Chronique d’un naufrage annoncé

Famille Ben Jelloun

Chronique«Le naufrage des civilisations» (Grasset) est le dernier essai d’Amin Maalouf. Toutes les aires de civilisation sont au seuil d’un désastre. Ce qui fait peur, c’est qu’Amine Maalouf n’est pas du genre à dire n’importe quoi ni à exagérer, ce n’est pas un agité.

Le 06/05/2019 à 11h58

Les nouvelles de la planète ne sont pas bonnes. Il y a de quoi vous donner le bourdon et accentuer la déprime. Le réchauffement climatique, la chute des glaciers, les inondations à venir, les tsunamis qui menacent. Rien ne va plus.

L’homme a sali cette terre et voilà que ses enfants vont en subir les conséquences.

Cette alarme devenue quotidienne vient d’être rejointe par le constat plus qu’inquiétant que notre ami Amin Maalouf, homme paisible et pacifique, vient de nous livrer. «Le naufrage des civilisations» (Grasset) est son dernier essai. Toutes les aires de civilisation sont au seuil d’un désastre. Ce qui fait peur, c’est qu’Amin Maalouf n’est pas du genre à dire n’importe quoi ni à exagérer, ce n’est pas un agité. C’est pour cela que l’éditeur nous demande de prêter attention à ses analyses, «car ses intuitions se révèlent des prédictions».

Il commence son livre en nous informant que c’est «à partir de (sa) terre natale que les ténèbres ont commencé à se répandre dans le monde». Il est né au Liban dans une famille chrétienne en une époque où ce qu’on appelait «le Levant» était pluriel, multi-religieux, multiculturel. Sa mère est d’origine égyptienne. C’était une embellie, une éclaircie dans cet Orient qu’on va précipiter dans des guerres qui ne se terminent pas. La guerre civile du Liban où chrétiens et musulmans, sunnites, shiites, druzes vont se battre avec une férocité qui n’épargne aucun camp. De 1975 à 1991, ce petit pays va être la scène d’une immense tragédie dont va profiter Israël; l’Etat sioniste l’envahira en 1982 et en 2006. Deux agressions d’une rare brutalité qui feront des milliers de morts et détruiront les infrastructures les plus importantes.

Mais le Liban a été un laboratoire. Ce qui suivra est bien pire.

Pour comprendre cet état préparant ce que Maalouf appelle «naufrage», il faut remonter à l’après-guerre et l’arrivée au pouvoir à partir des années cinquante de jeunes officiers décidés à en finir avec les monarchies et les régimes préfabriqués par les Anglais et les Français. «Le naufrage», nous dit Maalouf, est une métaphore. Mais ses prémisses sont des réalités. Il y a d’abord la «démonétisation» des idéaux et des valeurs morales qu’un capitalisme rendra inéluctable avec un déchaînement obscène des inégalités.

Amin Maalouf date le début du désastre au 12 février 1949, jour où Hassan al Banna, le fondateur des Frères musulmans, est assassiné au Caire. Cet acte répond à l’assassinat, le 28 décembre, du Premier ministre égyptien Nokrachi Pacha par un Frère musulman.

A partir de là, la porte est ouverte pour l’instauration de dictatures militaires dont la plus importante est celle de Nasser, qui n’hésitera pas à faire condamner à mort l’autre chef spirituel des Frères musulmans, Sayyid Qutb, qui sera pendu le 29 août 1966.

Depuis l’islamisme va se répandre en Egypte et dans la plupart des pays musulmans. La révolution iranienne va le propulser sur la scène politique mondiale et donner naissance à des groupes qui ont opté pour le terrorisme.

Amin Maalouf, tout en racontant l’histoire de sa propre famille, nous dit combien l’expulsion, ou, pour être plus précis, le départ involontaire des juifs et des chrétiens orthodoxes d’Egypte, a été le début de la fin des années de coexistence entre l’islam et les autres religions. Il cite le cas historique de Nelson Mandela qui, une fois libéré et élu président de l’Afrique du Sud ne s’est pas «vengé» des Afrikaners blancs et les a même rassurés sur leur avenir. La sagesse d’un Mandela a manqué aux dirigeants arabes. D’où une guerre froide entre communautés qui fera partir beaucoup de monde vers l’Europe et l’Amérique.

Aujourd’hui, plus que jamais, la haine est de retour. Certains la datent du 5 juin 1967, jour de la «Catastrophe», la défaite en quelques heures de l’armée égyptienne qui avait sous-estimé la puissance d’Israël. «Les Arabes, écrit Maalouf, n’ont jamais pu prendre leur revanche, jamais pu dépasser le traumatisme de la défaite, et Nasser n’a jamais plus retrouvé sa stature internationale». Israël n’a jamais pu surmonter sa victoire. Le nationalisme arabe a perdu toute sa crédibilité. Amin Maalouf écrit: «C’est le lundi 5 juin qu’est né le désespoir arabe».

Khomeiny, Al Qaeda et quelques égarés feront ce que l’Amérique et Israël espéraient clandestinement: faire du monde arabe un chaos où plus rien ne constitue la moindre menace contre l’Etat hébreu. Seul l’Iran échappe à ce scénario et résiste, malgré les embargos et autres difficultés. Et c’est l’Iran qui arme et finance au Liban le Hezbollah, véritable armée, peut-être plus importante que l’armée libanaise officielle. 

