Doha Moustaquim, réalisatrice: «Comment Ouarzazate, le Hollywood d’Afrique, a marqué mes débuts»

Doha Moustaquim, la plus jeune réalisatrice au Maroc.

Le 22/01/2024 à 09h13

VidéoAprès ses débuts au 18ème Festival international du film panafricain de Cannes et au 22ème Festival du film national de Tanger, «Bye bye la France», de Doha Moustaquim, est en salle dans plusieurs villes du Maroc. Dans cet entretien avec Le360, la jeune réalisatrice livre les détails de ce projet cinématographique et nous dévoile davantage sur ses expériences, ses aspirations ainsi que sur ses projets.

À seulement 21 ans, Doha Moustaquim avait déjà achevé la réalisation de son premier long métrage. À 24 ans, la réalisatrice de «Bye bye la France» compte à son actif aussi un court métrage, une web-série, et une incursion dans le monde de la publicité et du clip artistique. Celle dont la passion a commencé de manière précoce revient, pour Le360, sur sa carrière et son film qui débarque en ce moment dans les salles du Royaume.

Le360: pourquoi avoir choisi Casablanca et Marrakech pour ce film?

Doha Moustaquim: Casa a été choisi pour son côté pratique. Nous avions plusieurs lieux de tournage dans les alentours de la ville qui étaient facilement accessibles et cela nous a facilité la tâche, surtout en période Covid. Pour ce qui est de Marrakech, c’est cet aspect «bling bling» de certains coins de la ville. Nous associons souvent Marrakech au luxe, et c’est la ville qui servait le mieux l’histoire de Moulay Mehdi le protagoniste, un immigrant riche et narcissique qui est venu chercher une vie luxueuse au Maroc.

Comment convaincre le public de se rendre au cinéma pour aller voir le film?

Alors, d’abord, vous avez pour la première fois le duo Rafik Boubker et Tarik Boukhari réuni dans un même film. Ils sont ensemble pendant une bonne partie du film et c’est un fou rire assuré. Ensuite, découvrir ce que propose la nouvelle génération de jeunes réalisateurs marocains. Enfin, et surtout, allez voir le film pour soutenir l’industrie cinématographique.

Le report de la sortie du film a-t-il finalement été bénéfique pour toi?

Je crois bien que oui. À présent, je me sens mieux préparée pour recevoir les critiques, les commentaires sur mon travail, et pour m’améliorer. Ce temps supplémentaire m’a permis de mûrir, en quelque sorte.

S’imposer en tant que jeune femme dans ce domaine a-t-il été difficile?

Les personnes qui travaillent dans ce domaine sont généralement toutes d’un certain âge, donc il est vrai qu’en tant que jeune talent, il faut redoubler d’efforts pour prouver qu’on est tout autant compétent et gagner leur respect. Avoir confiance en soi est la clé du succès et nous aide à gagner la confiance des autres plus facilement aussi. Et pour ce qui est d’être une femme, j’ai eu de la chance d’être arrivée dans une génération ou de plus en plus de femmes excellent dans la réalisation, prenons simplement l’exemple d’Asmae El Moudir qui a remporté récemment l’Étoile d’Or. C’est formidable.

Comment a été ton expérience à l’Institut supérieur des métiers du cinéma (ISMC) de Ouarzazate?

Mon expérience à l’ISMC a été marquante, mais je préfère mettre l’accent sur la ville elle-même. Ouarzazate, la ville du cinéma par excellence, offre une expérience que l’on ne peut reproduire ailleurs. En tant que Hollywood d’Afrique, cette ville donne aux jeunes réalisateurs l’opportunité de travailler sur d’importants projets étrangers, dont des productions telles que «Game of Thrones», «Prince of Persia» et James Bond. Ouarzazate restera à jamais gravée dans ma mémoire comme ma meilleure expérience.

Si tu avais eu l’occasion de rencontrer Martin Scorsese, ton réalisateur préféré, lors de la dernière édition du Festival international du film de Marrakech où il était l’invité d’honneur, que lui aurais-tu dit?

Je ne sais vraiment pas, je deviens souvent maladroite dans ces situations. Je l’aurai surement salué et lui aurai dit à quel point j’apprécie son travail. Ou peut-être, maintenant que j’y pense, je lui aurai demandé un conseil exclusif, quelque chose qu’il n’a jamais révélée à personne avant moi.

Quelle inspiration se cache derrière le court métrage «Silent Screams» ?

«Silent Screams» explore la thématique de la langue des signes, une expérience personnelle pour moi, utilisée pour communiquer avec mon père. En devenant réalisatrice, j’ai ressenti une urgence à aborder ce sujet, presque comme un devoir que je portais en moi depuis toujours. Pour ce projet, je n’ai pas trop réfléchi, j’y ai plutôt investi tous mes sentiments.

Est-ce devenu nécessaire pour un réalisateur d’être polyvalent ou est-ce juste une envie personnelle?

Chaque réalisateur choisit sa spécialité. Pour ma part, je sais que ce que je veux faire, c’est la réalisation de film fiction. Mais tant que je suis encore jeune, je saisis l’opportunité d’explorer toutes les facettes du métier, je profite de la liberté de commettre des erreurs, d’apprendre. Cela m’aide à confirmer mon choix.

Quels sont tes prochains projets?

J’ai réalisé un épisode de la nouvelle saison de «Saâ fi ljahim», intitulée cette fois «12 heures en enfer», qui sort bientôt à la télévision et j’ai vraiment hâte que le public le découvre. Et aussi, maintenant que «Bye bye la France» est enfin sorti, je peux me concentrer sur mon second long métrage qui est en cours de préparation.

Par Ryme Bousfiha et Said Bouchrit
Le 22/01/2024 à 09h13