Un petit sourire se voulant ironique accroché aux lèvres, Saïd Sayoud, wali de la ville d’Oran, a illustré par ses propos un adage qui tombe bien à propos, «la culture, c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale».
Ainsi donc, à l’occasion d’une visite officielle au salon Batiwest, le wali d’Oran s’est arrêté sur le stand d’un exposant, qui pour la peine, il faut au moins lui reconnaître cela, n’a pas eu la malhonnêteté intellectuelle de se qualifier d’artisan.
Pourquoi s’arrêter sur ce stand en particulier? La raison crève les yeux. Sur la cloison de son stand, l’exposant algérien a collé des carreaux de céramique rappelant le maillot de l’équipe algérienne de football réalisé par Adidas Mena. Ce qui a valu à l’équipementier des poursuites judiciaires initiées par le ministère de la Culture marocain pour appropriation culturelle.
En effet, le motif ornant le maillot des footballeurs algériens, inspiré du Mechouar de Tlemcen, dixit l’équipementier sportif, est une reproduction du zellige marocain dans sa plus pure tradition et s’illustre notamment par une étoile symbolisant la dynastie mérinide. Faut-il rappeler que la dynastie mérinide a régné sur le Maroc entre le XIIIe et le XVe siècles, et que son empire intégrait notamment la ville de Tlemcen, écrin du Mechouar où s’illustre le talent des artisans marocains qui l’ont façonné, et restauré aussi d’ailleurs de 2003 à 2011, à la demande de feu Bouteflika qui avait recommandé, lors de l’inauguration de l’endroit «de s’imprégner du savoir-faire des pays voisins (le Maroc et l’Espagne) en la matière, et notamment du Maroc».
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Mais peu importe l’histoire pour le wali d’Oran, prêt à la balayer d’un revers de la main, méprisant tant qu’il s’agit d’asseoir un discours propagandiste qui plaira à la junte au pouvoir. «Où est-ce que ça a été fabriqué ?», demande le wali tout sourire à l’exposant. «Chez nous», lui répond-il, tout aussi jovial, avant de se voir demander un exposé historique sur la provenance de ce motif.
On attendait avec impatience d’assister à un cours magistral en règle sur l’origine de ce fameux «zellige algérien», en se demandant jusqu’où pouvait bien aller l’imagination de nos voisins dès lors qu’il s’agit de se créer un passé, mais pour toute réponse, l’exposant pseudo artisan n’aura que cette phrase à l’emporte-pièce: «c’est la culture algérienne». Ben voyons…
«Nous avons voulu la montrer ici à Batiwest» poursuit-il, en bon élève. Et le wali de rappeler que «le tricote (sic) de l’équipe algérienne a été travaillé avec ce motif-là». Autrement dit, on l’a utilisé donc, c’est à nous… CQFD. Et «ça, c’est à nous!», s’assure une énième fois l’officiel auprès de son interlocuteur qui répond à nouveau par l’affirmative, mais en précisant toutefois un fait qui ne sera pas relevé, bien que d’une grande importance: il s’agit «d’une production techno-cérame», s’enorgueillit-il.
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Ainsi donc, c’est toute honte bue que dans cette vidéo diffusée par Radio Oran, le wali de la deuxième ville la plus importante d'Algérie tente de faire passer des vessies pour des lanternes, en l’occurrence, en confondant du zellige, dont la spécificité est d’être taillé et assemblé à la main en mosaïques par des artisans, à des carreaux de céramique dont les motifs évoquant une mosaïque sont réalisés par impression.
Mais qu’à cela ne tienne, pour Saïd Sayoud, l’important est de faire son petit effet et de tenter de mettre le Maroc dans l’embarras, car c’est à cela que se cantonne aujourd’hui la politique algérienne. «Et quand on l’a mis sur notre tricot, ça ne leur a pas plu (aux Marocains). Mais c’est à nous! C’est à nous!», insiste-t-il à nouveau lourdement, sous les rires gênés de son interlocuteur qui reprend en chœur son leitmotiv, «oui, c’est à nous», avant de déclarer à la caméra être un spécialiste de «la faïence», un «art» qui existe selon lui en Algérie «depuis des centaines d’années», dans les kasbahs et les palais du bey. La faïence, une part de la «culture algérienne», annonce-t-il.
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Dans la même vidéo surréaliste, le wali déclare fièrement: «nous respectons notre héritage et nous respectons celui des autres», assurant qu’il était hors de question de faire l’impasse sur leur héritage et affirmant leur droit à l’exploiter sur les tenues de leur équipe nationale, ou de leurs bâtiments, sans que personne ne puisse contrevenir à ce droit. Et d’admirer la beauté de ce «zellige» (sic) algérien exposé pour l’occasion, et le travail des «artisans» algériens.
Ainsi donc, les représentants du système politico-militaire ne savent même pas distinguer entre le zellige et des carreaux industriels. Cette hérésie, sortie de la bouche d’un commis inculte, devrait nous tranquilliser sur notre patrimoine. La junte ne sait même pas ce qu’est le zellige dont elle proclame la paternité.