Dans l'aile réservée à l'expo hommage à Hassan El Glaoui, je croise néanmoins une importante délégation de Subsahariens. Des francophones. Très bien habillés. Corps diplomatique? Je ne sais. Mais je suis fortement importuné par le discours de la jeune Marocaine qu'on leur a flanqués comme guide. Ce n'est pas qu'elle manque de volonté. C'est juste que son français est plus qu'approximatif et qu'elle ne maîtrise manifestement pas son sujet.
À leur demande répétée d'une explication de ce phénomène particulier de la culture marocaine qu'est la fantasia, la jeune fille a beau répéter à son tour qu'il s'agit "des cavaliers, habillés en tenue traditionnelle marocaine qu'on voit dans les moussems de toutes les régions du Maroc" -je vous épargne l'accent et les fautes-, le groupe demande plus amples détails! J'interviens, le plus subtilement possible, pour leur fournir les quelques éléments d'informations rudimentaires, indispensables à la compréhension des somptueuses scènes peintes par le fils Glaoui.
Ce qu'on appelle aujourd'hui fantasia, était un exercice militaire doublé d'une prestation d'apparat qu'exécutaient régulièrement les valeureux guerriers tribaux des différentes régions de l'heureux Empire chérifien -"Al mamlaka assa'ida ach'acharifa"... Et de rajouter que, dans sa prime enfance, le peintre, alors fils du plus puissant Seigneur de guerre du pays, a pu assister aux préparatifs des dernières harkas à but véritablement guerrier, juste avant que la cavalerie ne soit disqualifiée comme technique de combat au profit des tanks et de l'aviation militaire -information glanée par votre serviteur dans une monographie consacrée à Hassan El Glaoui (éd. Matisse Art Gallery).
Très joliment scénographiée, l'expo El Glaoui est un ravissement. Aux côtés des scènes de fantasias et autres "Sorties du sultan" auxquelles nous sommes habitués, tout un pan est consacré à des œuvres aux sujets bien plus intimistes: de multiples portraits de famille, quelques natures mortes. C'est charmant, touchant, sans être de la très grande peinture: très début du siècle bourgeois français -mais un début du siècle ignorant des bouleversements picturaux, mondiaux ceux-là, qui s'élaboraient tumultueusement au même moment.
Je passe à cette autre exposition qu'abrite simultanément le MMVI : "Les couleurs de l'impressionnisme, chefs-d'œuvre du musée d'Orsay".
Que dire? On a le souffle coupé. On a beau avoir cent fois vu et revu, en reproduction -y compris imprimés sur des boites de chocolats!-, ces œuvres iconiques, ayant bouleversé le cours de l'histoire de l'art mondiale, être en face, en vrai, d'un Renoir, d'un Caillebotte, d'un Saurat, d'un Monet et autre Sisley, vous fait toucher du doigt -plus exactement caresser de l'œil- le génie à l'état pur.
Pour ceux qui en ont la possibilité, faites-donc ce cadeau à vos enfants: emmenez-les donc se rincer l'œil de cette beauté-là. Ils vous en seront reconnaissants, un jour ou l'autre.