Le chemin vers l’enfer…

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ChroniqueCar oui, le commencement est important, mais le devenir compte aussi, comme le dit Régis Debray. Il en résulte que la jeunesse d’un enseignant n’a de sens que si elle est transcendée par une vocation et un don. Une vocation sur laquelle le temps n’a pas de prise ni d’emprise. Une vocation qui n’a pas d’âge spécifique.

Le 25/11/2021 à 11h00

«Le chemin vers l’enfer est pavé de bonnes intentions». Voilà une maxime qu’il ne faut surtout pas prendre à la légère, notamment quand il s’agit de politique. Là où l’erreur pardonne rarement, là où l’erreur se paye cash et dont les conséquences peuvent prendre plusieurs générations avant de s’estomper dans le meilleur des cas, ou prendre racine, dans le pire.

Et s’il ne fallait retenir qu’une dimension de la société comme étant la plus primordiale de toutes, peu d’entre nous s’offusqueront si le choix se porte sur l’éducation, dont l’étymologie renvoie au latin «Educatio», soit le fait d’élever et de former.

C’est elle qui en partie prend le relais de la famille et de l’environnement immédiat pour former notre rapport au monde, notre langue et langage, notre structure mentale, nos affects et notre place dans la société.

C’est elle qui nous élève vers l’universel mais qui, en même temps, nous enracine dans notre singularité.

Or, transmettre un savoir ne relève pas d’une simple technique ou méthode, bien que notre époque en foisonne, de la méthode «Montessori» à la «Steiner» en passant par «Freinet», mais relève avant tout d’une sagesse qu’on nomme «pédagogie». Cette dernière me semble être davantage innée qu’acquise. Cet amour autant de la connaissance que de l’autre, relève du don ou du tempérament diront certains. Un don, qu’on peut sacrifier sur l’autel d’une carrière lucrative là où la pédagogie n’a pas forcément sa place, ou le mettre au service de la communauté, au risque d’en souffrir, ingratitude et dévalorisation symbolique oblige.

Y a-t-il donc un âge pour transmettre et pour élever notre prochain?

Le gouvernement semble avoir tranché: moins de 30 ans.

«L’âge maximum requis est fixé à 30 ans afin d’attirer des candidats jeunes dans la profession enseignante, dans l’objectif de s’assurer de leur engagement durable pour l’école publique et d’investir dans la formation et le développement de leur parcours professionnel». Un argumentaire qui parle d’«engagement durable» et d’«investissement» là ou, peut-être, aurait-il mieux valu mettre en exergue la vocation et l’amour du métier.

Quant aux psychologues, ces derniers nous disent que l’âge de la sagesse se situe entre 50 et 60 ans. Fouillez au fin fond de vos souvenirs, et vous trouverez peut-être que les professeurs qui nous ont le plus marqués avaient cet âge, sinon d’avantage. Mais il est tout aussi vrai qu’ils n’ont point commencé à enseigner à cet âge, que c’est le fruit d’un vécu, d’un parcours et d’une expérience de vie au contact des livres, mais avant tout des élèves.

Mais, car il y a souvent un «mais» dans le «mais», combien d’entre eux ont commencé précocement à enseigner pour achever leur carrière en tant que piètre enseignant, cachés derrière les hautes murailles du corporatisme et du syndicalisme? Combien d’entre eux ont enseigné précocement et toute leur vie avec autant de détachement vis-à-vis de leurs élèves qu’un boucher vis-à-vis d’une carcasse posée sur son étal?

Car oui, le commencement est important, mais le devenir compte aussi, comme le dit Régis Debray. Il en résulte que la jeunesse d’un enseignant n’a de sens que si elle est transcendée par une vocation et un don. Une vocation sur laquelle le temps n’a pas de prise ni d’emprise. Une vocation qui n’a pas d’âge spécifique.

Car combien d’entre nous se sont détournés ou ont renié par la force des choses et les contraintes du réel leur vocation pendant des années avant de la retrouver, avant de se retrouver soi-même, et décider enfin d’en faire sa vie, à 30, 40 ou 50 ans?

Cette décision gouvernementale n’a-t-elle pas été prise par quelqu’un ayant plus de 30 ans? Au Maroc nous n’en sommes pas à un oxymore près.

Quant à la pertinence de cette décision, seul l’avenir nous le dira, pour le meilleur ou pour le pire.

Par Rachid Achachi
Le 25/11/2021 à 11h00

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La limite d'âge était pratiquée pendant longtemps au Maroc et il fut un temps où il fallait avoir moins de 23 ans pour passer le concours du primaire ( 30 ans pour le secondaire). Maintenant il est très très difficile de" repérer" les candidats qui ont une vocation. Car lors d'un entretien on peut réciter des réponses , mentir, dire aux membres du jury ce qu'ils aimeraient entendre, etc. Les candidats ont déjà commencé à télécharger des lettres de motivation et à préparer des réponses avec l'aide des anciens. La vocation et le talent on les voit sur le terrain une fois qu'on est en situation professionnelle, en classe et pendant de longues années Comment donc sélectionner les meilleurs et ceux qui ont la vocation ? Oui pour l'évaluation des compétences académiques mais pour la vocation?

SI AU CONCOURS ON EST DEVANT CELUI OU CELLE DE 21 ANS , on mérite sa place. ni question de retard dans le cursus ou autre bizarrerie...

