H’mida règle tous les problèmes

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ChroniqueNe serait-il pas plus simple que chacun fasse son travail correctement?

Le 12/02/2020 à 10h59

Le week-end dernier, c'était le Maghreb des Livres à Paris. Auteurs, éditeurs et lecteurs se retrouvaient dans les salons de l’Hôtel de Ville. Ce fut l’occasion pour les uns et les autres de flâner, de faire connaissance, de bavarder –je ne dirais pas “d’échanger”, expression qui constitue un solécisme puisqu’il s’agit d’un verbe transitif, nom de D…! Ce qui fait que quand quelqu’un me dit:

– J’aimerais bien échanger avec vous.

… je ne réponds pas, j’attends la suite. Échanger quoi? Des plaisanteries, des scoubidous, des gnons? Depuis quand ce verbe est-il devenu intransitif?

Mais je m’égare.

Donc Paris, le Maghreb des Livres. Une dame, l’air un peu rêveur, s’approche de la table où je signe mes dédicaces, attend le moment opportun puis, après s'être présentée, elle me raconte une aventure qu’elle a récemment vécue à Marrakech.

– Ayant fait l’acquisition d’une petite maison dans la Ville ocre, je devais faire entrer l’électricité, comme on dit. Je me suis donc présentée à l'administration concernée où l’on m’a reçue comme si j’avais demandé l’adresse du dernier Abencérage.

– C’est-à-dire?

– C’est-à-dire qu’ils semblaient ne rien comprendre à ma demande. “Vous avez la magana? Alors, c’est pas nous, il faut aller à Gueliz.” Euh… “Pardon? Vous n’avez pas la magana? Eh bien, c’est toujours pas nous, il faut aller là-bas, en face, tourner à gauche et aller à la … (Suit un sigle incompréhensible.)” Bref, je m’irrite un peu, je hausse la voix, ils m’envoient promener et me voilà dans la cour, complètement déboussolée.

– La magana, c’est le compteur?

– Oui. Bref, je ne sais que faire quand soudain…

Assis sur ma chaise, je tends l’oreille, j’aime bien les histoires où il y a un “quand soudain…”

– … une sorte de planton en uniforme couleur puce s’approche de moi.

– Qu’as-tu donc à bayer aux corneilles, ma sœur? me susurre-t-il d’une voix sucrée.

Je ne comprends pas pourquoi un simple planton s'intéresse à mes aventures mais mon désarroi est tel que je lui déballe toute l’affaire –qui n’est finalement pas très compliquée. Il hoche la tête, l’air mâle, l’air du type qui sait; puis me glisse:

– Ne t’en fais pas, ma sœur, je vais régler tout ça.

Il entre dans les bureaux comme d’autres envahissent la Pologne et en ressort avec de la paperasse qu’il étale sur son genou et qu’il remplit lui-même –tiens, il sait écrire– en me posant quelques questions; puis il me fait signer le document et me demande si j’ai ma carte nationale.

– Je vais la photocopier et je reviens.

Ce qu’il fait. Qui garde les lieux pendant son absence? Son ombre, peut-être; ou les sept saints de Marrakech? Le voilà de retour.

– Donne-moi ton numéro de portable. Je t’appelle demain à 11.00.

Un temps.

– Plus ponctuel qu’un chef de gare allemand, H’mida –car tel est son nom, il me l’a révélé avec une fierté bien légitime– H’mida me rappelle le lendemain à 11.00. Il me demande de repasser avec 1200 dirhams. Mon affaire est réglée. Effectivement –vive H’mida!– ils m’ont fait entrer l'électricité et je peux donc éclairer ma maison quand j’y vais en vacances et mater des turqueries à la télé.

La belle évaporée fait une pause, promène un regard mélancolique sur la profusion de marbres et de dorures qui ornent ce beau salon de l’Hôtel de Ville. Puis elle soupire et me dit:

– Tout est bien qui finit bien. Mais avons-nous vraiment besoin de tous ces H’mida? Ne serait-il pas plus simple que chacun fasse son travail correctement? Ne pourriez-vous pas poser la question à vos lecteurs du 360.ma?

Dont acte, amis lecteurs. Dont acte.

Par Fouad Laroui
Le 12/02/2020 à 10h59

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VOS RÉACTIONS

Merci Ssi Fouad. Ton histoire de H'mida est en fait "by design" au Maroc il n'y a rien d'aléatoire tout est "by design". Créer l’ambiguïté et l'incertitude partout pour que le citoyen reste déboussolé et par conséquent on profite. C'est un système ou le l'ordre est dans le désordre. Merci encore Ssi Fouad

On dirait moi à mon arrivée au Maroc. Aujourd'hui je ne suis plus aussi naïve... Sait-elle que ses 1200 dirhams vont être dispatchés entre le fameux Hmida, le guichetier et probablement le chef d'agence? Le secret de ce pays: te faire croire et te dire que ce que tu demandes est impossible pour qu'ensuite un sauveur nommé Hmida surgisse de l'ombre tel un Zorro sans masque pour te porter secours.....

@Hanan je vous remercie , vrai ce que vous dites , l'administration te fait comprendre que ta demande est trop compliquée , donc il faut un sauveur = (Hmida) = un ZRO = 5000dh pour me sauver (je parle pour moi ) 5000dh pour avoir un permis de construire d'un étage , au fait le permis de construite j'ai attendu 1 ans , un an d'attente , parce que je n'ai pas trop donné , 5000dh ce n'est pas suffisant

Appeler Ahmed "h'mida" signifie souvent qu'Ahmed le "vrai" ne fait pas son travail correctement voir pas du tout. Est-ce que je me trompe ? Le choix de H'mida qui ici une sorte de solution à tout au Maroc interroge !! Merci Fouad !

