autant plus abrasif qu’il se dote d’une objectivité redoutable en se faisant oublier. Pas de commentaires, pas de voix off, pas d’interviews, pas de musique. Le spectateur est plongé dans une réalité brute et nue, qui le happe. Un parti pris qui relève bel et bien d’une esthétique et fait des documentaires de Frederick Wiseman de véritables chefs-d’œuvre. Car, en réalité, c’est à un travail d’orfèvre qu’il se livre pour découper, monter les scènes et livrer au spectateur des tableaux sociaux s’autant plus cinglants de réalisme qu’il en aura extrait la substance au travers d’un savant dispositif porté par la force de sa sensibilité au monde.
Near Death, réalisé en 1989 dans le service des soins intensifs de l’hôpital Beth Israel de Boston ou Public Housing, tourné en 1997 et portant sur les habitants d’un ghetto noir de Chicago, font partie de ses documentaires les plus connus. Plus récemment, en 2012, il tournera un documentaire à l’université de Berkeley, en Californie. Il passera un semestre sur le campus de cette prestigieuse institution qui tente de rester digne de sa réputation et de maintenir son niveau d’excellence malgré les coupures budgétaires. Frederick Wiseman a par ailleurs deux oeuvres de fiction à son actif : Seraphita’s Diary, réalisée en 1982, et La dernière lettre, réalisée en 2002 et adaptée du roman Vie et Destin de Vassili Grossmann sans compter les multiples pièces de théâtre qu’il a dirigées ou mises en scène.
