Il n’y a pas que les Maghrébins et les Africains immigrés en France qui sont inquiets par le phénomène Zemmour. La classe politique aussi. Le fait que des sondages le prévoient au second tour des élections présidentielles avec 15% d’intention de vote, a été reçu comme un coup de tonnerre dans une France qui sort à peine de la crise sanitaire. Eric Zemmour a éclipsé Marine Le Pen et s’est imposé dans l’espace politique.
Rarement ce pays aura connu un tel niveau de médiocrité, de bassesse et d’arrogance. Polémiste, ce journaliste a sauvé la chaîne de télévision appartenant à Boloré, CNews. L’audience a atteint des scores que cette chaîne ne connaissait pas. La déontologie l’a obligé à ne plus programmer son heure quotidienne où il exposait ses idées.
C’est quoi son programme? Il n’en a pas. Mais il a des idées précises sur ce qu’il ferait s’il était élu président. Pour le moment il n’est pas candidat. Il profite de la publication de son livre, La France n’a pas dit son dernier mot, pour faire campagne, non officielle. Ce livre a été édité par lui-même, son éditeur, Albin Michel, ayant décidé de ne plus publier ses livres.
Ses idées sont simples. Très influencé par la mécanique Trump, Eric Zemmour n’hésite pas à lancer des appels à la haine raciale. Ce qui lui a valu d’être condamné plusieurs fois.
Avant de faire des propositions, il fait le constat de la situation de la France «en plein déclin», où règne l’insécurité et où les malfaiteurs ne sont pas punis. Les malfaiteurs, il les connaît et les désigne: ce sont les Arabes et les Noirs. Voici ce qu’il dit: «mais pourquoi on est contrôlé dix-sept fois lorsqu’on est Arabe ou Noir? Parce que la plupart des trafiquants sont des Noirs et des Arabes; c’est comme ça, c’est un fait».
Quand on lui parle de la discrimination de cette catégorie de personnes, il dit: «les employeurs ont le droit de refuser des Arabes et des Noirs», ce qui est interdit par la loi.
La loi? Il s’en moque. Il persévère dans sa haine des immigrés et surtout de leurs enfants qu’il accuse de tous les maux: «les mineurs isolés, comme le reste de l’immigration n’ont rien à faire ici: ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont».
L’autre obsession de Zemmour est l’islam. Il dit que dans les années trente «on comparait le nazisme à l’islam». D’abord il ne fait aucune différence entre la religion musulmane et l’islamisme, dérive idéologique des terroristes. Pour lui, c’est l’islam qui est violent. Il ajoute: «tous les musulmans, qu’ils le disent ou ne le disent pas, considèrent les djihadistes comme de bons musulmans».
Pas de nuance. Pas de subtilité. C’est ce qu’aime entendre une partie non négligeable de la société française qui trouvait le Rassemblement national de Marie Le Pen pas assez dur, pas assez fort, pas assez raciste.
Pour Zemmour, «tout femme voilée est une mosquée ambulante». C’est pour cela qu’il voudrait interdire les prénoms arabes en France: «un Français n’aura pas le droit d’appeler son fils Mohammed».
Misogyne, car «le pouvoir est une affaire d’homme», homophobe, islamophobe, raciste, cet homme fascine et attire beaucoup de monde. Son discours correspond à une attente de la part de ceux qui pensent que tout le mal vient de l’immigration, légale ou clandestine, que les délinquants sont tous issus de cette immigration, que la France se porterait bien mieux si «tous ces gens étaient renvoyés chez eux».
Or, les enfants d’immigrés qu’il vise, ne sont pas des immigrés, ils sont nés en France et de ce fait sont des Français. Zemmour refuse d’accepter cette réalité et poursuit sa hargne contre les étrangers. Sa théorie est celle du «remplacement», car il dit que la France est «en train d’être colonisée par des étrangers». Elle perdrait son âme, son identité.
Le président Macron écoute le discours de Zemmour. Il ne le partage pas, mais il fera quelques concessions lors de sa campagne électorale pour attirer les voix des zemmouriens. Ainsi, la décision prise par la France d’accorder moins de visas pour les voyageurs issus du Maghreb, (50% de moins par rapport à l’an passé), est une réponse déguisée au discours de Zemmour qui parle, à propos des étrangers, «d’invasion».
Le fait aussi que Macron ait durci le ton à l’égard de la junte militaire qui dirige l’Algérie, est un signe qui rejoint ce que raconte Zemmour à propos de ce pays: «quand le général Bugeaud arrive en Algérie, il commence par massacrer les musulmans et même certains juifs. Et bien, moi, je suis aujourd’hui du côté du général Bugeaud. C’est ça être français».
Eric Zemmour est assez cultivé, même s’il a raté deux fois l’entrée à l’ENA (l’Ecole Nationale d’Administration), mais il n’hésite pas à avoir recours à des raccourcis qui sont des mensonges. Il exagère afin de faire peur aux Français déjà inquiets. Il voudrait être reconnu comme celui qui «dit haut ce que beaucoup de Français pensent tout bas». Même s’il tord le cou à l’Histoire, comme par exemple le fait d’affirmer que le Maréchal Pétain, aurait «protégé les juifs» durant l’occupation allemande. Il oublie que c’est le Premier ministre du Maréchal Pétain, Laval, qui a organisé, les 16 et 17 juillet 1942, la rafle des juifs d’origine étrangère, au nombre de 13 152 dont 4115 enfants. Tous remis aux nazis qui les ont gazés.