Mais c’est quoi ces coercitions qui font obstructions aux rêves des gens !? S’il y a un domaine où l’on devrait limiter l’âge, c’est bien la politique ; au moins, limiter de telles absurdités. Eu égard à la Convention des droits de la personne, la discrimination d’âge est illégale. Il serait temps de passer les commandes à une génération plus éveillée.

Je ne suis pas tout a fait d'accord avec vous M. Achachi. Effectivement enseigner est plus une vocation qu'un apprentissage comme vous le dites si bien mais malheureusement combien d'hommes et de femmes ont cette vocation? il faut dans ce cas passer par l'apprentissage du métier, et ce dernier ne se fait pas dans les manuels mais par l'expérience. Au Maroc les jeunes de plus de 30 ans qui vont vers l'enseignement sont pour la pluparts des anciens étudiants qui ont accumulé trop de retard dans leur cursus ou bien des chômeurs qui ont refait et refait plusieurs fois d'autres concours. Pourquoi ne pas favoriser les jeunes lauréats qui décrochent leur licence à 21 ans et qui sont pleins d'enthousiasme et pourquoi pas relever le niveau de présélection et ne garder que les meilleurs???

C'est vrai que le métier d'enseignant était longtemps une bouée de sauvetage pour beaucoup de gens. On le choisissait car il offrait la sécurité de l'emploi. Quand tu es jeune issu d'un milieu prolétaire ou sous-prolétaire c'est important. Certains le choisissaient aussi comme un plan B, suite à un accident de parcours ou un parcours se terminant sur une voie de garage... Pour moi, l'âge ne doit pas constituer un frein pour exercer ce métier. On peut très bien s'y reconvertir après une belle carrière acquise ailleurs. certains aiment repartir sur un métier qui aurait du sens à un moment de leurs vies. Et ce n'est pas pour y gagner fortune..

Bonjour Monsieur Rachid Achachi.Chronique très importante qui m'a plongé dans une certaine tristesse devant la bizarrerie de nos gouvernants.La question pour moi est: est-ce que le gouvernement actuel a vraiment et sérieusement envie de bâtir une école de qualité pour les petits marocains? Si oui, les exemples d'école digne de ce nom ne manquent pas à travers le monde.Ne réinventons pas le fil à couper le beurre! Les capacités nécessaires à l'exercice du métier d'enseignant sont connues et elles ne courent pas les rues malheureusement.Il faut les prendre là où elles se trouvent à n'importe quel âge sauf si on dépasse la limite d'âge légale de la retraite au moment de la titularisation.Il faut y aller, plus on attend, plus on s'enfonce au risque de ne plus pouvoir s'en sortir! Cordialement

la premiere decision du ministre en question concernant le profil des futurs enseignants me parait maladroite c est une premiere au maroc le recrutement pour la fonction publique inclut la courbe d age de 45 ans donc fixer une tranche beaucoup plus inferieure est une discrimination inadmissible et contraire au droit d egalite des citoyens d avoir des chances egales en dehors de toute exclusion illegale prealable e t comme il s agit de l avenir de nos enfants verifier la vocation pour cette mission delicate chez nos futurs enseignants est determinante

Ce responsable qui a certainement la science infuse devrait nous expliquer pourquoi un jeune de plus 30ans serait moins bon qu un autre de 30 ans et moins, cette décision ne nous prove t elle pas des génie qui ont plus de 40 ans?!!l'effort n'est il pas à placer dans la formation et l'évaluation continue des enseignants?!!

On ne peut pas trouver des solutions à des problèmes techniques, comme le chômage des jeunes diplômés, avec des politiques de «patching». Surtout quand il s’agit d’un domaine aussi important que l’éducation. Car, contrairement à d’autres professions, être enseignant est avant tout une vocation. Un engagement dans le fond. Et, par principe, tout engagement exige qu’on aime et respecte l’activité à entreprendre. Ainsi, le métier d’enseignant est aussi noble que, par exemple, celui de médecin qui peut aller jusqu’à sauver des vies. L’enseignant lui, instruit, prépare et forme le citoyen de demain pour qu’il soit capable de fonctionner proprement dans son environnement social, économique et culturel. Pour ce faire, c’est à l’enseignant que revient la tâche de lui donner les outils nécessaires.

Je déplore l'Absence de débat public surtout au sujet de l'éducation.. pour Monsieur le ministre et ce gouvernement en général, je les renvoie étudier votre précédent article concernant l'idéologie par ce que ils naviguent sans boussole

bientot ils voudront que les professeurs soient plus jeunes que les élèves... comme quoi il ne suffit pas d'avoir un costume et une cravate pour etre compétent.... on a notre mot à dire....certains doivent démissionner et vite

On a pas besoin d'un métalangage pour instaurer un enseignement et une éducation positive dans une société.Etant prof retraité j'ai appris qu'un enseignent ne peut remplire sa fonction si son salaire ne respecte pas une moyenne convenable de l’Éventail des produits existant sur le marcher. L'évocation d'une personne dépend de ce que lui offre la société.....

apres 31 ans on est voué au chomage selon ce ministre ... il faut le débarqué ainsi que ceux qui nous laisse acheter des voitures d'occasion aussi cheres que des neuves... quand il y en a ...

Excellente chronique Monsieur Achachi. Une fois de plus la mécanique bien huilée de vos propos ne laisse trahir aucun sous-entendu quant à notre inéluctable et regrettable affaiblissement en ce domaine.

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