Pitié! Invitez-moi à une cérémonie de mariaaaage!

Famille Naamane

ChroniqueOr cet été… Walou! Ourilli! Pas de 3rasse. Allah yakhli (Dieu détruise) Corona! Frustrations, privations, dégâts!

Le 14/08/2020 à 11h02

Jadis, les mariages se fêtaient entre juin et août, période de l’année où les Marocains, majoritairement ruraux, vendaient les récoltes et disposaient de liquidités. Après un hiver pluvieux, les cérémonies étaient nombreuses et fastueuses. Sinon, elles étaient reportées ou simplifiées.

Le salariat s’étant développé dans les villes, les familles programment les festivités toute l’année. Mais l’été reste la saison privilégiée.

En été, la demande est si forte que les coûts des cérémonies flambent démesurément. A Casablanca, un orchestre coté peut valoir 20.000 dirhams en hiver et 120.000 dirhams en août! La location d’une salle des fêtes passe de 5.000 dirhams à 50.000 dirhams. L’arrivée massive des Marocains résidents à l’étranger augmente la demande.

Le marché de l’événementiel lié au mariage est prospère car nous autres Marocains, nous avons le nachate dans le sang. Toutes les occasions sont bonnes pour faire la fête. Ensuite, nous avons l’art d’entretenir les apparences et les cérémonies de mariage sont le lieu par excellence pour exhiber sa fortune réelle ou simulée… Par ailleurs, la population marocaine est jeune: 75% a moins de 40 ans. Il y a donc beaucoup de candidats au mariage.

Or cet été… Walou! Ourilli! Pas de 3rasse. Allah yakhli (Dieu détruise) Corona! Frustrations, privations, dégâts!

Une tendre pensée pour les victimes de ce secteur d’activité meurtri. Toute une chaîne de métiers pour égayer nos cérémonies, dont les Adoules. Je me faisais une joie de voir des femmes Adoules établir l’acte de mariage. Styliste, couturier, commerce du tissu et accessoires, chaussures et sacs, passementerie et ceinture, hammam et spas, coiffeur, nakkacha de henné, bijoutier, musicien, chanteur, danseuse, humoriste, traiteur, cuisinier, serveur, four public, pâtissier, chocolatier, location en tous genres: hôtel, sono, éclairage, tenture, équipement et décoration de salles… Naggafa, photographe, voiturier, société de surveillance, fleuriste, fqih pour lecture du Coran, immense marché de cadeaux, encens…et les médecins. Pourquoi? Parce que la plupart des mariées se munissent d’un certificat de virginité! 300 dirhams par certificat. Un médecin pouvait en établir plus de 10 par jour! Calculez le manque à gagner!

Cet été…Nos belles tenues de mariage msaquen, fierté de notre culture, ayant inspiré de grands couturiers tel Yves Saint Laurent, croupissent dans nos placards, non amorties eu égard à leur coût!

Ah! Le bon vieux temps! A partir d’avril, les invitations de mariage arrivaient, suscitant diverses émotions…Pas toutes positives.

Certaines promettaient des moments de joie, d’autres de l’ennui. Mais avec un point commun douloureux: acheter des cadeaux!

A l’approche de la cérémonie, les hommes sont zen: rasage, costume bleu ou noir, chemise, cravate ou pas, et chaussures choisies parmi 4 ou 5 paires. Un coup d’aftershave et hop, Monsieur est prêt. Mais Madame, naaaari Madame…

Je vous dis pas la galère! Hammam, esthéticienne, coiffeur, manucure et pédicure, choisir la tenue en se posant la question existentielle: «ces gens m’ont déjà vue avec cette tenue?» Choisir la paire de chaussures au milieu d’une cinquantaine, comme si Madame était un poulpe, un mille-pattes, sac, bijoux, maquillage…Sinon emprunter, louer…

A la cérémonie, un homme peinard, une femme épuisée par le stress de la préparation, la gestion du foyer et des enfants, chavirant dans des chaussures à hauts talons… Et le cadeau à la main! Impossible de slète, vous êtes filmés!

Ouf, on s’assoit…On râle: trop loin de l’estrade, trop proche de l’orchestre, chaises inconfortables… 

Commence alors l’inspection-évaluation: espace mal agencé, composition florale moche, orchestre démodé, famille du marié paaaas jusqu’à là-bas, contenu des tyafères ridicules, neggafa faaatiguée, la mariée n’est pas montée, wili une seule tenue comme si ses parents étaient pauvres, repas froid et non varié, dessert banal…La liste est longue et la namima dense!

Dire qu’on pensait ces moments éternellement acquis. La pandémie nous a appris que rien n’est acquis indéfiniment!

Cérémonies annulées. Déceptions. Mais les malheurs des uns font le bonheur des autres. Jamal, 31 ans: «merci Corona! Que d’économies! De 200 invités à 50!» Il faut juste ne pas décréter que la mariée est manhoussa (porte-malheur)! Pourquoi attribue-t-on toujours les malheurs à la mariée et non au marié? 

Ces fêtes nous manquent tant.

Je veux assister à un mariage. Je promets d’en savourer les secondes lors de ma préparation, déguster le moment présent, m’interdire la namima, jouir du bonheur d’être avec des gens que j’aime. Etre liiiibre d’exprimer ma tendresse, de recevoir de l’affection, embrasser, enlacer, câliner… Sans masque, sans distance... Sans phobie… Sans paranoïa!