Henry Kissinger avait écrit au début des années quatre-vingt un article resté fameux, où il dessinait la carte idéale du Proche-Orient: un monde arabe qui se déchire, se disperse et meurt par ses propres erreurs et divagations. Le résultat dépasse toutes les prévisions. Le naufrage n’est pas celui des civilisations, mais celui d’une civilisation, celle qui avait constitué et doté le monde arabe de valeurs et de lumières.

Amin Maalouf nous démontre qu’il «existe un lien de cause à effet entre le naufrage de “son“ Levant natal et celui des autres civilisations».

Car si une civilisation se noie, elle emporte forcément avec elle une part non négligeable des autres civilisations. L’état du monde actuel est assez alarmant et les périls menacent la paix de toute la planète.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 06/05/2019 à 11h58

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En venant sur votre site francophone, je pensais trouver une autre vision du monde différente de celle qui se trouve dans les sites arabophone. Mais malheureusement ce n'est pas le cas, les mêmes lamentations sur la fin du monde , la conspiration des sionistes, des américains, des occidentaux s'y trouvent. Certains prennent un point du monde, leurs propre pays pour une image agrandie du monde. En tant que marocain, je ne cherche pas à lire mon avenir ni dans le Liban, ni dans le moyen orient. Nous devrions s'ouvrir sur notre propre histoire et savoir comment faire advenir à partir d'un présent un avenir qui nous libérera de l'aire culturel du moyen orient et de ses catastrophes. Les mythes de la fin du monde auquel s'accrochent les arabes est si archaique qu'on a beau le maquiller avec des argumentations rationnelles ou scientifiques dévoile malgré la foi de ses protagoniste leur désespoir voire meme leurs disparition. Ce n'est pas toujours la réalité qui explique le mythe, mais au contraire, c'est la nature du mythe auquel nous sommes accroché qui explique notre réalité.

Les pharaons n'étaient pas des arabes, tous les juifs sont d'origine égyptienne -esclaves des pharaons . Moïse les a libéré, et ils ont emmigré vers le mont Sinaï et les descendants des pharaons sont devenu arabes, plus arabe qu'eux tu ... Finalement c'est une question de temps. Malin, celui qui dira à Maalouf de quoi sera fait le moyen orient demain.

Les états d'Occident ressentent l'étau sur la nuque des états arabes les empêchant de prendre l'élan et d'atteindre le progrès.Diverses stratégies sont employées: militairement ils ont implanté l'état sioniste comme gendarme imposant travaillant a la essolde des imperialistes,économiquement ils les astreigneent a la dépendance malgré les ressources infinies. bien plus les stratèges politiques des USA et d'Europe n'ont pas cessé d'ourdir des manigances pour continuer d'exploiter ces ressources. Les états du golfe sont extrêmement soumis a l'hegemonie américaine et la France puise depuis toujours dans les richesses africaines. A y réfléchir cet ordre n'est dû qu'à la bêtise des gouverneurs du tiers monde et principalement les arabes.

Le "vivre ensemble" est une idée qui dégoûte les marchands d'armes

Monsieur amin malouf n'est pas un agité, ne dit pas n'importe quoi, n'exagère pas et donne peur ce monsieur n'est pas un devin, des scientifiques ont penné et pennent encore a convaincre l'humain afin qu'il prenne soin de sa terre, Celui qui semble vous faire peur a vous monsieur benjelloun, n'est pas la me mais a travers ce que chacun lit dans son livre, si vous avez vécu et lu Nostradamus juste après qu'il ait quitté ce monde, c'est la peur mais le délire. monsieur mallouf a écrit vous avez lu alors chacun dans sa période ou celle des années 1800 ou bien 2030 bientot 7 millions d'âmes sur cette planète et presque tous concentrés dans les endroits a fouler e refouler pour son bien être égocentrique. monsieur mallouf ressasse les défaites arabes parce qu'il y est né et vécu, Damas ou bien baghdad et Amman jérusalem et Beyrout ne sont pas Oujda ou Ksar el kbir. pour la revanche, c'est le point de non retour, car aucun pays arabe n'a de revanches a prendre sur ceux qui lui ont causé du tort, il en est son propre instigateur. Voyez lalgérie mon benjelloun, et ce n'est que le 3me début souvenez-vous de ce qui s'est passé dans les années 63, Dar El Mokri, de skhirate en 72 de tazmamaght, y a revanche a prendre ? savez-vous comment est mort bourguiba ? d'une lâcheté a la hauteur des l'ignominie de le l'homme, des dégâts terribles causés par boumedienne ? horrible. Y a revanche a prendre ? l'antartique est souillé , une partie de l'Everest est remplie de détritus les maldives s'enfoncent dans les eaux, le Bangladesh s'embourbe le sahel envahi l'afrique du nord avec son sable et ses dépourvu d'argent en quête du vouloir vivre ailleurs. Tout ceci et cela a eu lieu au temps de l’Égypte antique avec les esclaves et les grecques et les romains et les massacres inter ethniques, non y a plus de revanche a prendre il faut un mal pour un bien pour le bien de l'homme avec sa terre, mallouf devra se gargariser avec Soljénitsyne son archipel du Goulag sinon dormir avec "le capital"

Les forces étrangères dont les États unis fait partie ont réussi à déstabiliser le monde arabe en vue de permettre aux sionistes de mieux fortifier leur domination dans la région. C'est vraiment fascinant cet essai qui essaie de donner une analyse munitieuse sur les différents changements dans la scène politique au Proche orient tout en prévoyant des scénarios possibles.

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