Nous avons la chance d’appartenir au monde dit arabo-musulman. Le mot «chance» peut prêter à sourire. C’est le recul de l’adulte d’aujourd’hui qui permet de dire cela. Mais quand on est un enfant, ce recul n’existe pas. Alors l’enfant croit ce qu’on lui répète matin et soir, à l’école et à la maison, dans les manuels scolaire et à la télévision.
Nous avons tous été cet enfant qui a grandi avec l’idée fixe que les Arabes et les musulmans sont ses frères et ses sœurs. Qu’ils habitent les terres du Maghreb ou les déserts d’Arabie. Ils parlent la même langue et pratiquent la même religion. Ils ont plus ou moins le même passé et le même destin. Rien ne les sépare, tout les unit. Ils forment un seul corps et sont solidaires par la force des choses.
C’est pour cela qu’on les appelle nos frères et sœurs en islam. Nous formons la même famille.
L’enfant comprend alors qu’il est chez lui partout où vont ses pieds en terre arabe ou musulmane. Vous imaginez? C’est comme si la maison familiale ne se limitait plus à un petit appartement de la classe moyenne mais s’étalait sur un immense territoire à cheval sur deux continents. Quelle chance, quel bonheur!
Quelle arnaque, surtout!
L’arnaque, c’est nous, adultes, qui la vivons aujourd’hui. A une ou deux exceptions près (la Tunisie et, à un degré moindre, l’Algérie), nos frères en islam continuent de nous fermer leurs portes. Comme si le monde n’avait pas changé et comme si nous étions encore à l’époque de la guerre froide et des rideaux de fer.
Nos frères nous appliquent des visas au contenu bizarre et fastidieux, très longs à obtenir. A l’entrée, ils nous gratifient d’interrogatoires musclés, comme s’ils voulaient nous arracher des aveux. Et à l’intérieur du territoire, quand on a le privilège d’y pénétrer, ils nous suivent à la trace, avec des filatures à l’ancienne, très serrées, du corps-à-corps ou presque.
Entre autres gâteries, bien entendu.
A travers toutes ces tracasseries, nos frères en islam nous disent en substance: «Pourquoi tu viens chez nous? C’est quoi ton but? Qui t’envoie? Quel est ton agenda? Quels sont tes contacts?».
Toutes ces questions peuvent être en une, qui dit tout: «Que caches-tu?».
Cette question prend une tournure psychodramatique quand, par malheur, vous n’êtes pas officiellement invité. Ou quand vous êtes une femme, qui plus est célibataire…
Parce qu’il ne vient à l’esprit de personne, parmi nos frères en islam (qui sont nombreux, Dieu merci) que l’on puisse nous rendre chez eux sans leur vouloir aucun mal. Les touristes que nous sommes deviennent, jusqu’à preuve du contraire, des espions potentiels, des prostituées, des individus louches qu’il convient de filtrer et de contrôler au plus fin.
Bref, nous ne sommes pas forcément les bienvenues chez nos frères en islam. Cette hostilité, même les compagnies aériennes y participent, en rendant ces voyages hors de prix.
N’est-ce pas étrange d’être ainsi traités par sa propre famille!