Saida Birouk, figure emblématique et cofondatrice du groupe mythique Lemchaheb, revient sur son parcours artistique riche en engagements sociaux et en créations. Entre écriture et musique, elle puise son inspiration dans les réalités vécues par les femmes marocaines et arabes, sans oublier ses racines dans la chanson ghiwanie.
Dans cet entretien, elle évoque ses débuts, ses combats dans un univers masculin, sa vision du féminisme marocain et l’actualité du groupe, qui continue de faire vibrer plusieurs générations.
Le360: en plus de la chanson, vous avez publié des livres ces dernières années. Votre plume nourrit-elle votre carrière musicale?
Saida Birouk: l’écriture a été une étape très importante dans ma vie. Je n’avais jamais imaginé que je m’y mettrais un jour. Ce n’était pas prémédité. J’ai véritablement commencé en 2005, en publiant le texte que j’avais rédigé lors de la Marche verte. Écrire me procure une grande paix intérieure. Récemment, j’ai écrit l’histoire d’une jeune fille vivant dans les montagnes, pour évoquer les difficultés que rencontrent les femmes dans les zones reculées du Maroc.
En parallèle, j’ai toujours aimé les arts manuels, comme la couture. Lorsque je vivais à Marrakech, avec ma sœur, nous travaillions un tissu appelé Talss, que nous ornions de pierres. Je pratiquais également le tissage et la broderie rbatie.
«Grâce à la patience, la persévérance et la rigueur, j’ai surmonté toutes les épreuves. Ces difficultés m’ont inspirée de nombreux textes. Finalement, c’était un mal pour un bien»
— Saida Birouk
Vous abordez souvent des thèmes sociaux. Quelle est votre vision du féminisme marocain?
Pour moi, une femme doit s’instruire, se cultiver et avoir un métier. L’autonomie financière est essentielle. Mais je pense aussi qu’une femme qui n’a pas un niveau d’études élevé et qui travaille toute la journée pour un salaire misérable, en laissant ses enfants dans la rue, se met en difficulté. Dans ce cas, il serait préférable qu’elle apprenne un métier qu’elle puisse exercer depuis chez elle, tout en prenant soin de sa famille.
Comment avez-vous trouvé votre équilibre dans un milieu artistique majoritairement masculin?
Je ne vous cache pas que j’ai beaucoup souffert au sein de Lemchaheb. Pas avec tous les membres, mais avec certains. Grâce à la patience, la persévérance et la rigueur, j’ai surmonté ces épreuves. Ces difficultés m’ont inspiré de nombreux textes. Finalement, c’était un mal pour un bien.
Aujourd’hui, on observe un regain d’intérêt pour la chanson ghiwanie, avec des concerts de Nass El Ghiwane et Lemchaheb. Que pensez-vous de ce come-back?
J’avais arrêté la chanson en 1976, puis j’ai réintégré la formation en août 2002. Tous les musiciens ont insisté pour mon retour, car j’étais l’une des fondatrices. Finalement, j’ai accepté. Depuis, nous avons effectué des tournées dans tout le Maroc. Beaucoup de parents font découvrir Lemchaheb à leurs enfants. Nous ne passons pas à la télévision, ce qui donne l’impression que nous avons disparu, mais en réalité nous avons toujours milité pour que la formation continue à vivre.
Quelle est la composition actuelle du groupe?
Aujourd’hui, il y a moi, Hamadi, ainsi que d’autres musiciens qui portent le flambeau: Nourredine Ikhwane, Abdelhaq Jawhari, Mimouni et Hassan Hassani.