La présence d'un Hmida est souvent salvatoire ! Merci à tous les Hmida ! Ils nous épargnent beaucoup . Entre autres , la perte d' un temps précieux .Pendant que j'y pense ,pourquoi ne pas légitimer nos Hmida ? La dame ne nous a pas dit comment elle a récompensé notre Hmida ! J'espère qu' elle a été plus généreuse que la plupart des Français ( sic) !!

J'arrive à l'hôpital pour une urgence a 6 h du matin.vous savez quoi,je ne trouve, éveillé que ce béni de H'mida.il m'a indiqué quoi faire,il a réveillé le doc......

Sous le joug de certains formes d'obscurantisme le besoin de Lumières est une nécessité qui n'a pas de prix. H'mida ou Monsieur SOLUTIONS, n'est pas n'importe quel philosophe: il est celui des Lumières.

@Hakim bonsoir Monsieur Hakim , si vous me permettez que je pose cette question? (est ce que vous accepteriez de donner 5000Dh de dessous de table pour (Hmida) pour avoir vos documents ???? ou bien vous attendez 1 an de va et viens ? surtout quant on est MRE par exemple

Malgré,elle a plus de chance que K dans le château de Kafka .

Bonjour Monsieur Fouad Laroui. Vous avez l'art et la manière de charmer les serpents de mer dans des textes agréables à lire, bravo ! Cordialement.

Et oui c'est ça le Maroc ! Des H"mida on en trouve à tous les coins de rue. Même dans les ministères.

@Mouha même dans les gares routières

Je dirais heureusement qu’il y a des gens comme H’mida pour faire avancer l’administration; qui entre nous n’est pas si loin de l’administration française. Je dirais que cette dame a eu de la chance de trouver quelqu’un qui puisse l’aider, certes moyennant contre partie, mais aider quand même ! En France au mieux son problème aurait été réglé pas avant trois jours car tout passe par internet ou téléphone .... et l’on sait comme ça peut être long lorsque on a un problème avec un opérateur ! Bref on parle du Maroc et de son administration.... ce qui est intéressant dans cette histoire c’est que Madame semble tomber des nues et découvrir ce pays ! Peut être lui faut il rappeler qu’on est en Afrique et que c’est un pays du tiers monde malgré l’opulence et le luxe de certains ... Ça me fait bien rire c’est gens qui veulent profiter des prix marocain sur des biens qu’ils ne leur seraient même pas possible d’acquérir en France et qui veulent qu’on se plie en quatre pour eux ! Le jour où l’administration marocaine changera alors .... alors je sais pas ! Trop beau pour être vrai 😂 Et puis si chaque personne faisait son travail ... ça ce saurait ! Utopique et ça vaut pour pas mal de pays ! Quant à H’mida ... il est là qu’on le veuille ou non ... Car entendons nous bien le problème réel vient d’en haut, de l’éducation, de la société; et non de H’mida.

N'importe quoi !!! Mais qui parle de la France ??? Mais peut-être essayez vous juste de vous donner bonne conscience. Si c'est le cas, sachez que vous nous faites du mal et que vous faites du mal à votre pays.

Nos concitoyens ci-dessus regardent la fonction publique d'un oeil péjoratif. Certes, certains de nos fonctionnaires sont payés au lance-pierre et leur demander de "travailler" plus serait inconvenant au vu de leurs rentrées officielles. Aussi se tournent-ils vers des revenus supplémentaires échappant aux impôts. Et c'est là que nos innombrables HMIDA interviennent. En fait que serait l'administration sans nos Hmida nationaux? Ils ajoutent un petit quelque chose, un grain de sel, une pointe d'intérêt à ce que serait une administration à la scandinave où tout tourne parfaitement, sans accroc ni erreur, mais qui serait, de ce fait tellement ennuyante. Au moins avec nos Hmida nationaux, il s'en passe des choses, et cela permet à nos concitoyens, de retour au derb, d'avoir à conter " leur journée f-l'idara". Nos Hmida font partie intégrante de notre patrimoine et ils le resteront longtemps encore. Longue vie à eux!

Ce que touche Hmida pour ses services constitue un complément de salaire non déclaré qui est partagé entre lui et les fonctionnaires qui se trouvent à l'intérieur. La faute incombe à leurs supérieurs hiérarchiques qui laissent faire de faire preuve de vigilance, imposer un nombre de dossiers minimum à traiter et retenir les employés pour les finir sans paiement d'heures supplémentaires. Les fonctionnaires oublient qu'ils sont payés par l'argent du contribuable pour assurer le service qu'il doivent lui fournir.

je confirme oui à Fes dans le Bureau de conservation foncière , si tu ne ne sais pas comment ça marche pour demander un service(fixez bien les gens ils demandent leur papiers par des clins d'oeuil) ils passent avant tout le monde, ou par des courtiers qui se promènent dans les couloirs (clain d'oeuil qui font à ta place mais avec un billet )

Je ne suis pas du tout surpris de la mésaventure de cette dame. Moi aussi j'en ai vécu pas mal du genre. Malheureusement, nos fonctionnaires n'ont de fonctionnaire que le nom car ils sont souvent là à rien faire si on leur graisse pas la patte pire encore ils créent du travail à des intermédiaires et des trafiquants de tous genres. La conscience professionnelle des fonctionnaires s'est arrêté malheureusement au détroit de Gibraltar, elle n'a jamais franchi nos frontières. Autrement, je pense si les responsables étaient à la hauteur là ils auraient donné la fonction du fonctionnaire assis à son bureau dans cette administration à H'mida et vice versa.

Tout à fait ! La dernière phrase est aussi amusante que judicieuse...

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