Je veux livrer mon corps aux sons mélodieux de l’orchestre, me lever danser spontanément, sans attendre que l’on vienne me supplier…Za3ma genre chui pas à votre disposition, moi! Si vous voulez que je quitte ma chaise, venez me supplier, insistez pour flatter mon égo face à l’assistance.

Plaisanterie à part, nous tous, nous souhaitons juste que la vie reprenne son cours normal…Amen. 

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 14/08/2020 à 11h02

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Une description minutieuse de ce fait social qui est le mariage, un moment de rencontre, de conciliation, et de socialisation. Il est le produit et la convergence des efforts fournis par les deux familles. Il a une fonction sociale, celle de la reproduction de l’espèce humaine. Il est le sujet préféré de la sociologie et l’anthropologie.

Si vous voyez deux personnes ensemble,c'est que l'une d'elles est patiente.En effet,il faut un fonds inépuisable de patience pour que les humains ne se séparent pas;et surtout en mariage.Ce n'est pas à la femme d'être toujours patiente avec son mari ou le contraire,non.C'est chacun son tour,sinon ladite patience finira par s'éroder et finie la vie à deux.Et personne ne le souhaite.Bien à vous.

D'aucuns estiment que l'institution du mariage est démodée et encouragent donc le concubinage.Or si mariage il y a,c'est pour fonder une famille,avoir des enfants et perpétuer la race et non pour assouvir certains instincts.D'autres pensent qu'on peut recourir au clonage pour éviter l'extinction.Mais tout le monde est contre et opte pour le mariage et ses extraordinaires rituels.Bien à vous.

Même en cette période de Covid19 où les Mariages sont formellement interdits, certains se marient quand même et poussent même l’outrecuidance jusqu'à aller poster les images ou vidéos de leur délit criminel sur les réseaux sociaux comme l'acteur Bastaoui. Pauvre Maroc !!

Le mariage est un très bon exemple du developpement durable où chaque intervenant fait un chouia pour offrir un très bon produit à savoir la fête de la vie.Vivement que ça reprenne.Salut tout le monde.

Le mariage était(est)toujours une très belle occasion pour rassembler tous les membres de la grande famille:grands-parents,parents,frères et soeurs,cousins,cousines,voisins et toutes les connaissances. Le plus joli,c'est qu'au Maroc il n'ya pas qu'un mariage,mais plusieurs:le fassi,le nordiste,le berbère,le sahraoui,le oujdi,etc...Toutefois,on a tendance à uniformiser le mariage marocain.Salutations.

Une nuit de noces nécessite des préparations d'une année.Malheureusement,ce temps est révolu car actuellement le mariage est rapidement célébré.En effet,il suffit de quelques millions et le tour est joué. Mais tout le monde oublie que le vrai mariage c'est l'après-fête et l'après-lune de miel.En fait,la cérémonie des épousailles n'est que le prélude à la vie-réalité à deux.Merci Mme,vous nous avez fait revivre une belle fête de mariage par vos mots sublimes.Encore merci.

Excellente chronique qui en dit énormément sur notre société et ses travers. Maintenant même si je ne suis pas vraiment fan des mariages, j’aimerais que ça puisse reprendre, c’est bon pour toutes ces personnes qui pratiquent les métiers qui tournent autour et cela voudrait dire que cette incroyable calamité est derrière nous.

Bonjour, Madame vous avez un style de rédaction excellent, je suis un fan de vos écritures bijoux.

Merci madame de nous avoir rappeler ces moments de joie et de bonheur qui ne rassemblent nous autres marocains à nos mariages un peu particuliers: avec la mariée soulevée ( comme si vénérée) sur son " Hawdaj" et les youyou et les nagafats er les tkachatts cette parade multicolore cachant( masquant) la plus part de temps bien des intentions et des jalousies... très rarement un partage de la joie d'autrui pour la simple raison d'en manquer pour soi....la vie est si belle qu'il faut la vivre pleinement, il faut danser avec la musique et chanter avec le chanteur et déguster sans trop critiquer ( personne n'est parfait..) et dégager de la positivité (pas celle de covid hhhh) suivre en somme les quatre accorts toltèques.. Il faut qu'on apprene à vivre tout d'abord dans nos maisons( arretons de dépenser pour nos salons les yeux de la terre pour " les conserver" , (cela est un très bon exemple pour démontrer le "se faire valoir" au contraire il faut vivre dedans, sentir la joie en soi chez soi pour ensuite la partager avec autrui... Pour les aides festivités, nous sommes amerement désolés pour eux mais cela pourrait servir de leçons pour les débutants et les petites entreprises et l état d'avoir plus de visibilité pour l'avenir de ces métiers !NB: Dieu détruise corona( Allah yahlik) et non(Allah yakhli) je suppose. Très belle journée.

Ca nous manque

Marrante et bien tournée cette chronique. Pourquoi se marier au Maroc en 2020? Et qui a vraiment envie de se marier? L'homme ou la femme? Rarement les deux sont enthousiastes. Le plus souvent la femme se marie parce que sans cela elle n'est rien. Le mariage est la seule voie pour être reconnue pour ces capacités en...gestion du ménage! Alors navré, mais un mariage ici je le vis mal, car je sais que "l'heureuse" épouse va souvent "déguster". Ce n'est pas mieux ailleurs, mais les femmes sont beaucoup plus indépendantes, le mariage n'est pas un but mais une étape réussie ou pas dans leur parcours de vie. La liberté c'est le libre-arbitre et non le diktat d'une tradition qui vient du tréfond des Âges.

un salarié ne peut prétendre parler de liberté. Le vrai diktat est celui du reveil pour aller bosser pour un salaire de misere

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