Vidéos. Interdiction des cours en distanciel: la dernière aberration de Saaïd Amzazi qui indigne les parents d’élèves

Un élève suit un cours à distance, à partir de son ordinateur à la maison.

Un élève suit un cours à distance, à partir de son ordinateur à la maison. . MAP

De façon brutale, les cours en distanciel ont été suspendus du jour au lendemain par les établissements scolaires, pris au dépourvu par une mesure absurde du ministère de l’Education. Scandalisés par cette décision tombée du ciel, des parents confient leur incompréhension et leurs inquiétudes.

Le 10/09/2021 à 19h51

L’annonce du report de la rentrée scolaire 2021-2022 au 10 septembre a été suivie quelques jours plus tard par l’annonce d’un second report, cette fois-ci fixé au 1er octobre. Une mesure prise dans le souci de mener à bien la campagne de vaccination des 12-17 ans, a-t-il été expliqué, et de favoriser une rentrée scolaire normale, autrement dit placée sous le signe du présentiel.

Puis, quelques jours plus tard, alors que les établissements scolaires du privé avaient déjà commencé à dispenser un enseignement distanciel en attendant la rentrée scolaire officielle, la nouvelle est tombée comme un cheveu dans la soupe: interdiction de dispenser des cours en distanciel. 

Pour quelles raisons obscures cette décision a-t-elle été prise? Qu’est-ce qui peut bien motiver l’interdiction de cours en distanciel, quitte à devoir bousculer le calendrier annuel des établissements scolaires? «Le virus se transmet-il maintenant par le web?», ironise ainsi un parent d’élève.

A ces questions, aucune explication officielle n’a été apportée et comme d’habitude, les parents d’élèves, informés la veille pour le lendemain, ont dû prendre leurs dispositions en catastrophe sans compter l’état psychologique d’élèves déstabilisés par ce faux départ, et qui, sous le coup de ce stress supplémentaire, en viennent à perdre foi en l’école.

Contactés par Le360, de nombreux parents ont partagé leur indignation et leur incompréhension face à une décision «scandaleuse» qualifiée par la plupart, d’«absurde».

Parents en télétravail, enfants en vacances prolongées… le casse-tête«Mon mari et moi-même travaillons en télétravail et nous avons deux enfants, le plus jeune est en crèche et l’aînée, âgée de huit ans, fait son entrée en CE2 cette année. Mais depuis l’annonce du report de la rentrée, les deux enfants sont à la maison et ma fille qui étudiait en distanciel depuis le CP, et à qui ce système convenait très bien, s’en trouve privée», explique cette maman désemparée par cette nouvelle mesure.

«On ne sait pas comment les occuper à la maison tout en étant en télétravail… Nos enfants s’ennuient à mourir. Alors oui, on fait des petites révisions avec des cahiers de vacances, mais nous n’avons aucun moyen de les faire avancer sur le programme de cette année. C’est vraiment dommage car les enfants se sont habitués au distanciel depuis l’année dernière et ont gagné en autonomie. On avait pourtant annoncé aux écoles françaises qu’un système de prise de contact et de révisions serait mis en place en distanciel et on trouvait que c’était une superbe idée. Et puis là, plus rien… Sans parler des conditions dans lesquelles on annonce ça. Les enfants n’ont aucune visibilité, vont de déception en déception et perdent confiance dans un système qui change d’orientation fréquemment», déplore-t-elle.

Et d’ajouter: «à la même période l’année dernière, on a commencé en distanciel avant de revenir au présentiel et ça ne posait pas problème. Je ne comprends pas pourquoi on ne capitalise pas sur ce qui a bien fonctionné cette année encore».

Idem pour A.T. qui témoigne en vidéo et qui elle aussi doit gérer de front un emploi en télétravail et deux enfants à la maison, âgés de huit et dix ans, sans possibilité de les occuper avec un enseignement à distance. Pire encore, dans le cas de son aîné qui fait son entrée en première année de collège, celui-ci avait commencé les cours en distanciel début septembre avant de se voir contraint d’arrêter brusquement sa rentrée scolaire jusqu’au 1er octobre.

