Bouchra Mazzene, chercheure en histoire numismatique: «La Marche verte, un message de paix et de souveraineté gravé dans la monnaie»

Bouchra Mazzene, chercheure en histoire numismatique au musée Bank Al Maghrib.

EntretienÀ l’occasion du 50ème anniversaire de la Marche verte, le Musée de Bank Al-Maghrib organise ce mercredi 5 novembre à 17h une conférence intitulée «La Marche verte à travers ses pièces commémoratives». Dans cet entretien accordé à Le360, Bouchra Mazzene, chercheure en histoire numismatique, revient sur l’évolution artistique et symbolique des frappes commémoratives depuis 1976.

Le 03/11/2025 à 09h45

Bouchra Mazzene, chercheure en histoire numismatique, décrypte pour Le360 la symbolique et l’évolution des pièces commémoratives dédiées à la Marche verte. De la première frappe en 1976 aux émissions les plus récentes, elle raconte comment l’art monétaire marocain a su traduire, à travers le temps, les valeurs de paix, d’unité et de souveraineté portées par cette épopée nationale.

Le360: comment a évolué la monnaie commémorative illustrant la Marche verte au fil des années?

Bouchra Mazzene: la première frappe remonte à 1976, à l’occasion du premier anniversaire de la Marche verte. Elle représentait des marcheurs marocains tenant le drapeau national. Durant les années suivantes, jusqu’en 1980, les pièces arboraient des dessins stylisés des participants, accompagnés des symboles nationaux: le drapeau marocain, le Coran et la colombe, symbole de paix. Ces éléments traduisaient l’esprit pacifique de cette épopée historique.

Un tournant important s’est opéré en 1985, avec une évolution notable sur le plan stylistique. La pièce frappée cette année-là représentait feu le roi Hassan II en prière au Sahara, en référence à sa visite historique à Laâyoune en 1982. Cette image symbolisait la souveraineté nationale.

«Les symboles nationaux reviennent presque à chaque émission. Ce qui marque la différence, c’est avant tout l’évolution artistique et technique»

—  Bouchra Mazzene, chercheure en histoire numismatique

Dans les années 1990, la dimension historique et spirituelle s’est renforcée. La pièce commémorative de 1990, par exemple, portait un extrait du célèbre sermon «Qassam Al Massira», tiré du discours du roi Hassan II annonçant le départ de la Marche verte. En 1995, la médaille comportait un passage d’un autre discours royal glorifiant cette épopée.

À partir des années 2000, les pièces ont connu une nette évolution stylistique. Celle frappée pour le 26ème anniversaire en 2000 portait l’inscription «Al Watan Ghafouroun Rahim» (La patrie est clémente et miséricordieuse), un message de réconciliation et d’appel au retour à la patrie. En 2005, pour le 30ème anniversaire, on retrouve un dessin stylisé des marcheurs avec les symboles nationaux.

En 2010, une conception encore plus élaborée a vu le jour: la carte du Maroc y figure, accompagnée des marcheurs tenant le Coran et le drapeau, avançant vers le Sud. Cinq ans plus tard, en 2015, la pièce représentait à la fois feu le roi Hassan II et les participants à la Marche verte, dans une composition riche et symbolique.

On remarque des éléments récurrents dans ces pièces: drapeaux, Coran, marcheurs… Qu’est-ce qui les distingue les unes des autres?

Effectivement, les symboles nationaux reviennent presque à chaque émission. Ce qui marque la différence, c’est avant tout l’évolution artistique et technique. La dernière émission, par exemple, introduit pour la première fois la couleur. On y voit une représentation stylisée de la ville de Dakhla et le drapeau marocain ayant battu le record Guinness en 2010. C’est une innovation majeure dans la conception numismatique nationale.

En quelle matière sont frappées ces pièces et en combien d’exemplaires?

Les frappes commémoratives de la Marche verte sont toujours réalisées en argent. Elles sont destinées à la commercialisation dans les agences de Bank Al-Maghrib et au Musée de Bank Al-Maghrib. Il existe néanmoins des éditions limitées en Or.

En 1976, la première émission comptait environ 10.000 exemplaires. Depuis, le nombre varie selon la politique monétaire et les besoins. En général, on en produit autour de 1.000 exemplaires, parfois un peu plus.

«Ces pièces ne sont pas de simples objets de collection. Elles perpétuent une tradition monétaire profondément ancrée dans notre histoire: celle de célébrer les grands événements nationaux»

—  Bouchra Mazzene, chercheure en histoire numismatique

Qui décide du thème et du design de ces pièces?

Tout le processus se déroule en interne à Bank Al-Maghrib. Le thème est choisi par le top-management, puis étudié par les équipes spécialisées avant d’être soumis à approbation. Le design est élaboré par les experts de Dar Seka, le département en charge de la conception et de la production des pièces.

Quelle est la valeur symbolique de ces monnaies commémoratives?

Ces pièces ne sont pas de simples objets de collection. Elles perpétuent une tradition monétaire profondément ancrée dans notre histoire: celle de célébrer les grands événements nationaux. La Marche verte, en particulier, est un symbole fort de courage, de foi et de libération pacifique.

Ces frappes rappellent aux jeunes générations l’importance de l’unité, de l’intégrité territoriale et de la solidarité du peuple marocain. C’est un message intergénérationnel: un lien entre le passé, le présent et le futur, et un hommage durable à l’épopée de la Marche verte.

Par Qods Chabâa
Le 03/11/2025 à 09h45