La grève est dure, méchante. Il y a dans l’air de la violence latente, de la haine et par- dessus tout, une lutte de classes qui ne dit pas son nom sur fond d’une faiblesse de l’Etat.
Faire grève pour des revendications raisonnables est un droit que personne ne conteste. Mais empêcher le pays de vivre normalement durant plus de trois semaines, si ce n’est tout un mois, relève de bien autre chose: faire tomber le gouvernement et surtout mettre la tête de Macron au bout d’une pique comme si nous étions en 1789. L’espoir des Gilets Jaunes persiste au sein de certains manifestants, nostalgiques de l’époque où on coupait la tête aux rois et reines.
Le premier ministre, Edouard Philippe, essaie de parler, d’expliquer. Les syndicats refusent de l’écouter. La veille de son discours, un journaliste demande à un leader syndicaliste ce que fera son syndicat: «quoi qu’il annonce, nous poursuivrons la grève!». Tout est dit là.
La France est arrivée à cette situation absurde parce qu’elle ne croit plus aux vertus du dialogue. C’est un Etat qui résiste contre des attaques qui, sous couvert du droit (le droit de faire grève), sape le pouvoir à la base et souhaite le voir par terre.
Les retombées de mai-68 sont visibles. Absence d’autorité dans la plupart des domaines, que ce soit celui de l’éducation ou de la police. Même les policiers ont manifesté pour crier leur colère, dénonçant leurs conditions de travail et s’apprêtent de nouveau à descendre dans la rue la journée du 9 janvier.
Pendant ce temps-là, des esprits compétents, tentent d’aller faire carrière à l’étranger. Ils laissent le champ politique aux médiocres. Curieusement, nous retrouvons cela au Maroc où la fuite des cerveaux est un fléau inquiétant.
Les syndicats jouent leur survie. Il faut savoir qu’ils disposent d’un pactole non négligeable proportionnel au nombre de leurs adhérents. La CGT a perdu la première place au profit de la CFDT, plus souple et mieux disposée pour «la paix sociale». Donc, derrière ces grèves, derrière ces blocages qui ont des conséquences désastreuses sur l’économie du pays, il y a une question liée au futur du syndicalisme en France et de ses finances.
On dit qu’une majorité de Français soutient les grévistes. En même temps, que de petits commerces ferment ou voient leur chiffre d’affaires tomber très bas. Certaines personnes ont perdu leur travail parce qu’elles ont été empêchées de prendre un train, un métro pour arriver là où on les attendait. La violence se situe là. Un citoyen dénonçait l’autre jour sur une radio «la lâcheté des grévistes»; il leur proposait de s’attaquer non pas à la population qui a besoin de travailler, mais à l’Etat, aux entreprises qui refusent de céder. Il leur proposait de faire marcher les métros, les bus et les trains sans faire payer les voyageurs, ce qui porterait un coup important aux patrons et à leurs entreprises. Mais il y a de la haine, une absence de volonté de vivre harmonieusement ensemble. Il y a de la violence dans les rapports entre les gens, entre les pauvres et les riches, entre les administrés et l’administration.
Ce n’est pas la première fois que la France se trouve dans une telle situation de blocage (le dernier grand blocage a eu lieu en décembre 1995 et s’est achevé par la démission du premier ministre de l’époque, Alain Juppé). Il voulait réformer ce pays. Il a appris à ses dépens que ce pays est réticent, absolument, à toute réforme. Le président Macron n’a pas assez d’expérience politique, pas assez de vécu et d’épreuves de vie pour rassurer un peuple qui vit mal. C’est un technocrate qui réussit mieux sa politique étrangère que celle nationale. Il laisse son Premier ministre essuyer les plâtres, le mettant en avant. Cela n’avait pas réussi à Jacques Chirac, il serait étonnant que ça aboutisse positivement avec Macron.
Les syndicats manquent d’imagination. C’est normal qu’ils défendent leurs intérêts, mais il aurait fallu trouver autre chose que la grève qui pénalise le reste de la population. Dans les autres pays européens, des négociations se font dans le calme pour faire régner une paix sociale dont le pays et le peuple ont besoin. Dans d’autres pays, il est interdit de faire grève durant les jours de fête, comme la période actuelle de Noël. On l’a constaté toute l’année dernière, avec les Gilets jaunes, en France, on est tenté par la violence. Quant à la police, elle vit dans la crainte d’un dérapage, d’une bavure.
C’est une guerre ponctuelle qui se déroule dans ce pays où les acquis sociaux sont importants et n’existent pas dans d’autres pays européens: cinq semaines de vacances par an, treizième mois payé, travail hebdomadaire limité à 35 heures; éducation gratuite; santé, gratuite, chômage indemnisé… Il arrive même que l’Etat rembourse aux grévistes leurs journées de grève! Comme le disait un journaliste de l’époque de mai 68: «toujours plus!».
Résultat: pratiquement tous les observateurs politiques prévoient l’arrivée de l’extrême-droite (Rassemblement national) au pouvoir en 2022. La France ira ainsi jusqu’au bout de son déclin et installera au pouvoir, pour la première fois, un parti fascisant, anti-immigrés et surtout anti-arabe et anti-musulman. Ce sera la France de Monsieur Houellebecq. Quelle tristesse!