«Mon fils a passé deux jours en distanciel et un après-midi, je lui annonce qu’on doit arrêter les cours. Il n’a pas compris pourquoi et je n’avais pas de réponse à lui donner. Les enfants se sentent perdus, ils s’étaient préparés à entrer dans un rythme d’études. Ils sont fatigués des vacances et là, rebelote», s’indigne-t-elle. 

«Pourquoi on ne demande pas aux écoles si elles sont prêtes pour le distanciel et pourquoi ne pas leur laisser le choix de faire ce qui convient aux parents et aux enfants? Il n’y a pas de raison de rentrer dans les décisions des écoles du moment qu’il n’existe pas de risque lié au Covid. Qu’on interdise la rentrée, ok, mais le distanciel, je ne trouve aucune raison valable de l’interdire. Pour les parents en télétravail, ce n’est pas facile de voir son enfant ne rien faire. On essaie de travailler, de se concentrer. Le télétravail c’est notre gagne-pain, ce n’est pas un hobby. Il faut vraiment repenser cette décision et voir ce qui convient à la majorité des parents», conclut-elle.

C., mère au foyer de trois enfants scolarisés à l’école française à Casablanca en classes de 5e, CM2 et CE1, ne comprend pas non plus cette mesure. «Je suis comme 99,9% des parents contre le fait que l’école ne reprenne pas, mais ça c’est un fait avéré et on ne peut pas aller à l’encontre de ça. Mais j’ai du mal à comprendre comment on peut laisser des enfants sans nourriture intellectuelle et éducative alors qu’on sort de deux mois de vacances, alors qu’ils en ont besoin pour leur sécurité psychologique. Un enfant a besoin d’apprentissage, d’être stimulé cognitivement et avoir un troisième mois de vacances c’est terrible. Je suis plutôt étonnée que le gouvernement marocain n’ait pas permis cette alternative. La proposition qui avait été faite par les écoles françaises de séances en distanciel de prises de contact et de révisions, pourquoi pas? Ça aurait été une première chose d’installée et on aurait gagné du temps pour que les enfants puissent s’y retrouver et ne se disent pas qu’au mois de septembre, partout dans le monde l’école a repris, mais que eux sont complètement voués à l’abandon, et tournent en rond», déplore la mère de famille.

Les élèves du secondaire, les principales victimes d’une mesure incompréhensibleI.T., parent d’un élève qui passe actuellement son bac à l’école américaine de Rabat, est hors de lui. Et pour cause. La rentrée scolaire de son fils a eu lieu en présentiel, suivant le calendrier scolaire américain, et s’est brutalement interrompue… sans autre explication. 

«Les enfants ont fait leur rentrée scolaire le 23 août en présentiel. Le problème de gestion du présentiel et du distanciel ne se pose pas dans cet établissement, car les classes sont équipées de caméras qui permettent de suivre les cours à distance. Nous n’étions donc pas concernés à l’origine par le report de la rentrée au 10 septembre, et encore moins par l’annonce du deuxième report au 1er octobre, car dans le cas des écoles américaines, celles-ci dépendent directement de l’ambassade des Etats-Unis contrairement aux missions étrangères qui elles ont des conventions avec l’éducation nationale marocaine et se doivent de respecter des procédures administratives. Les écoles américaines ne peuvent pas décaler leur calendrier jusqu’en juillet avec des examens qui se déroulent en mars et en avril. Dans le cas de mon fils qui est en dernière année, il a énormément de travail et son programme doit être travaillé bien en amont car ils sont obligés de passer leurs examens en même temps qu’aux Etats-Unis», explique ce papa.

Et de poursuivre, indigné: «que fait-on de l’état psychologique des enfants qui ont fait leur entrée en août, à qui on annonce ensuite qu’ils passent en distanciel et puis in fine qu’ils n’ont plus cours du tout? Où vont-ils trouver la motivation? Le mien en a pleuré en apprenant la nouvelle qui est tombée la veille à 22h00 pour entrer en vigueur le lendemain!»

Même son de cloche du côté de cet autre papa. «Je trouve ça scandaleux de ne même pas avoir au moins du distanciel et je ne vois pas comment vont s’organiser tous les bacheliers qui doivent étudier à l’étranger s’ils sont encore en cours en juillet!»

