Tribune. Se mettre nu(e) devant le médecin

Echographie médicale pratiquée par un médecin sur une patiente. 

Echographie médicale pratiquée par un médecin sur une patiente.  . Agência de Notícias do Acre

Lors d’une consultation médicale, y a-t-il des règles spécifiques à suivre en matière de déshabillage?

Le 26/12/2021 à 09h01

Se mettre nu(e) devant le médecin est une problématique réelle. Notamment lorsque l’urologue veut réaliser un toucher rectal, quand il soupçonne une atteinte de la prostate, ou quand le gynécologue veut apprécier l’état du col utérin en mettant son doigtier médical en latex pour réaliser un toucher vaginal. Ce sont deux actes médicaux pour lesquels il faut préparer psychologiquement le patient ou la patiente.

Lorsque votre médecin doit vous examiner, vous devez parfois vous déshabiller. Parfois une certaine gêne s’installe, généralement quand il s’agit d’une patiente qui ne se sent pas à l’aise suite à cette phrase: «déshabillez-vous».

Le déshabillage d’un patient ou d’une patiente est paradoxalement une problématique rarement débattue.

Le moment de l’examen physique est pourtant un moment particulier où le patient ou la patiente doit se dévêtir face à un professionnel qui, pour le ou la soigner, doit regarder, voir toucher son corps dénudé.

Une étude réalisée en France auprès de patients d’une consultation de médecine générale a montré que les comportements des malades varient fortement lorsqu’un médecin leur disait «déshabillez-vous».

La plupart se mettent en sous-vêtements. Certains enlèvent le haut. Un très faible pourcentage se déshabille complètement.

Au Maroc, aucune étude ne s’est intéressée à cet aspect, qui est la clé d’une communication réussie entre un médecin et son patient ou sa patiente.

Les situations sont nombreuses et changent fortement en fonction de la spécialité du professionnel.

Chez l’ophtalmologue, vous n’aurez pas besoin de vous dévêtir. Chez le généraliste un peu plus, chez les urologues, les gastro-entérologues et gynécologues, plus encore. D’autant qu’on ne peut pas imaginer dans ces trois spécialités, une consultation professionnelle efficace, sans un toucher rectal (TR) ou un toucher vaginal (TV).

Et cela pose d’autres formes de tabous à lever dans la consultation médicale, particulièrement dans notre contexte marocain. Cette problématique de déshabillage prend une autre dimension, quant l’acte médical nécessite un contact physique, notamment chez les kinésithérapeutes ou les ostéopathes.

La règle générale devait être que le patient doit se déshabiller le moins possible, mais suffisamment pour que le professionnel puisse faire son examen complet.

Des études internationales montrent que le ressenti du patient risque d’être négatif lorsque la différence d’âge entre soignant et soigné est grande ou lorsqu’il existe une opposition de sexe.

Le comportement du médecin est un élément déterminant, que se soit sa discrétion pendant la phase de déshabillage ou selon les mots qu’il utilise.

Tout médecin, marocain, ou ceux d’autres cieux, est conscient du fait que cette question du déshabillage et donc du respect de la consultation, n’est pas abordée durant la formation de base dans les facultés de médecine.

Il est évident qu’en premier lieu, il est d’abord question de bon sens et du fait que le respect du patient fait partie intégrante du travail du soignant.

Au vu de la différence de situation entre l’examinateur et l’examiné, on peut tout de même constater que les professionnels sont très peu sensibilisés à cette thématique.

Un guide de la Société suisse de gynécologie dont le titre est fortement révélateur («Directives et aide-mémoire concernant l’inconduite à caractère sexuel au cabinet médical»), pourrait être parfaitement un outil de travail pour l’adopter en l’adaptant au contexte marocain.

Dans ce document, quelques points attirent d’emblée l’attention et doivent inspirer tout praticien de santé.

Les patientes doivent disposer d’une cabine pour se préparer à l’examen médical afin d'être protégées du regard du médecin.

Le praticien doit éviter autant que possible l’examen d’une patiente nue. D’abord on examinera les parties supérieures et ensuite les parties inférieures ou vice-versa.

Sinon, on mettra à la disposition de la femme un drap ou un peignoir.

Quand il s’agit d’un premier examen et si l’examinateur est un homme, on demandera à la patiente si elle souhaite la présence à ses côtés d’une personne de sexe féminin pendant l’examen.

Le médecin doit faire attention à son langage. Ce dernier doit être professionnel. Des mots ou des phrases suggestives ou floues ne doivent pas être utilisés lors de l’interrogatoire clinique de la patiente.

Le praticien médical doit impérativement éviter des compliments sur les attributs physiques ou sur la belle lingerie. Aucune remarque d’appréciations sur l’apparence du corps, telles que sa forme ou un piercing. Et surtout veiller à ne pas toucher la patiente de manière inappropriée ou trop longue, par exemple ne pas trop s’attarder sur une palpation du sein.

Le simple «déshabillez-vous» ne devrait d’ailleurs plus exister. Le médecin doit donner des directives très précises à sa patiente. «Retirez uniquement votre chemisier pour que je puisse ausculter votre cœur ou vos poumons.»

«Svp Madame, enlevez votre robe ou votre pantalon pour que je puisse vous faire un examen gynécologique, notamment un toucher vaginal.»

«Svp Monsieur, ôtez votre pantalon et mettez vous dans telle position, afin que je puisse examiner votre prostate par un toucher rectal.»

Ou pour un électrogramme (ECG), chez une femme: «je vais coller des électrodes sur votre thorax, veuillez enlever le haut, y compris votre soutien-gorge.»

Le patient ou une patiente ont parfaitement le droit de demander qu’on leur explique l’opportunité d’effectuer tel ou tel geste par le professionnel médical.

En cas d’abus ou de doute, une patiente ou un patient doivent en parler à leurs proches ou à une organisation de défense des patients, quand elle existe. 

*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.

Par Anwar Cherkaoui
Le 26/12/2021 à 09h01