L.B., professionnelle de santé, maman de trois enfants scolarisés dans l’enseignement privé en crèche, collège et lycée, témoigne pour Le360 en vidéo de son incompréhension face à cette mesure qui, selon elle, «va être particulièrement handicapante pour les enfants et qui va avoir des répercussions sur leur scolarité, mais aussi sur leur psychologie».

«Je ne comprends pas qu’on parle d’égalité des chances et qu’on mette dans le même panier des élèves de maternelle, de primaire, de collège et de lycée. Les élèves de maternelle et de primaire peuvent effectivement rester en congé un mois de plus et se rattraper par la suite avec un changement de calendrier. Mais que fait-on des élèves du collège et du lycée?» interroge-t-elle à juste titre. Et de poursuivre, «les élèves du collège sont à un âge sensible et les priver d’un mois de scolarité peut développer chez eux des addictions aux jeux, une perturbation de leur rythme scolaire plus difficile à corriger. Mais le point qui me perturbe le plus et pour lequel je n’ai pas de réponse est: quelle justification au fait d’interdire le distanciel à des élèves de lycée? Le virus ne se propage pas par ordinateur!» 

Particulièrement préoccupée pour les élèves de terminale qui passent leur baccalauréat cette année, la maman insiste sur le fait que «ces élèves sont très perturbés par le fait qu’ils ne vont pas avoir un mois de cours, qu’ils ne pourront pas avoir les notes suffisantes pour leurs dossiers de candidature à l’étranger et que le bac va être maintenu quoiqu’il arrive à la même date».

«Prolonger les cours pour eux jusqu’au mois de juillet n’a strictement aucun intérêt. Ce sont des élèves qu’on sacrifie alors qu’ils sont parfaitement en mesure de suivre le distanciel, ils l’ont prouvé l’année dernière. Ils sont grands, ils sont matures, ils font leurs devoirs, ils suivent leurs cours... Quel est le motif valable pour interdire le distanciel?», questionne-t-elle.

Les écoles privées, victimes d’un système public bancal?Sur la question de l’interdiction du distanciel, ce directeur d’école privée à Rabat, résume ça en un mot: «tkhar-be-co-lo-gie». «C’est une manière de lancer une bombe au moment des élections pour savonner la pente à certains partis. C’est une question politique. Je sais que je vais perdre, donc je veux semer la zizanie dans les administrations. C’est comme ça que je vois les choses», analyse-t-il. 

Car, rappelle-t-il, «le ministre avait dit la dernière fois que les écoles marocaines étaient prêtes pour le distanciel, que les classes étaient préparées pour ça, mais en fait, il n’en est rien. Oui, les écoles privées marocaines et étrangères sont prêtes pour le distanciel, mais ce n’est pas le cas du public. Et ce n’est pas dans l’intérêt du ministère de montrer les lacunes du secteur public. Ils ont politisé l’éducation. Ce que je vois dans cette décision, c’est la volonté de casser l’enseignement privé marocain et étranger», juge-t-il.

Cette décision, qui ne concerne pas les études supérieures dont la rentrée se fait généralement en octobre, précise ce même directeur d’établissement «va à l’encontre des mesures prises pour freiner la propagation de la pandémie». Car, poursuit-il «que vont faire ces enfants de leurs journées? Se voir entre eux, aller à la plage, traîner dans les rues? Tout le contraire de ce qu’il faut faire en cette période!»

Il est en effet très difficile de trouver une explication logique à cette décision, prise par le ministre sortant de l’Education nationale, Saaïd Amzazi. Si l’on veut lutter contre la propagation du Covid-19, l’enseignement distanciel est à l’abri du coronavirus. D’ailleurs, preuve du caractère aberrant anti-pédagogique de cette mesure, le département d’Amzazi a rétropédalé maladroitement le vendredi 10 septembre en expliquant que les cours à distance, dispensés par la télévision et la plateforme TelmidTice, vont reprendre le 13 septembre. Vivement que le prochain gouvernement mette un terme à cette gestion calamiteuse de l’éducation nationale.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 10/09/2021 à 19h51